Texte établi par Société des bibliophiles cosmopolites. Éditeur scientifique, Imprimerie de la société cosmopolite (p. 17-24).

Jupes troussées, Bandeau de début de chapitre
Jupes troussées, Bandeau de début de chapitre


II



E liane de P. a un caractère indomptable ; toutes les réprimandes qu’on lui adresse sont sans effet sur elle. Ce matin, après avoir refusé d’obéir, elle a craché à la figure d’une sous-maîtresse qui la réprimandait, et l’a grossièrement invectivée. La cuisinière, une forte gaillarde de trente ans, et une vigoureuse soubrette ont été requises pour la traîner avec deux sous-maîtresses dans la chambre du « fouet ». Elle écoute impassible la lecture de ses méfaits, et l’arrêt qui la condamne à subir la châtiment le plus rigoureux qu’on inflige aux délinquantes dans l’établissement ; six coups de cravache après l’application des verges. Elle entend l’arrêt sans sourciller, debout, narguant son juge et ses bourreaux. J’en profite pour détailler la belle délinquante.

Éliane est une superbe créature, d’une beauté troublante, dix-huit ans, plutôt grande que petite, svelte et audacieusement cambrée ; un buste à damner saint Antoine et tous les saints du paradis, une luxuriante chevelure noire, descendant très bas, lui couvre les épaules et une partie de la figure ; d’un brusque mouvement elle la rejette en arrière ; ses grands yeux noirs et profonds, ombragés de longs cils soyeux sous d’épais sourcils noirs, brillent d’un éclat extraordinaire, quand elle entend sa condamnation, mais pas un muscle de son visage ne tressaille, la moindre rose ne se mêle à la neige éblouissante de son teint lilial.

La cuisinière et la soubrette, suivies des deux sous-maîtresses, s’avancent pour la dépouiller de ses vêtements ; elle fait un bond en arrière, comme si elle marchait pieds nus sur un serpent, et les arrêtant d’un geste superbe, elle leur signifie d’une voix impérative qu’elle saura bien se déshabiller toute seule sans leur aide, et surtout sans qu’on la touche ; et la lèvre dédaigneusement plissée, l’œil chargé de mépris, elle dégrafe son corsage, le retire et le jette au loin ; elle défait ses jupes, ses jupons, retire son corset, et reste chaussée, avec son pantalon de fine toile, et sa chemise de batiste, qui moulent des rondeurs sculpturales, gonflant ici la poitrine d’opulentes saillies dont les pointes crèvent la toile transparente d’une tache rose, renflant là le bas des reins d’un superbe relief.

Quand elle n’a plus que ses derniers vêtements, elle attend dans une attitude hautaine, le buste cambré, la gorge haute les narines gonflées, qu’on lui dise ce qu’on attend d’elle. On lui indique une ottomane sur laquelle elle doit s’étendre. Elle reste encore un moment debout, et pour accentuer son air dédaigneux, elle croise les bras sur sa poitrine, faisant remonter sa gorge ; les épaules s’arrondissent, le haut de la chemise bâille, descend ; les Valenciennes qui la bordent s’écartent et laissent voir la naissance d’une gorge de neige, émergeant à demi de son nid de dentelles, montrant jusqu’aux petits boutons de rose, deux jolis seins éblouissants de blancheur, aux rondeurs séduisantes.

Après deux minutes de cette attitude orgueilleuse, elle se retourne brusquement et se dirige à pas lents vers l’ottomane, balançant dans un déhanchement voluptueux, ses opulents hémisphères, entièrement cachés par les côtés du pantalon et par un pan de chemise qui sort de la fente ; et sans la moindre hésitation, elle s’allonge sur le meuble. Dès qu’elle est en posture, les quatre aides se précipitent sur elle, trois la maintiennent vigoureusement, pendant que l’autre lui passe une courroie autour des épaules pour l’assujettir, tandis qu’elle se débat, refusant de se laisser attacher, protestant qu’elle veut endurer librement son châtiment. On l’attache cependant malgré ses protestations et sa résistance, pour l’empêcher de se démener pendant la correction, et de tenter de s’y soustraire, car le châtiment menace d’être terrible ; on lui écarte ensuite les jambes qu’on attache solidement des deux côtés du meuble par les chevilles. Elle essaie encore de se dégager, bondissant sur l’ottomane, mais devant l’inutilité de ses efforts, elle renonce enfin à la résistance.

