J.B. Rolland & Fils, libraires-éditeurs (p. 186-198).

IV.



les secrets du succès. — révélations importantes.


— Vous m’intéressez de plus en plus, dis-je à mon hôte ; mais, tout en ne doutant nullement de la réalité de ce que je vois, je suis encore à me demander par quels moyens étranges, par quels secrets mystérieux vous avez pu accomplir en si peu d’années et avec aussi peu de ressources, les merveilles dont je suis témoin. Ne trouvez-vous pas vous-même quelque chose d’extraordinaire dans les résultats que vous avez obtenus ?

— Je vois bien, me répondit-il en souriant, que je serai obligé de vous répéter ce que j’ai déjà dit à plusieurs personnes et entre autres à mon ami Gustave Charmenil qui, en voyant ma prospérité s’accroître rapidement chaque année, ne savait comment s’expliquer cela. Les lois du succès, dans la vie du défricheur et en général dans celle de l’homme des champs, sont pourtant aussi simples, aussi sûres, aussi infaillibles que les lois de la physique ou celles du mécanisme le moins compliqué ; et si vous avez la patience de m’écouter un peu, ajouta-t-il, en m’approchant un fauteuil et en s’asseyant lui-même dans un autre, je vous les exposerai catégoriquement et d’une manière si claire que ce qui vous semble maintenant mystérieux vous paraîtra la chose la plus naturelle du monde. Loin de vouloir cacher mes recettes, j’éprouve une certaine jouissance à les communiquer aux autres.

« Je puis, continua-t-il, réunir tous mes secrets sous cinq chefs différents :

« Premier secret : un fond de terre d’une excellente qualité. C’est là une condition de première importance ; et, comme je vous le disais ce matin, les agents chargés de la vente des terres publiques ne devraient pas être autorisés à vendre des lots ingrats.

« Deuxième secret : une forte santé dont je rends grâces à Dieu. C’est encore là une condition indispensable du succès ; mais il faut ajouter, aussi, comme je viens de le dire, que rien n’est plus propre à développer les forces physiques que l’exercice en plein air.

« Troisième secret : le travail. Je puis dire que pendant les premières années de ma vie de défricheur, j’ai travaillé presque sans relâche. Je m’étais dit en commençant : je possède un lot de terre fertile, je puis en tirer des richesses, je veux voir ce que pourra produire une industrie persévérante. Je fis de mon exploitation agricole, ma grande, ma principale affaire. Depuis le lever de l’aurore jusqu’au coucher du soleil, chaque pas que je faisais avait pour but l’amélioration de ma propriété. Pas un de mes instants n’était perdu. Plus de dix heures par jour, j’étais là debout, tourmentant le sol, abattant les arbres, semant, fauchant, binant, récoltant, construisant, allant et venant deci-delà, surveillant tout, dirigeant tout, comme le général qui pousse son armée à travers les obstacles et les dangers, visant sans cesse à la victoire.

« Je ne puis travailler autant maintenant que je faisais autrefois, parce que je suis dérangé par mille autres occupations, mais je puis encore au besoin tenir tête à mes hommes.

« Une des grandes plaies de nos campagnes canadiennes, c’est la perte de temps. Des hommes intelligents, robustes, soi-disant laborieux, passent des heures entières à fumer, causer, se promener d’une maison à l’autre, sous prétexte qu’il n’y a rien qui presse, comme si le cultivateur n’avait pas toujours quelque chose à faire. Vous les verrez, sous le moindre prétexte, aller à la ville ou au village, perdre une journée, deux jours, en cabale d’élection, ou dans une cour de commissaires, ou pour faire l’achat d’une bagatelle ; vous les verrez souvent revenir à la maison, le sang échauffé, l’esprit exalté, et occupé de toute autre chose que de la culture de leur terre. Je ne parle pas des ivrognes. Le colon ivrogne est un être malheureux, dégradé, qui ne peut prétendre à la considération publique, qui ne saurait songer à améliorer sa position, et qui sait bien d’avance qu’il est condamné irrévocablement à vivre dans l’indigence et la crapule. Je ne veux parler que de cette classe d’hommes malheureusement trop nombreuse qui, parfaitement sobres, bons, gais, sociables, ont cependant le défaut de ne pas songer assez à l’avenir, de perdre chaque jour un temps précieux qu’ils pourraient consacrer à accroître leur bien-être et celui de leurs enfants. Ils ressemblent un peu à nos sauvages chasseurs ; ils ne songent pas au lendemain. Qu’ils tombent malades, qu’ils soient arrêtés par quelque accident, qu’ils décèdent tout-à-coup, leur famille tout entière est à la charge du public.

