Joyeux propos de Gros-Jean/Commis voyageur

Les cahiers populaires (p. 23-24).


COMMIS VOYAGEUR


Les enfants sont d’une logique
Impitoyable, et, fort souvent
Formulent leur raisonnement
Sous un aspect vraiment comique.
C’est ce côté-là que moi
J’aime à considérer, ma foi !
Car c’est le plus délectable,
Et je crois vous être agréable
En vous rapportant ici,
Un trait advenu ces jours-ci.

* * *

Un petit enfant dont le père
Était commis-voyageur,
Jouait auprès de sa mère,
Avec un chaton de couleur.

Or, le commis-voyageur
Est d’une fréquente absence
De son foyer conjugal,
Appelé par l’exigence
De son commerce, et, petit Louis,
De tout cela note avait pris.
Voilà donc avec véhémence
Qu’il apostrophe l’animal
Mais sans lui faire de mal.
C’est à ce moment, je pense,
Que la mère observa l’enfant,
Et remarqua son geste violent.
Il disait : — « Écoute, Tit-Mine !
Écoute, et ne fais pas la mine
De vouloir te sauver de moi !
Écoute-moi bien un peu, quoi !
Je connais tes frères… ta mère…
Je connais aussi tes sœurs…
Mais je ne vois jamais ton père !…
’S’que c’est un commis-voyageur ? »