L’Église et la République/Chapitre II

CHAPITRE II


Aperçu des rapports de l’État français avec l’Église sous la troisième République, depuis sa fondation jusqu’en 1897.

Quand la République s’établit pour la troisième fois en France, il n’y avait plus d’Église gallicane ; le souvenir même en était effacé. L’Église des Gaules n’était qu’une province de l’Église romaine. Et les conventions de 1801 en faisaient une église d’État. Les évêques auxquels le Concordat donnait le rang et les pouvoirs de hauts fonctionnaires n’obéissaient qu’à Rome. Les religieux ne reconnaissaient pas d’autre autorité que celle du Pape. Cette Église étrangère possédait d’immenses richesses, de vastes territoires, des fondations en grand nombre. Elle dominait dans les plus importantes administrations de l’État : aux Cultes, comme religion de la majorité des Français ; à l’Instruction publique, où elle avait conquis sur l’Université affaiblie les trois degrés de l’enseignement ; dans les établissements hospitaliers, desservis par ses religieuses ; à l’armée, qu’elle fournissait d’officiers formés dans ses écoles. Ses forces dans l’opinion étaient peut-être moins solides et moins étendues. Le paysan, qui ne l’aima jamais et qui ne la craignait plus, ne la regardait pas d’un bon œil ; et, hors les provinces de chouannerie, il n’y avait guère pour le curé que les femmes et les enfants. L’ouvrier l’exécrait. Mais la jeune bourgeoisie, issue des Voltairiens de 1830, lui revenait. Son plus grand homme d’État, M. Thiers, lui avait donné l’exemple, quand, épouvanté de voir les rouges dans la rue, il était allé se cacher sous le camail de Monseigneur Dupanloup. Chefs d’usine, négociants, propriétaires, petits et gros rentiers demandaient à la religion de les protéger contre les socialistes déchaînés. L’Église, en 1871, retrouvait sa vieille alliée, la peur.

Elle retrouvait dans le gouvernement même une autre alliée, la philosophie spiritualiste. Les ministres du 4 septembre se montrèrent plus faibles devant l’Église que les ministres de l’Empire. Ils se conduisirent comme ces évêques dont parle Saint-Simon, « qui avaient horreur des maximes de l’Église de France, parce que toute antiquité leur était inconnue. » En 1872, on fit ce qui n’avait jamais été fait en France, pas même sous le règne de Charles X. On soumit au Pape le choix des évêques ; on admit que le Nonce participât à des nominations que le Concordat remettait au seul gouvernement français, et l’on fut surpris ensuite de voir l’Episcopat composé d’ultramontains enflammés. Mais il faut tout dire : Plus tard, certains ministres des Cultes, moins accommodants que Crémieux et que Jules Simon, insistèrent pour que la curie prît leurs candidats. Chaque fois qu’elle y consentit, ils s’en trouvèrent mal. Ces évêques, imposés par le pouvoir civil, avaient à cœur de se faire pardonner leur origine : aussitôt nommés, ils faisaient éclater un ultramontanisme guerrier et traitaient la République en ennemie. C’était à ne plus savoir comment s’y prendre. L’entente préalable, comme on disait, et l’intervention du Nonce dans le choix des évêques n’en constituait pas moins un abus fâcheux et consacrait l’ingérence d’un souverain étranger dans le gouvernement de la République.

Il faut rendre cette justice à l’Église romaine, qu’elle garda toute son indépendance à l’endroit des républicains libéraux, des philosophes spiritualistes et des doux juifs qui avaient fait en sa faveur un tel abandon des droits de l’État.

Il n’est pas vrai, comme on l’a dit, qu’elle condamne l’État républicain. Elle considère, au contraire, que le pouvoir dans une République comme dans une Monarchie vient de Dieu, qui l’institua pour le soulagement ou pour le châtiment des peuples, et dans tous les cas pour leur salut, car il est salutaire aux coupables d’être punis. Les bons pouvoirs sont fidèles à leur divine origine : ce sont les théocraties. Les mauvais pouvoirs l’oublient ou la nient. Ils livrent soit au tyran soit aux peuples une part des droits qui appartiennent à Dieu. Les peuples doivent une égale obéissance à tous les pouvoirs, aux pires comme aux meilleurs. L’Église a seule le droit de déposer les mauvais princes et de mettre à mort les tyrans. Telle est la pure doctrine.

