Justice aux Canadiens-Français !/Chapitre VII

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VII


Je n’ai pas à discuter ici la valeur de l’enseignement de nos 500 académies, collèges ou écoles spéciales, dont les cours sont suivis avec régularité, par notre jeunesse canadienne.

Les résultats obtenus me paraissent plus que suffisants, si j’en juge par le mérite de nos hommes publics et de ceux qui occupent des positions en vue.

Je retrouve dans mes notes les textes des compositions écrites et la liste des questions posées aux candidats qui se présentaient, l’année dernière, à l’Université Laval, pour l’obtention du diplôme de bachelier ; messieurs les professeurs de la Sorbonne n’auraient pu choisir avec plus de discernement.

Il suffit, d’ailleurs, de parcourir les recueils de nos débats parlementaires, pour constater que l’instruction donnée dans nos collèges, suffit tout au moins à développer dans notre jeunesse le goût de l’étude et de la culture intellectuelle.

Lisez avec soin les discours de nos hommes d’État ; admirez l’universalité de leurs connaissances ; leur intelligence du droit constitutionnel ; le tour ingénieux et élégant de leurs périodes, et il ne vous sera plus possible de nier le développement intellectuel d’une nation aussi féconde en puissants « debaters. »

Il semble, vraiment, à vous lire, que vous ayez été chargé d’une mission spéciale au Canada : celle d’y ravaler notre race.

Afin que ma supposition ne vous étonne pas, je cite vos paroles : « J’ai visité encore des high schools. L’école polytechnique, l’académie commerciale, puis des écoles anglaises : partout, le même contraste. Ici des muscles, de l’activité, de la hardiesse, des regards bien francs ; là, des membres maladroits, des attitudes gauches, aucune indépendance, rien de viril. »

Ces paroles, mon cher de Coubertin, feront sourire Anglais et Canadiens ; ceux-là savent, depuis cent soixante ans, ce que vaut la virilité de leurs frères d’origine française.

Deux fois cette virilité leur a épargné la défaite, et c’est avec son concours, que depuis un demi-siècle, ils travaillent à asseoir sur de larges et solides bases, la puissance et le crédit de leur patrie commune.

Vos réflexions, d’ailleurs, ne s’appliquent-elles pas admirablement à nos « potaches », piliers ordinaires des brasseries du quartier latin ; à ces pantins ridicules dans leurs tuniques trop larges pour leurs épaules étroites, qui promènent, le dimanche, sur le boulevard Michel !! leur curiosité de jeunes dépravés, en quête d’aventures aussi faciles que malpropres.

Vous les connaissez, ces « êtres » maladifs, élevés dans l’air empesté de nos sombres casernes universitaires, et dont la suprême jouissance est de faire un peu de « bastringue » aux dépens de l’aumônier, comme de se retrouver, les jours de congé, en face d’un verre d’absinthe, côte à côte avec leurs « pions » d’étude !

La vérité sur nos écoles commerciales, en particulier sur celle du « Plateau », c’est que l’ensemble de leur enseignement y est essentiellement pratique et contribue pour beaucoup à développer chez les Canadiens Français le goût des entreprises commerciales et industrielles.

Cette école du « Plateau, » construite par les soins des commissaires des écoles catholiques de Montréal, est un bel édifice, bâti sur un lieu élevé, et qui n’a rien de la triste apparence de nos lycées.

Les cours sont vastes, et séparées seulement de la rue par une légère clôture.

Les salles d’études, immenses, sont pleines de lumière, et l’air qui y circule, salubre.

Les élèves sont des gaillards qui n’ont pas froid aux yeux, à en juger du moins par leur apparence et leur goût pour la chasse, la pêche, le canotage et tous les exercices du corps.

Quant au degré de l’instruction, nous le laisserons, si vous le voulez bien, apprécier par un homme dont il n’est pas plus permis de discuter la compétence que l’impartialité.

En 1881, je crois, le gouvernement de la province de Québec nomma une commission dont l’objet était de s’enquérir de l’organisation de nos écoles commerciales. Le témoignage qui produisit le plus d’effet sur les membres de cette commission fut celui d’un protestant, M. Workman, l’un des hommes les plus en vue de la ville de Montréal

Après avoir rendu un légitime hommage aux écoles catholiques, en général, et à celle du « Plateau » en particulier, M. Workman ajouta que pas une école protestante ne pouvait lutter avec les nôtres pour la préparation des jeunes gens aux carrières commerciales.

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