« Un grand avantage que possède l’ouvrier agricole et en particulier le défricheur, sur les autres classes de travailleurs, c’est qu’il ne chôme jamais forcément. S’il ne travaille pas, c’est qu’il ne veut pas. Le cultivateur intelligent, actif, industrieux sait tirer parti de tous ses moments. Point de morte saison pour lui.

« Une chose est certaine, à mon avis : si le cultivateur travaillait avec autant de constance et d’assiduité que le fait l’ouvrier des villes, de six heures du matin à six heures du soir, et cela depuis le premier janvier jusqu’au dernier décembre de chaque année, il se trouverait bientôt jouir de plus d’aisance puisqu’il n’est pas assujetti aux mêmes dépenses, et que les besoins de luxe et de toilette qui tourmentent sans cesse l’habitant des villes lui sont comparativement étrangers.

— Vous considérez donc le travail comme la première cause de votre succès ?

— Je considère le travail comme la grande et principale cause de ma réussite. Mais ce n’est pas tout ; je dois aussi beaucoup, depuis quelques années surtout, à mon système de culture, aux soins incessants que j’ai donnés à ma terre pour lui conserver sa fertilité primitive, — car le sol s’épuise assez vite, même dans les terres nouvellement défrichées, et il faut entretenir sans relâche sa fécondité par des engrais, des travaux d’assainissement ou d’irrigation ; – je dois beaucoup au système de rotation que j’ai suivi, aux instruments perfectionnés que j’ai pu me procurer, quand mes moyens pécuniaires me l’ont permis, à l’attention que j’ai donnée au choix de mes animaux, à leur croisement, à leur nourriture ; enfin, aux soins assidus, à la surveillance continuelle que j’ai apportée à toutes les parties de mon exploitation, aux livres sur l’agriculture, où j’ai souvent puisé d’excellents conseils et des recettes fort utiles, et aux conversations que j’ai eues avec un grand nombre d’agriculteurs canadiens, anglais, écossais, irlandais. Il est rare qu’on s’entretienne d’agriculture avec un homme d’expérience sans acquérir quelque notion utile.

« Mais il est temps que j’en vienne à mon quatrième secret que je puis définir : surveillance attentive, ordre et économie.

« Je me lève de bon matin, d’un bout à l’autre de l’année. À part la saison des semailles et des récoltes, je puis alors, comme je vous l’ai dit, consacrer quelques moments à lire ou à écrire, après quoi je visite mes étables et autres bâtiments, je soigne moi-même mes animaux et vois à ce que tout soit dans un ordre parfait.

« Il est très-rare que je me dispense de cette tâche. En effet, jamais les animaux ne sont aussi bien traités que de la main de leur maître.

« Je trouve dans ces soins une jouissance toujours nouvelle.

« Durant toute la journée, je dirige les travaux de la ferme. Je surveille mes hommes, je m’applique à tirer de leur travail le meilleur parti possible, sans toutefois nuire à leur santé ou les dégoûter du métier. J’ai d’abord pris pour règle de leur donner une nourriture saine et abondante. La viande, le pain, les légumes, le lait ne leur sont pas ménagés. Je veille ensuite à ce qu’ils ne fassent pas d’excès. Les journaliers canadiens ont l’habitude de travailler par bouffées ; ils risqueront quelquefois, par émulation ou par pure vanité, de contracter des maladies mortelles. Tout en les faisant travailler régulièrement, méthodiquement, et sans lenteur, je leur fais éviter la précipitation, qui est plutôt nuisible qu’utile.