L’Église n’estime pas que la République soit mauvaise en soi. Mais elle la juge mauvaise quand elle institue la liberté de conscience, la liberté de l’enseignement et la liberté de la presse. Dès lors, comment s’étonner que l’Église s’efforçât de renverser cette République, de tous les États modernes le plus détestable à ses yeux, puisqu’il était le plus laïque et se proposait de rendre aux laïques l’enseignement, la justice et l’assistance ? Toute son espérance était à Frohsdorf où sommeillait et chassait l’enfant du miracle que, soixante ans auparavant, Dieu avait donné à la France pour la sauver.

Les mornes élections de 1871, faites sous les canons allemands, furent son premier triomphe. Les paysans voulaient la paix. Craignant les républicains toujours coiffés, comme Victor Hugo, du képi de la défense nationale, ils choisirent de préférence de vieux monarchistes, innocents des fautes de l’Empire et des défaites de la République. De leurs votes pacifiques sortit l’assemblée qui voua la France au Sacré-Cœur. Évêques, moines et curés, à l’ombre de cette assemblée, travaillaient au rétablissement de la Monarchie. Les paysans les laissaient faire, préférant les bleus aux rouges et craignant moins le rétablissement de la dîme que le partage des biens. La Commune de Paris écrasée, quatre-vingt mille prolétaires massacrés, la République ne tenait plus que par un petit vieillard habile, égoïste, cruel, le président Thiers, qui la défendait sans générosité, sans honneur, mais âprement et subtilement comme son bien. Thiers tomba. Dans le monde religieux, on annonçait la prochaine entrée de Henri V à Paris. On montrait la voiture et les chevaux du roi. Les clercs étudiaient le cérémonial du sacre et les dames, dans les châteaux, brodaient, sur des écharpes blanches, des fleurs de lis d’or. La Monarchie de droit divin était faite. Il fallut que le comte de Chambord la défit lui-même, et rendît sa restauration impossible en rejetant le drapeau tricolore, objet du culte national. Le clergé alors se tourna vers les Orléans qui, malgré la pesanteur allemande de leur chef, étaient des prétendants redoutables, avec leur grosse clientèle bourgeoise et leurs milliards. Le soldat ignorant par qui l’Assemblée avait remplacé Thiers, tenta le coup du 16 mai, coup brutal et timide où se sentait la main du prêtre. Les hommes qu’il appela au ministère étaient des monarchistes, mais ils étaient aussi des parlementaires qui ne voulaient pas faire appel à la force, ce qui paraissait incroyable à tout le monde, et même à leurs préfets. Les républicains d’alors, médiocres au gouvernement, étaient excellents dans l’opposition. Ils combattirent les monarchistes avec une exacte discipline et une brillante ardeur. L’opinion était pour eux dans les villes ; les campagnes commençaient à leur revenir. Les élections les ramenèrent au pouvoir.

Thiers était mort. Gambetta qui, par son éloquence ardente, avait assuré la victoire électorale, devenait le chef de l’opinion et l’arbitre de la République. De lui surtout dépendait la politique du nouvel État à l’endroit de la vieille Église. Allait-il dénoncer le Concordat, démontrer la nécessité de rompre les liens qui attachaient l’une à l’autre les deux ennemies ? Rien n’était plus loin de sa pensée :

— Pourquoi ne voulez-vous pas de la séparation ? lui demanda un jour M. Hyacinthe Loyson, qui lui-même, sous une pluie de foudres, s’était séparé de l’Église.

— Ce serait la fin du monde, répondit Gambetta. Le clergé, groupant autour de lui toutes les réactions, serait plus fort que nous.

