Horizons/Roses de la mort

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HorizonsEugène Fasquelle (p. 118-119).

ROSES DE LA MORT


Le hasard, qui tous deux aujourd’hui nous promène,
Nous arrête devant ce cimetière vert :
Entrons. Voici déjà, dès le seuil entr’ouvert,
Ses rosiers lentement nourris de chair humaine.

L’abandon et l’été font comme un beau jardin
Des tombes. Chaque rose y est si lourde et grasse
Qu’on devine à la voir que tout le mort y passe,
Et qu’on recule un peu d’y réfléchir soudain.

Cependant, cueillons-en plusieurs pour ma ceinture.
Saurait-on résister à la tentation
Des roses ? J’oublierai que leur carnation
Divine a pris sa vie en pleine pourriture.


Ou plutôt, je rendrai cet hommage à la mort
De la voler, sachant que, du fond de la boue,
Tout un corps s’est donné pour gonfler cette joue
Florale d’une rose, apte à tenter encor…

— Lors je les presserai, charnelles et funèbres
Sur ma bouche, en songeant que leur suprême odeur
Se venge de la lourde et sourde puanteur,
Et leur folle clarté de toutes les ténèbres !