P. F. Fauche et compagnie (Tome IIp. 56-58).


LETTRE XL.

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Le Marquis de St. Alban
à la
Duchesse de Montjustin.


Mille et mille grâces soient rendues à mon adorable cousine ; à quoi comparer ma joie ? à celle d’un homme qui a engagé toute sa fortune sur un coup de trente et quarante, qui a trente-neuf pour lui et voit arriver quarante. Me voilà soulagé d’un grand fardeau ; mais quelle dextérité vous avez développée, ma cousine ? quelle habileté vous avez mise dans les gradations de votre conversation ? il n’est point d’ambassadeur qui puisse vous être comparé. Vous avez bien raison de ne pas me gronder, d’abord par générosité, ensuite parce que vous ne me diriez rien qui ne se soit présenté à mon imagination sous la plus noire couleur. Vous aimez la Comtesse ; mais je crois, et ce n’est point hélas ! pour me vanter, que je l’aime cent fois plus que vous ; j’ai donc été cent fois plus inquiet. Elle m’impute avec raison l’embarras où elle s’est trouvée, et réalise les dangers qu’elle a courus pour m’en rendre coupable. Je ne fais comment j’oserai reparaître à ses yeux ; encore si je pouvais lui demander pardon à genoux, mon repentir lui donnerait lieu, je crois, d’exercer cette sublime indulgence qui la caractérise. Instruite de mes sentimens, ne doit-elle pas me savoir gré de les avoir contenus, jusqu’au moment ou elle les a, malgré moi, découverts. Adieu, ma chère cousine, il ne me paraissait pas possible que je vous aimasse davantage, et je crois cependant que vous m’êtes plus chère encore depuis quelques heures.

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