Le clergé concordataire les avait bien groupées, toutes les réactions ! Et Gambetta le savait assez. Mais il avait le sentiment des difficultés immédiates. Son parti s’épouvantait de la séparation ; le gouvernement des vainqueurs avait à sa tête un catholique concordataire et pratiquant, le vieux Dufaure. L’armée couvrait l’Église. Si près de la défaite et, du moins on le croyait, de la revanche, qui donc eût osé toucher à l’armée ? Gambetta, d’ailleurs, sous des dehors révolutionnaires, était profondément conservateur. Il ne songeait qu’à continuer la politique religieuse de Napoléon Ier, du Gouvernement de Juillet et de Napoléon III. Il n’en connaissait, n’en concevait pas d’autre. C’était un homme d’autorité. Tandis que sa chaleur généreuse, sa large bonté le portaient à toutes les alliances et à tous les embrassements, ses instincts de domination l’avertissaient de ménager l’Église, alliée naturelle de toutes les puissances. Il lança une parole retentissante : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » coup de clairon qui sonnait la charge contre le vide. En désignant le cléricalisme comme l’ennemi, il détournait de l’Église les coups des républicains pour les attirer sur un être de raison, un fantôme d’État. Dès lors la politique ecclésiastique de la troisième République était déterminée[1].

En 1880, Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, soutint devant les Chambres un projet de loi sur l’enseignement supérieur dont le septième article interdisait tout droit d’enseigner aux membres des congrégations non reconnues par l’État. Le Sénat rejeta cet article. La Chambre des députés, qui suivait la politique anticléricale de Gambetta, réclama par un ordre du jour la dispersion de ces congrégations, qui n’avaient point d’existence légale. En conséquence, le Président de la République, c’était M. Grévy, signa des décrets ordonnant la dispersion des religieux visés par la Chambre. Ils refusèrent, pour la plupart, d’obéir, alléguant qu’ils ne le pouvaient pas, que la loi était injuste, et que se soumettre à l’iniquité, c’est s’en rendre complice. Dominicains et Capucins ne cédèrent qu’à la force, ou plutôt aux symboles de la force. Le préfet de police Andrieux vint lui-même en gants gris perle chasser les Jésuites de leur maison de la rue de Sèvres. Le lendemain, ils étaient tous rentrés. Ce fut la première persécution de l’Église sous la troisième République. Elle dura de juin à septembre.

Selon les intentions de Jules Ferry et de ses collaborateurs, elle ne fut qu’une apparence et un amusement. Jules Ferry n’avait pas formé sans doute à cette époque les plans qu’il exécuta plus tard. Mais il était déjà entêté de gouvernement et d’autorité. Il avait deux grandes parties de l’homme d’État, la puissance de travail et l’opiniâtreté. Il savait conduire une entreprise, et si son action contre les moines fut d’une faiblesse visible, c’est qu’il le voulut bien, et qu’il suivait, en ménageant l’Église, les avertissements de son ambition. Devenu, après la mort de Gambetta, chef du gouvernement, il se montra impérialiste à la manière anglaise et jeta la France dans ces expéditions coloniales et dans ces conquêtes lointaines qui emportent armée, finance, négoce, missions catholiques d’un même élan de gloire et d’affaires. Dès lors, il flatta les évêques et ne ferma plus les couvents. Les Pères Blancs devinrent ses collaborateurs. Pour lui, le péril ne venait plus des moines. Il se dressait à gauche, sur les bancs où siégeaient les radicaux. C’était le temps où Clemenceau portait des coups répétés à la politique opportuniste. Il lui fut dit plus tard : « Vous renversiez tous les ministères. » À quoi il répondit : « Je n’en ai jamais renversé qu’un : c’était toujours le même ». Il avait raison, tout particulièrement en matière ecclésiastique. La politique religieuse des opportunistes consista toujours à composer secrètement avec les congrégations qu’on affectait de frapper au grand jour. Ils faisaient profession d’anticléricalisme, et si ce mot impliquait pour eux, ainsi qu’il semble, l’obligation d’assurer la souveraineté de l’État laïque, connaissaient-ils si mal l’Église romaine qu’ils pussent croire la contenir sans effort dans le domaine spirituel comme si elle ne revendiquait pas perpétuellement la souveraineté sur les mœurs, c’est-à-dire la souveraineté temporelle ? Ils croyaient la tenir par le contrat de 1801, sans s’apercevoir que ce contrat réglait uniquement les rapports du Pape et de l’État français avec l’Église gallicane et qu’il n’y avait plus d’Église gallicane. Ils gardaient à l’œuvre législative du consul une confiance inébranlable et qui les trompait toujours. On souffrait de les voir interpréter le Concordat avec quelque étroitesse d’esprit, le prendre quelquefois par ses côtés les plus bas, et croire qu’on vient à bout par des moyens de police d’une institution qui, pendant tant de siècles, mania, pétrit, broya la multitude humaine et qui garde, jusqu’en sa décrépitude, les restes d’une force qui courba les empereurs. Qu’avaient-ils fait depuis qu’ils étaient au pouvoir, qu’avaient-ils tenté pour réduire cet adversaire que leurs ancêtres, en 1826, appelaient le « parti prêtre » et qu’ils n’osaient pas nommer ? Ils avaient réduit le traitement des évêques, supprimé les bourses des séminaires, retranché quelques vicariats et quelques aumôneries, enfin, d’année en année, diminué le budget des Cultes de six à sept millions. Ils avaient irrité l’ennemie sans l’affaiblir. Ils se faisaient haïr et ne se faisaient pas craindre.