« J’ai soin aussi que leur travail soit entrecoupé de moments de repos.

« Je tâche enfin qu’ils soient constamment de bonne humeur, qu’ils n’aient rien à se reprocher les uns aux autres, et que l’avenir leur apparaisse sous un aspect riant. Je m’intéresse à leurs petites affaires ; je les engage à faire des épargnes, en leur faisant comprendre tout le bien qu’ils en retireront par la suite. L’espoir d’améliorer graduellement leur position leur donne du courage, et plusieurs de ceux que j’ai eus à mon service sont maintenant, grâce à l’accumulation de leurs épargnes, cultivateurs pour leur propre compte.

« Je fais en sorte d’éviter pour moi-même les embarras pécuniaires, et de toujours voir clair dans mes affaires. Depuis longtemps, j’ai l’habitude de ne pas faire de dettes. Cette coutume sauverait de la ruine un grand nombre de colons, qui, vaniteux ou imprévoyants, comme les grands seigneurs de vos villes, achètent chez le marchand tant qu’ils peuvent obtenir à crédit, sans s’inquiéter le moins du monde de la somme qu’ils auront à payer plus tard. Plus le délai se prolonge, plus cette somme augmente, car un grand nombre de marchands ne se font pas scrupule d’exiger un taux excessif d’intérêt. C’est encore là une des plaies de nos cantons, une des plaies les plus difficiles à guérir.

« Une des causes de l’insuccès d’un certain nombre de colons, c’est aussi le désir de s’agrandir, d’acheter de nouvelles propriétés, de posséder de grandes étendues de terrain, qu’ils ne peuvent mettre en culture. Cette manie déplorable est la cause que certains défricheurs, d’ailleurs intelligents, passent une grande partie de leur vie dans des embarras pécuniaires, et finissent quelquefois par être forcés de vendre et se ruiner complètement. Le bon sens ne devrait-il pas leur dire que le capital employé à l’acquisition de terrains incultes ou mal cultivés, est un capital enfoui dans le sol, qui non seulement ne produit rien, mais assujéti à de nouvelles taxes, et nuit à la mise en valeur des terres qu’ils possèdent déjà. Avec un pareil système, plus on possède, plus on est pauvre.

« Quand un cultivateur désire placer une somme d’argent, je l’engage de toutes mes forces à améliorer sa propriété, à faire l’achat de beaux animaux, à réparer ses bâtiments de ferme, s’ils sont insuffisants ou mal aérés, à se procurer de meilleurs instruments d’agriculture, ou à faire des travaux d’irrigation ou d’assainissement, s’ils sont nécessaires.

Celui qui emprunte pour acheter, lorsqu’il possède déjà plus qu’il ne peut cultiver, est un imprudent, et on peut, à coup sûr, prédire sa ruine dans un avenir plus ou moins prochain.

« J’évite autant que possible les petites dépenses inutiles qui ne paraissent rien, mais qui au bout de l’année forment une somme assez ronde. Je suis ami de l’ordre et de l’économie, parce que sans cela il n’y a point d’indépendance.

« Je mets aussi en pratique certaines maximes économiques et philosophiques que d’autres ont pratiquées avant moi et dont je me trouve fort bien, comme de ne jamais faire faire par autrui ce que je puis faire moi-même, de ne remettre jamais au lendemain ce que je puis faire le jour même, etc.

« Cinquième secret : l’habitude que j’ai contractée de bonne heure de tenir un journal de mes opérations, et un registre de mes récoltes et de mes dépenses.

« Cette habitude de raisonner et de calculer soigneusement toutes mes affaires m’a été du plus grand secours. Je puis dire aujourd’hui, avec la plus parfaite exactitude, ce que me coûte chaque arpent de terre en culture, et ce qu’il me rapporte. Je puis dire quelles espèces de grains ou de légumes conviennent le mieux aux différentes parties de ma propriété et me rapportent le plus de profits : je sais quelle espèce d’animaux je dois élever de préférence ; je puis enfin me rendre compte des plus petits détails de mon exploitation. Je me suis créé ainsi pour mon propre usage, un système de comptabilité claire, sûre, méthodique, et qui m’offre d’un coup-d’œil le résultat de toutes mes opérations.