Madame Tannecuir s’avance alors, déboutonne le pantalon, rabat les pans, et le descend jusqu’aux genoux, ne pouvant le baisser davantage, à cause de l’écartement des jambes ; elle relève ensuite la chemise, la roule jusqu’au haut des reins, rejette la longue chevelure à droite et à gauche, et découvre enfin ce corps merveilleux, de la nuque aux talons, nu des épaules aux jarretières de soie rose, attachant, au-dessus du genou, de jolis bas de soie gris-perle. Les reins, d’un satin de neige étincelante, terminés par une splendide mappemonde rebondie, charnue, veloutée, superbement développée, montrant entre ses deux magnifiques hémisphères écartés, la raie large, au bas de laquelle on distingue à merveille le petit point noir, entouré d’un cercle brun imberbe, et entre les cuisses rondes et potelées, les bords vermeils de la grotte de Cythère, resserrés, fermant hermétiquement la fente virginale, dont l’entrée disparaît sous d’épaisses touffes de poils noirs.

Madame Tannecuir prend sur une table une longue verge souple et élastique, et commence à l’appliquer sur le beau postérieur, d’abord sans trop de sévérité, rosant à peine le satin, pour préparer la peau à un plus rude châtiment. Éliane ne bouge pas plus qu’un terme. Quand la croupe a pris une teinte plus colorée, réchauffée par les légères atteintes, madame Tannecuir, jugeant que la préparation est ainsi suffisante, accentue la force de ses coups, qui rougissent la surface cinglée. Éliane, qui ressent sans doute vivement les atteintes maintenant manifeste par des soubresauts involontaires, les sensations qu’elle éprouve ; ses magnifiques fesses rebondies s’agitent, se soulèvent, laissant entrevoir le centre des délices à peine entrebâillé, et sous le ventre une partie de la belle toison noire ; mais le ventre retombe brusquement, et reste collé à l’ottomane énergiquement maintenu par la volonté de fer de la patiente.

Juliette continue à cingler vertement les gros hémisphères, qui prennent peu à peu une teinte cramoisie, sans que la sévérité de la correction arrache un gémissement à l’orgueilleuse fille. La fouetteuse cependant prodigieusement surexcitée par la plaisante vue de ce gros postérieur, qui bondit de nouveau sous les morsures de la verge, le cingle furieusement, creusant à chaque coup des sillons rouges et profonds sur les chairs palpitantes. Elle la fouette à tour de bras, secouant ses appas qui dansent sur sa poitrine, se déhanchant, poussant des han furieux, les yeux étincelants, les lèvres béantes ; elle dirige de temps en temps les pointes piquantes, entre les cuisses écartées, cinglant cruellement les lèvres entre-bâillées de la grotte d’amour, hachant les poils noirs qui masquent l’entrée, forçant la victime à se soulever si haut, que dans ses bonds, elle laisse voir toute la haute toison noire, et le devant jusqu’à la gorge. Quand Juliette se remet à cingler le cul, les fesses se remuent lascivement, s’écartent, se referment, et se trémoussent dans un dandinement voluptueux, comme à l’approche du plaisir. La fustigée, toujours muette, doit en effet éprouver une douce sensation, car malgré les mordants baisers de la verge, des perles de rosée brillent suspendues aux frisons noirs qui encadrent les bords de la grotte.

Madame Tannecuir suspend le châtiment pendant une demi-minute, le temps d’échanger les verges contre la cravache. Elle annonce, en faisant siffler l’air, à la patiente, qu’elle va recevoir pour finir six terribles cinglées. Aussitôt la cravache retombe en sifflant, cinglant le derrière en travers, et déchire les deux globes à la fois. Elle recommence ainsi, comptant jusqu’à quatre, maniant la cravache avec une lenteur désespérante, hachant chaque fois la chair sur les deux globes ; la victime reste toujours impassible, malgré les cuisantes morsures de l’affreux instrument ; et quand les deux dernières cinglées s’abattent avec un horrible sifflement sur la chair palpitante, y découpant deux festons sanglants, l’indomptable Éliane, dont le corps se tord sous l’horrible torture, retient son souffle.

Quand ma maîtresse me rejoignit dans le cabinet, elle me dit que la hautaine jeune fille s’était mordu la lèvre jusqu’au sang, pour refouler un cri d’angoisse prêt à lui échapper.