Joies errantes/Le portrait

Alphonse Lemerre (p. 59-60).

LE PORTRAIT

Bien-aimé visage jauni
Par le temps ! —
À lourdes gouttes, s’égouttant
Sur mon ennui —
Tant d’années déjà passées
Sur ce deuil inapaisé !

La main fidèle de l’artiste
A fixé dans ce cadre étroit
Un peu de ton charme triste
Et, vivante, je te revois.

Avec la douceur calme de ta présence
Et le sortilège de ta voix et sa toute-puissance
Pour endormir les peines puériles
Par où la vie commence.


Il me semble, ô chère Apparue !
Que l’or de ce cadre est la fenêtre ouverte
Sur le pays béni, habité
Par les Ombres saintes,

Et que tu t’arrêtes là, émue,
Vers ton enfant attirée
Par la pitié.