« Cette pratique, assez fastidieuse d’abord, est devenue pour moi une espèce de jouissance. J’éprouve le plus vif intérêt à comparer le résultat de l’année présente avec ceux des années précédentes. Je suis même parvenu, sans le vouloir, à faire partager cet intérêt à ma Louise qui, comme je vous l’ai dit, s’est mise, elle aussi, à tenir registre de ses dépenses de ménage. À l’heure qu’il est, je ne voudrais pas, pour tout au monde, renoncer à cette coutume ; je croirais marcher vers un précipice, comme l’aveugle qui n’a personne pour le guider. J’y attache tant d’importance que je voudrais la voir suivie par tout cultivateur sachant lire et écrire. Bien plus, je voudrais que les sociétés d’agriculture pussent offrir des prix à ceux qui tiendraient les meilleurs registres de leurs travaux agricoles.

« C’est généralement le soir, après ma journée faite, que je fais mes entrées dans mon journal. Je me demande : qu’ai-je fait aujourd’hui ? Et je consigne ma réponse avec la plus grande précision possible. Je me rends compte à moi-même de l’emploi de ma journée. C’est en quelque sorte un examen de conscience.

« Voilà, en peu de mots, monsieur, tous les secrets de ma réussite. Et tout cela n’empêche pas la franche gaîté de venir de temps à autre s’asseoir à notre foyer. Il nous arrive assez souvent de passer des soirées entières à rire et badiner comme dans nos jours de jeunesse ; mon ami le curé de Rivardville en pleure de plaisir. Mais je serais ingrat envers la Providence, si je ne reconnaissais hautement ses bienfaits. La voix qui m’avait dit dès mon entrée dans la forêt : aide-toi, le ciel t’aidera — ne m’a pas trompé. Si ma propriété primitivement acquise au prix de vingt-cinq louis, en vaut à l’heure qu’il est, de quatre à cinq mille, j’en dois remercier avant tout Celui qui a voulu qu’elle devint en grande partie le site d’un village, que des moulins, des fabriques de diverses sortes fussent érigés sur la rivière qui la traverse, et enfin qu’une immense voie ferrée, passant dans son voisinage, vint inopinément en doubler la valeur.

« Maintenant, ajouta-t-il en se levant, puisque vous prenez tant d’intérêt à notre prospérité locale, et que vous n’avez rien de mieux à faire, je vous inviterai à faire un tour de voiture en dehors du village. »

J’acceptai volontiers. Mais avant de rendre compte de mes impressions de voyage, je dois me hâter de réparer une omission importante faite par Jean Rivard dans l’énumération des secrets de sa prospérité.

On voit par la conversation qui précède que les progrès étonnants de notre héros étaient dus en grande partie à son intelligence et à son activité, à la bonne organisation de toute sa ferme, à l’excellente direction donnée aux travaux, à l’ordre qui présidait à ses opérations agricoles, enfin au bon emploi de son temps, à la judicieuse distribution de chaque heure de la journée.

Mais il est une autre cause de prospérité que Jean Rivard eût pu compter au nombre de ses plus importants secrets, et dont il n’a rien dit par délicatesse sans doute.

Ce secret important, c’était Louise, c’était la femme de Jean Rivard.

Disons d’abord que Louise contribua pour beaucoup à entretenir le courage et à faire le bonheur de son mari par les soins affectueux qu’elle lui prodigua.

Elle l’aimait, comme sait aimer la femme canadienne, de cet amour désintéressé, inquiet, dévoué, qui ne finit qu’avec la vie.

Remplie de bienveillance pour les domestiques, Louise les traitait avec bonté, les soignait dans leurs maladies, et ne manquait jamais de s’attirer leur respect et leur affection. Quoique économe, elle était charitable ; et jamais un bon pauvre ne frappait à sa porte sans être secouru.

