Journal (Eugène Delacroix)/25 février 1848

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 346-347).

Dimanche 25 février. — Fait peu de chose… Dîné chez Bixio avec Lamartine, Mérimée, Malleville, Scribe, Meyerbeer et deux Italiens. Je me suis beaucoup amusé ; je n’avais jamais été aussi longtemps avec Lamartine.

Mérimée l’a poussé au dîner sur les poésies de Pouchkine, que Lamartine prétend avoir lues, quoiqu’elles n’aient jamais été traduites par personne. Il donne le pénible spectacle d’un homme perpétuellement mystifié. Son amour-propre, qui ne semble occupé qu’à jouir de lui-même et à rappeler aux autres tout ce qui peut ramener à lui, est dans un calme parfait au milieu de cet accord tacite de tout le monde à le considérer comme une espèce de fou. Sa grosse voix a quelque chose de peu sympathique.

Le soir, Mme Menessier est venue avec sa fille ; je n’avais pas causé avec elle depuis des siècles : elle ne m’a pas paru changée ; j’ai causé une heure avec elle. Elle doit venir voir mes fleurs. Elle est atteinte de noirs, comme moi ; je vois que je ne suis pas le seul. L’âge y est pour quelque chose.