Jours d’Exil, tome I/Deux mots qui valent bien deux volumes

Jours d’Exil, tome I
Deux mots qui valent bien deux volumes


DEUX MOTS QUI VALENT BIEN DEUX VOLUMES.



Anda ! — Marche !
Locution populaire en Espagne.


3 Ce récit n’est pas une confession : — je n’en dois à personne ; — encore moins une confidence : — je n’en fais qu’à mes amis. — Ce n’est pas non plus une biographie : — Dieu merci ! je ne suis pas un homme célèbre ; — ni une théorie sociale : — je n’ambitionne pas le dangereux titre de chef de secte. — Ce ne sont pas des mémoires : — ce titre serait prétentieux et vide de sens dans un temps où mille têtes s’élèvent suffisamment au-dessus des autres pour attirer l’attention. — Ce ne sont point des impressions de voyage : — les touristes ont des jambes pour ne pas marcher, des yeux pour ne pas voir, une intelligence pour ne rien étudier, un cœur qui ne sent pas.

Ce récit, c’est le langage que parle une âme froissée, un peu par les hommes, beaucoup par la réflexion. C’est le cri d’un exilé, d’un revenant. Qu’on l’appelle, si l’on veut, une voix de la tombe. Qu’on n’y cherche pas de plan.

Ce récit m’a échappé comme un sanglot, parce que je suis un être sociable, et que les hommes ne m’ont laissé que ma plume pour communiquer avec eux. D’ailleurs, je m’inquiète peu du jugement du public, ne reconnaissant qualité à personne pour condamner ou absoudre celui qui obéit à son attraction.

Cette pensée paraîtra sans doute peu révérencieuse aux chiens couchants de la popularité : — Qu’importe, si elle est vraie ? L’homme n’est pas né pour fléchir le genou devant ses semblables comme un mendiant ; mais pour marcher la tête haute, comme un travailleur, au milieu d’un monde ligué contre lui.

4 Notre société n’est rien, hélas ! qu’un labyrinthe de trahison, un cirque de carnage, où chacun cherche à conserver sa tête aux dépends de celle des autres.

Malheur à celui qui croirait apaiser les loups et les chacals en implorant leur clémence !