Fidèle observatrice de ses devoirs religieux, elle les faisait pratiquer à tous ceux qui dépendaient d’elle. Quelle heureuse influence une femme aimable et vertueuse peut exercer sur les dispositions des personnes qui l’entourent ! Un mot d’elle, un sourire, peut faire quelquefois sur des cœurs endurcis plus que ne feraient les exhortations des plus éloquents prédicateurs.

Mais à toutes ces heureuses qualités du cœur et de l’esprit, Louise joignait encore celles qui constituent la maîtresse de maison, la femme de ménage ; et on peut dire qu’elle contribua pour une large part, par ses talents et son industrie, au succès des travaux de Jean Rivard.

C’est elle qui dirigeait l’intérieur de l’habitation et tout ce qui se rapportait à la nourriture, au linge, à l’ameublement. Elle veillait avec un soin minutieux à l’ordre et à la propreté de la maison.

Aidée d’une servante qui était chargée de la besogne la plus pénible, qui trayait les vaches, faisait le beurre et le fromage, cuisait le pain, fabriquait l’étoffe, lavait le linge et les planchers, elle s’acquittait de sa tâche avec une diligence et une régularité parfaites. Chaque chose se faisait à son heure, et avec un ordre admirable.

Il fallait voir cette petite femme proprette, active, industrieuse, aller et venir, donner des ordres, remettre un meuble à sa place, sans cesse occupée, toujours de bonne humeur.

Si on avait quelque chose à lui reprocher, c’était peut-être un excès de propreté. Les planchers étaient toujours si jaunes qu’on n’osait les toucher du pied. Les petits rideaux qui bordaient les fenêtres étaient si blancs que les hommes n’osaient fumer dans la maison de peur de les ternir. Cette propreté s’étendait même jusqu’au dehors ; elle ne pouvait souffrir qu’une paille traînât devant la porte. Son mari la plaisantait quelquefois à ce sujet, mais inutilement. La propreté était devenue chez elle une seconde nature.

Inutile de dire que cette propreté se faisait remarquer d’abord sur sa personne. Quoique ses vêtements fussent en grande partie de manufacture domestique, et du genre le plus simple, cependant il y avait tant de goût dans son ajustement que les plus difficiles en fait de toilette n’y pouvaient trouver à redire.

Jean Rivard trouvait toujours sa Louise aussi charmante que le jour de ses noces. Il n’eût jamais souffert qu’elle s’assujettit aux rudes et pénibles travaux des champs. S’il arrivait quelquefois à celle-ci d’aller dans les belles journées d’été prendre part à la fenaison, c’était autant par amusement que pour donner une aide passagère.

C’était une grande fête pour les travailleurs que la présence de madame Rivard au milieu d’eux.

Mais il y avait deux autres occupations extérieures qu’elle affectionnait particulièrement : c’était le soin de la basse-cour et celui du jardin. Quant à cette dernière occupation, à part le bêchage et la préparation du sol qui se faisaient à bras d’hommes, tout le reste était à sa charge. Dans la belle saison de l’été, on pouvait la voir, presque chaque jour, coiffée de son large chapeau de paille, passer une heure ou deux au milieu de ses carrés de légumes, les arrosant, extirpant les herbes nuisibles, entretenant les rosiers et les fleurs des plate-bandes, sarclant ou nettoyant les allées.

La table de Jean Rivard était, d’un bout de l’année à l’autre chargée des légumes récoltés par Louise, et ce qu’elle en vendait formait encore un item important de son livre de recettes.

Si on ajoute à tout cela les soins incessants que Louise donnait à ses enfants, dont le nombre s’accroissait tous les deux ans, le temps qu’elle employait à la confection de leur linge et de leurs petits vêtements, ainsi qu’à l’entretien du linge de ménage ; si on se rappelle que c’est elle qui façonnait de ses mains tous ces articles de toilette, on avouera que sa part dans l’exploitation de Jean Rivard n’était pas sans importance, et qu’elle pouvait se féliciter (ce qui d’ailleurs devrait être l’ambition de toute femme), d’être, dans sa sphère, aussi utile, aussi accomplie que son mari l’était dans la sienne.