Justice aux Canadiens-Français !/Chapitre IX

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IX


Votre objet, en visitant le Canada, était de constater jusqu’à quel point les idées que vous prônez en matière d’éducation s’y étaient développées ; le peu que vous avez vu ne vous a pas satisfait, du moins sous le rapport canadien-français ; de là un désappointement qui se traduit dans votre livre, par un accès de mauvaise humeur.

Je vous ai prouvé que cette mauvaise humeur vous rendait injuste, elle a fait plus, en ne vous laissant pas la liberté d’esprit nécessaire pour apprécier comme elle le méritait, une des forces vivantes de notre jeune nationalité, si maltraitée par vous.

Êtes-vous entré dans l’une de ces communautés qui perpétuent à travers le temps le souvenir impérissable de la sœur Bourgeois, de Marie de l’Incarnation, de mademoiselle Mance, de madame d’Youville ?

Vous êtes-vous demandé à quelle œuvre, jamais interrompue depuis plus de deux siècles, se livraient, dans le silence de leurs beaux cloîtres (miracles d’ordre et de minutieuse propreté), ces filles du devoir et de la charité ?

Je vais vous le dire.

Ces servantes du Seigneur, modèlent à leur image, dans la pratique des plus hautes vertus chrétiennes et sociales, ce chef-d’œuvre d’abnégation et d’énergie, de douceur et de courage viril, de dévouement et de dignité, qui s’appelle la femme canadienne !

La femme canadienne ! c’est-à-dire l’âme même de la nation aux jours de sa prospérité comme à l’heure des dangers ; la femme canadienne ! auxiliaire jamais lassée de l’apôtre du Christ, à ses côtés pour propager la parole de Dieu, consoler l’infortune, relever les courages ; la femme canadienne ! enfin, le modèle le plus parfait de ce que peut humainement accomplir la morale évangélique.

Retranchez de l’histoire de la Nouvelle-France les prodiges d’héroïsme accomplis par les compagnes des premiers pionniers de la colonie, et vous effacerez, du même coup, tout un passé de gloire et de sublime dévouement.

Niez l’influence morale de la femme dans ce merveilleux développement politique et social de la nation canadienne depuis cent cinquante ans, et vous ferez disparaître un des facteurs les plus puissants de cette marche ascendante des Canadiens vers la liberté et l’indépendance morale.

J’ai voulu vous rappeler ces choses, mon cher de Coubertin, parce qu’il me semblait qu’au cours de votre mission, vous eussiez dû, pour le plus grand profit de nos lycées de filles, recueillir quelques données sur l’éducation de la femme canadienne.

En parcourant nos couvents, vous eussiez pu aussi relever cette étrange anomalie que, tandis que nos collèges se signalent par leur malpropreté !!… les futures femmes de nos jeunes collégiens sont élevées dans l’amour de l’ordre et des principes d’hygiène les mieux entendus !



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