P. F. Fauche et compagnie (Tome IIp. 33-35).


LETTRE XXXV.

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le Commandeur de Loewenstein
au
Marquis de St. Alban.


La lettre que j’ai l’honneur de vous écrire est pour me plaindre de vous ; il n’y a que deux mois que j’ai l’honneur de vous connaître ; mais je croyais que ce temps avait suffi pour vous donner de moi l’opinion que je crois mériter ; comme il m’a suffi pour vous rendre toute Justice. Vous formez le projet de vous établir à la campagne, et vous savez que j’ai un château où vingt personnes peuvent loger à l’aise, et vous n’imaginez pas de me donner la préférence ; mais ce n’est pas tout, et comme pour me braver, vous vous logez à dix portées de fusil de mon château. Qu’avez-vous pensé de moi, monsieur le Marquis, en me donnant un tel déplaisir ? Que penseront de moi mes voisins ? Ne seront-ils pas fondés à dire : le Commandeur est ami d’un homme de qualité, plein de mérite, il le laisse s’établir à sa porte dans une chétive maison, et n’a pas le cœur de lui offrir un appartement chez lui ; est-ce le procédé noble et franc d’un homme de qualité, envers un homme de sa sorte, que de ne pas s’adresser à lui avec confiance, et deviez-vous douter de mon empressement à vous offrir tout ce que je possède ? Tâchez, monsieur le Marquis de me rétablir dans l’opinion de mes amis et de mes voisins, et vous de vous rétablir dans mon cœur, où vous êtes bien mal. Le seul moyen qui vous reste, c’est de m’accorder le plus souvent possible le plaisir de vous voir ; c’est de venir passer une partie du temps avec moi, de chasser sur ma terre comme sur la vôtre, et de faire demander à mes gens tout ce qui peut vous être utile, ou agréable. J’ai l’honneur d’être avec la plus haute considération.

Monsieur le Marquis,
Votre etc.
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