Joyeux propos de Gros-Jean/Sourd comme un pot

Les cahiers populaires (p. 25-31).




SOURD COMME UN POT

C’est bien d’André Surditot
Que l’on aurait pu dire,
Sans songer à médire :
« Il est sourd comme un pot ! »
Les histoires sur son compte
Feraient un volume fort gros,
Car, toutes sont de gais propos.
Je vais donc vous en dire une…
Le désir m’en importune,
Et, comme j’adore ce jeu,
Ne m’en gardez pas rancune.

* * *

Le jour de l’hymen d’André,
Quand messire le curé,
Allait unir l’un à l’une,

Il dit donc à notre sourdaud
D’un ton ni trop bas ni trop haut,
Sans penser que le pauvre homme
N’entendait presque pas, en somme :
— « Prenez-lui la main ! »
— Hé ! de quoi ?
Demande André.’Scusez-moi,
J’ai l’entente pas mal dûre.
Le bon prêtre répète encor
Mais sur un ton un peu plus fort :
— « Prenez-lui la main ! »
L’erreur dure,
Et voilà que notre sourdet
Se fait de la main un cornet
Qu’il place à côté de l’oreille
Pour mieux entendre, et dit : — Hé !
La future devient vermeille,
Et l’on entend chuchoter
Dans la nef : ce sont les fidèles
Qui s’amusent énormément.
Madame se sent vraiment
Mal à l’aise ; aussi songe-t-elle
À s’interposer pour Surditot.

L’homme saint reprend de plus belle
Scandant fortement chaque mot :
— « PRENEZ-LUI LA MAIN ! »
On s’esclaffe
Lorsque André, le pauvre André,
Commet l’amusante gaffe :
— Quoi z’y prendre, m’sieu l’curé ?