Joies errantes/La du Barry

Alphonse Lemerre (p. 50-51).

LA DU BARRY

À Lucienne Dorsy.

La petite fée du joli, toute poudrée de grâces mièvres,
Tourne d’une main distraite, et blanche à merveille,
La cuiller, dans une tasse — qui est assurément
En fine porcelaine de Sèvres —
Où fume le café odorant, don nouveau
D’un monde aussi fabuleux
Que les contrées des contes de Perrault.

Les fleurettes de sa robe à panier
Sont moins futiles et folles que sa tête frisée
À menus frisons, blancs comme du sucre.

C’est un oiselet voluptueux et insoucieux ;
Fait pour le nid royal et les longues paresses,
Sur des tapis — qui coûtent des provinces.


Tout ce qu’elle sait — cette petite courtisane —
C’est que son amoureux est le plus grand
Gentilhomme de France, —
Et que le rose tendre lui va divinement.

Mais le carmin mignard,
De ses joues, pâlit soudain ;
Car, le souvenir lui vient
D’un odieux cauchemar
Qu’elle eût dernièrement :

C’était, au milieu d’une hurlante multitude…
Un lourd couteau
Tombait sur son cou délicat…

— Ah ! le vilain rêve ! — dit-elle, de ses mignonnes lèvres roses,
Qu’on dirait peintes par Boucher,
— Décidément, je ne boirai plus de café,
C’est lui qui doit en être cause —

Mais déjà, pensant à autre chose,
Elle vide sa tasse à petits traits.