L’Égypte et le canal de Suez/L’Égypte/Ancienne/04

iv. — LES MAMELUKS.

La milice triomphante fonda sous le nom de Mameluks-bahrites, une dynastie qui gouverna l’Égypte pendant plus d’un siècle, et à laquelle succéda, en 1384,la dynastie des Mameluks-circassiens appelés au trône, comme les précédents, par une révolution militaire.

Cette dynastie se composa également d’une série d’émirs turbulents qui se disputaient l’autorité et provoquaient d’ordinaire par des moyens sanglants les vacances dont ils profitaient.

La conquête de l’Égypte par Sélim, successeur de Bajazet mit fin à la dynastie des Circassiens ; mais non pas à la puissance des Mameluks qui, au nombre de vingt-quatre, furent nommés beys ou commandants des provinces. Toutefois au-dessus du leur fut créé le pouvoir central et supérieur d’un pacha ou vice-roi.

Mais redoutant que ce pacha qui devait contenir l’ambition du bey et de la milice, ne se servît un jour de l’étendue de son pouvoir pour se déclarer indépendant, Sélim, qui du reste, en s’emparant de l’Égypte, avait en vue bien moins un agrandissement de territoire que la conquête du titre d’héritier et de lieutenant de Mahomet que s’attribuaient les héritiers des Abassadides, imagina d’établir un contre-poids réciproque entre ces deux autorités, dont il prévoyait les intrigues ambitieuses ; et pour cela il attribua aux beys, aux corps de milice et aux principaux ulémas du pachalik, le droit de contrôler les actes du pacha et de le révoquer de ses fonctions, au cas où son administration ne serait pas régulière.

Cette mesure était aussi impolitique que dangereuse. Elle devait ruiner promptement la domination de la Sublime-Porte en Égypte.

Les Mamelucs-beys, en effet, ne se firent point faute d’user de ce droit de destitution, au moyen duquel ils recouvraient en quelque sorte la souveraineté que le sort des armes leur avait fait perdre.

Les révocations de pachas se succédèrent sans être jamais discutées par le gouvernement de la Porte. Les beys envoyaient à Constantinople les pièces qui constataient les actes vrais ou supposés du pacha. Ces pièces étaient signées par eux d’abord et ensuite par quelques officiers du corps de milice et par quelques ulémas complaisants. Sur la réception de ce dossier, le grand seigneur n’hésitait jamais à nommer un nouveau pacha.

Quant au tribut fixé par Sélim, comme équivalent de la partie des contributions qui devaient revenir au gouvernement de la Porte, il fut d’abord envoyé chaque année à Constantinople avec un grand appareil, puis il y eut des retards, des tiraillements ; enfin il cessa complètement d’être payé.

Il serait trop long d’indiquer ici l’interminable nomenclature des pachas égyptiens, hommes sans importance d’ailleurs, et dont le principal souci était de s’indemniser par toutes les voies possibles du présent magnifique que leur avait coûté leur investiture.

N’osant compter sur une longue autorité, ils se hâtaient d’arriver à la fortune, et leurs exactions ne servaient que trop de prétexte aux beys pour les accuser et les déposer, aussitôt qu’ils pouvaient craindre de leur voir prendre quelque autorité réelle.

Bientôt l’influence administrative de ces souverains de passage s’effaça complètement ; ils ne furent plus que des automates aux ordres des beys.

Tel était l’état des choses au moment où éclata le conflit avec la France, à la suite duquel eut lieu l’expédition de 1798.

C’est à ce moment que nous ferons commencer la deuxième partie de notre récit que, sans tenir compte des divisions ordinaires de l’histoire, nous avons intitulée l’Égypte moderne.