P. F. Fauche et compagnie (Tome IIp. 30-32).


LETTRE XXXIV.

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La Cesse de Loewenstein
à
Melle Émilie de Wergentheim.


Voici, ma chère Émilie, la copie d’une lettre de mon oncle au Marquis et sa réponse que le Marquis m’a communiquée. Vous verrez la noble façon de penser de mon oncle, et vous apprendrez que le Marquis est établi à une lieue d’ici, et à un quart de lieue du château de mon oncle. Ma mère a paru très-aise de le voir fixé auprès de nous ; mon oncle nous a félicitées de ce voisinage dont il se promet bien, a-t-il dit, de profiter ; mon père a paru assez indifférent à cette nouvelle. Monsieur de Loewenstein a dit : je ne croyais pas qu’il fût assez riche pour louer une maison. Appelez-vous cela une maison, a dit ma mère ? — Enfin c’est une habitation, et il y a bien des Émigrés qui ne seraient pas en état de faire cette dépense. Mon oncle a répété plusieurs fois, assez riche, avec humeur, et a dit ensuite : je ne sais pas, mon neveu, pourquoi nous ferions l’inventaire des misérables débris que le Marquis a pu sauver de son naufrage : il a ce qu’il a ; mais s’il a besoin de trois mille ducats, d’un bel et bon appartement, et d’un dîner qui en vaut bien un autre, il n’a qu’à s’adresser au commandeur de Loewenstein. Ma mère a applaudi de l’œil et du geste sans dire un mot, mon père a dit froidement, les malheureux doivent toujours compter sur mon frère. Grand merci, mon frère, a repris le Commandeur ; mais ce terme de malheureux me fait de la peine quand il s’agit d’un homme comme le Marquis : il ne l’est que trop, malheureux, je le sais bien. Mon mari promenait ses regards sur nous tous, et ses regards disaient, quand on a des parens, quand ils sont menacés de perdre un procès !… Pour moi j’ai regardé mon oncle aux premiers mots qu’il a dits, d’un air d’admiration, et de sensibilité, et ensuite mes yeux sont restés fixés sur mon ouvrage. Que dites-vous de cette scène, Émilie, n’admirez-vous pas mon bon oncle, et ne trouvez-vous pas qu’il y a beaucoup de délicatesse à avoir relevé ce mot de malheureux ? J’embrasse bien tendrement mon Émilie.

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