Joies errantes/Fleur des prés

Alphonse Lemerre (p. 52-54).

FLEURS DES PRÉS

À Charles Frémine.

Je veux dire vos grâces enjouées et naïves,
Campagnardes fleurettes :
Soit que le matin endiamante vos collerettes,
Ou que le soir vous pare de lueurs fugitives.

Les riches sequins des boutons d’or
Font de l’herbe verte un écrin joyeux ;
Et les liserons sauvages sont de doux yeux,
Où une petite âme sentimentale dort.

Les marguerites, au cœur léger,
Ont trempé — semble-t-il — leurs pétales
Aux rayons de la voix lactée
Et dans le clair-de-lune pâle.


Le coquelicot, en jupes fripées —
Comme par de galantes équipées —
Recèle en son sein, noir et vermeil,
Le don maléfique du sommeil.

Les folles avoines — gais cheveux au vent —
Caressent — lascives — les bleuets rêvants,
Reflétés de ciel : immuable et changeant.

Ombelles argentées — fraîche tombée de neige —
Tout en petites étoiles, finement ouvragées ;
Votre ombre délicate protège
Les frêles menthes, aux senteurs exaltées.

Véroniques mélancoliques,
Trèfle — fleuron héraldique —
Pâquerette, coquette,
Au teint de rieuse fillette ;
Petite sphynge des prairies
Qu’interroge la main inquiète
Du jeune amour qui pleure et rit.

Et vous, délicates fleurs envolées —
Papillons blancs, bleus et rosés,
Parmi les sainfoins qu’une tendre brise fait onduler !


Vous êtes — gentille assemblée ! —
Comme un gracieux bouquet posé
Par le Soleil — amant resplendissant —
Sur le sein de la vallée,
Qui porte le trésor des blés mûrissants
Dans son tablier.