Justice aux Canadiens-Français !/Chapitre X

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Québec, le berceau de la Nouvelle-France ; la fille chérie de ce héros à peine connu dans notre pays : Champlain ; Québec ! avec tout son passé de gloire et d’héroïsme, ne paraît pas vous avoir séduit.

Je m’attendais à constater dans votre livre un reflet de l’émotion qui s’empare de tout Français, à la vue de cette cité, antique sanctuaire de notre nationalité en Amérique.

Comment se peut-il que le panorama grandiose qui se déroulait devant vos yeux du haut de la terrasse Frontenac, n’ait pas fait naître chez vous un sentiment de reconnaissance infinie pour ces Canadiens, gardiens fidèles de nos gloires d’antan !

Mais non, au sein même de cette ville, fidèle dépositaire des cendres de tant de héros français, vous ne vous départissez pas de votre raideur un tantinet universitaire.

Vous rencontrez sur votre chemin un brave cocher qui devient votre cicérone ; son langage vous donne l’occasion de signaler l’abus que font les Canadiens des anglicismes.

Cet abus existe, je vous le concède, mais comment pourrait-il en être autrement ?

Les Canadiens ne sont-ils pas en relation constante avec les Anglais, et ceux-ci ne se font-ils pas un point d’honneur de paraître ignorer notre bel idiome !

L’usage de ces anglicismes tend à disparaître, d’ailleurs, grâce à la guerre acharnée que lui font des écrivains de talent, tous Canadiens, ne vous en déplaise.

Malgré eux, malgré vous, quelques-uns de ces anglicismes demeureront, en raison même de leur nécessité.

Vous n’ignorez pas, en effet, que notre langue, si riche, pourtant, en mots, n’a pu lutter efficacement contre l’invasion des expressions anglaises.

Je ne sache pas qu’il vous ait été possible de rendre en bon français vos mots favoris de « Sport » de « Foot Ball », de « Base Ball » !

Les Canadiens sont, en somme, bien moins coupables que vous ne le supposez, d’avoir laissé s’implanter, dans leur conversation courante, des expressions entendues tous les jours, eux qui, depuis cent cinquante ans, luttent avec une admirable persévérance pour maintenir l’intégrité de leur langue nationale.

Il est un fait, du moins, que vous ne pourrez nier, et tout à leur honneur ; c’est ce que j’appellerai l’unité de leur langue.

De quelque côté que le Français des « vieux pays » dirige ses pas, dans cet immense « Dominion », les Canadiens qu’il rencontrera parleront la même langue, à l’exclusion de tout idiome local.

Que ce même voyageur fasse son « Tour de France, » et pénètre dans les campagnes reculées de la Bretagne, de l’Auvergne, de la Franche-Comté ; qu’il parcoure la Provence, la Savoie, ce qui nous reste de la Lorraine, et souvent il lui faudra un interprète, pour avoir raison des patois locaux.

Ce qu’il faut donc proclamer très haut avant de signaler l’abus des anglicismes, au Canada, c’est que les 1 500 000 Canadiens éparpillés sur toute l’étendue de la Puissance et leurs 800 000 frères des États-Unis, ont un signe de ralliement qu’ils respectent comme le soldat respecte son drapeau : ils parlent la même langue, celle de leurs ancêtres, et à ce titre ils ont droit à notre admiration, comme à notre reconnaissance.


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