Aux élections de 1885, comme aux précédentes, le clergé appuya ouvertement les candidats monarchistes qui, cette fois, revinrent accrus en nombre et en courage. M. Goblet, esprit honnête, irascible et court, prit les Cultes dans le ministère où M. de Freycinet avait associé les radicaux aux opportunistes. M. Goblet s’efforça de réduire, avec les armes du Concordat, l’Église révoltée. Il supprima des vicariats, et, traité de persécuteur et de scélérat par les évêques, il en déféra deux au conseil d’État, qui prononça contre l’un et l’autre l’appel comme d’abus, ce qui ne leur causa nul déplaisir. Enfin, M. Goblet, radical, fit exactement ce qu’avaient fait les opportunistes. Pouvait-il faire autre chose sous le régime du Concordat et dans l’état présent des mœurs ? Non !

Le gouvernement de la République ne tenait ni l’Église, ni la magistrature, ni l’armée. Les scandales de l’Élysée, durant la vieillesse somnolente du président Grévy, l’avaient éclaboussé. La plus grande force des républiques, le peuple, soutenait mollement un régime qui, satisfait d’avoir donné des libertés publiques, ne se souciait guère d’assurer la justice sociale et se trouvait en réaction sur l’Empire dans les questions ouvrières. Un général très beau, et qui avait gardé sous les plumes blanches la vivacité d’un sous-lieutenant, n’eut qu’à paraître sur son cheval noir pour soulever l’enthousiasme des foules. Le prétendant se compromit honteusement avec Boulanger. Le général entraîna les espérances des royalistes dans sa chute lamentable. Le Pape Léon XIII, qui avait gardé dans l’extrême vieillesse la finesse d’un diplomate et le coup d’œil d’un politique, comprit que la cause de la royauté était à jamais perdue. Il prit soin d’en détacher le clergé français. On raconte qu’un jour il dit, montrant un crucifix : « Voilà le seul cadavre auquel l’Église est attachée ». Il rompit résolument tout lien avec la royauté morte. Il exposa ses vues dans l’encyclique de 1892 :

« Nous croyons opportun, nécessaire même d’élever la voix pour exhorter plus instamment, nous ne disons pas seulement les catholiques, mais tous les Français honnêtes et sensés à repousser loin d’eux tout germe de dissentiments politiques, afin de consacrer uniquement leurs forces à la pacification de leur patrie. Le pouvoir civil, considéré comme tel, est de Dieu et toujours de Dieu !…

« Par conséquent, lorsque les gouvernements qui représentent cet immuable pouvoir civil sont constitués, les accepter n’est pas seulement permis, mais réclamé, disons plus, imposé par la nécessité du bien social… Sa législation diffère à tel point des pouvoirs publics ou de leur forme, que, sous le régime dont la forme est la plus excellente, la législation peut être détestable, tandis qu’à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation… Et voilà précisément le terrain sur lequel, tout dissentiment politique mis à part, les gens de bien doivent s’unir, comme un seul homme, pour combattre, par tous les moyens légaux et honnêtes, les abus progressifs de la législation… Le respect que l’on doit aux pouvoirs constitués ne saurait l’interdire. »

Ainsi le vieillard invitait les catholiques à ne plus livrer à la République d’inutiles assauts, mais à la reconnaître pour légitime et à entrer, s’il était possible, dans le gouvernement afin d’y changer les lois et de les armer en faveur de l’Église. Ces conseils impérieux jetèrent d’abord un grand trouble parmi les catholiques. Seuls les plus intelligents comprirent. Bientôt une lettre du Pape aux cardinaux français confirma l’encyclique. M. de Mun et plusieurs de ses amis donnèrent leur adhésion à la politique pontificale et se firent républicains par ordre. Il se forma à la Chambre, sous la direction de M. Piou, une droite républicaine qui adhéra à la Constitution, se réservant de combattre toute loi contraire à l’Église. Mais, beaucoup de catholiques provinciaux et royalistes, incapables de comprendre cette politique, montrèrent leur désapprobation de telle sorte que le denier de saint Pierre en fut fortement rogné. Les dames dévotes de Bretagne et d’Anjou priaient pour la conversion du Pape.

Les ministres de la République crurent ou affectèrent de croire que Léon XIII était libéral. Cette prodigieuse sottise ne fut point relevée, tant on sait peu en France ce que c’est qu’un Pape. Et les ministres purent se féliciter de leur sagesse, qui avait permis à ce pontife intelligent de se rapprocher de la République. En vérité, la République, sous la présidence d’un très digne représentant de la grosse bourgeoisie, M. Carnot, montrait un grand contentement de soi. Elle se félicitait d’avoir rallié toutes les forces de conservation sociale. Elle s’enorgueillissait de voir venir à elle les nobles et les prêtres. À l’exemple des vieilles monarchies, elle tendait à la Religion une main auguste et tutélaire.

Il y eut aux Cultes, en 1894, un ministre disciple de Gambetta, mais tout autre que Jules Ferry, nullement impérialiste, un homme doux, simple, sans aucune ambition, qui faisait volontiers de la philosophie allemande en buvant de la bière. Il était très intelligent ; une épaisse bonhomie enveloppait les pointes de son esprit moqueur. Il avait plus de lecture que n’en ont d’ordinaire les hommes politiques. Il connaissait les livres de Lamennais et les discours de Montalembert et s’intéressait aux affaires ecclésiastiques. Ministre, il se plaisait à la conversation des évêques, et, comme il avait l’âme bonne et tendre, il se mit à les aimer. Il les crut, comme lui, fins et modérés ; il se crut théologien comme eux. Enfin, étant vieux, fatigué, gras, il ne pensa plus qu’à vivre avec Rome dans une tranquille paix.

Ainsi Spuller soufflait dans les bureaux des Cultes un esprit qu’il appelait l’esprit nouveau et qui était plutôt l’éternel esprit de quiétude et de satisfaction des ministres qu’on flatte qui se flattent.

Durant cette paix bénie, dans ce calme religieux, l’Église romaine préparait contre la République un assaut formidable.

  1. « L’anticléricalisme est une manière d’être constante, persévérante et nécessaire aux États ; il doit s’exprimer par une succession indéfinie d’actes et ne constitue pas plus un programme de gouvernement que le fait d’être vertueux, ou honnête, ou intelligent ». Waldeck-Rousseau, lettre à M. Millerand, dans le Temps du 13 octobre 1901.