Histoire socialiste/La Troisième République/28

Chapitre XXVII.

Histoire socialiste
La Troisième République

Chapitre XXIX.


CHAPITRE XXVIII


M. Jules Grévy à la Présidence. — Remaniement du Ministère. — Premier Message. — L’Amnistie et les grâces. — Lois sur l’Enseignement. — L’Article 7. — L’Élection Blanqui à Bordeaux. — Rentrée des Proscrits de la Commune. — Le Premier Congrès collectiviste. — Dispersion des Congrégations. — L’Incident Hartmann. — Le 14 Juillet Fête nationale. — L’Amnistie. — Le Cabinet Ferry. — M. Clemenceau contre M. Gambetta.


La politique a de ces ironies : M. Jules Grévy avait conquis la célébrité par son fameux amendement de 1848, qui supprimait la présidence de la République et cette célébrité le portait, par une élection triomphale, à la magistrature suprême. Il serait injuste d’affirmer que là était le seul motif de son élection. Le nouveau président avait un passé tout fait de silence, de sérénité, disons le mot, d’inactivité politique. Sans doute, il était républicain et il avait appartenu à l’opposition, sous l’Empire, mais il s’était tenu à l’écart des actions par lesquelles les hommes politiques conquièrent la grande notoriété, popularité ou impopularité, étiquettent un parti, illustrent vivement une cause. Ses familiers ont dit qu’il avait horreur de l’action ; il s’en était toujours gardé, observant froidement ce qui se passait autour de lui, parlant peu et rarement, écrivant encore moins.

Durant les événements qui se déroulèrent depuis le 4 septembre jusqu’à la réunion de l’Assemblée nationale, à Bordeaux, il n’avait pas fait parler de lui. Il n’avait pas fait partie du gouvernement de la Défense nationale, quoiqu’il fût qualifié plus que les trois quarts de ses membres pour y prendre place ; mais il ne s’était pas rendu à l’Hôtel de Ville où, les jours de révolution, se forment les gouvernements provisoires, par la voie d’acclamations populaires généralement si peu raisonnées et si étrangement interprétées que ce sont, pour la plupart, des conservateurs ennemis de la « vile multitude » qui s’attribuent le pouvoir.

Il ne s’était pas usé ; les polémiques violentes ne l’avaient pas effleuré ; sa réputation modeste n’avait pas fait de jaloux, n’éveillait pas les inquiétudes ambitieuses ; il était intact, calme, d’une apathie qui passait pour du sang-froid et il se trouva tout désigné pour présider les débats de cette assemblée passionnée, tumultueuse qu’agitaient les passions les plus désordonnées. Son élection à la présidence n’avait pas eu, du reste, un caractère politique. C’était un glaçon placé au centre de la fournaise ; il n’y fondit pas, au contraire. Soit au fauteuil, soit à son siège de député, quand dans un moment de dépit dont on ne l’eût pas soupçonné capable, il eut donné sa démission, il était resté le même ; il ne changea pas durant sa présidence, montrant toutefois une grande fermeté en certaines circonstances ; pendant son séjour à l’Élysée, la chapelle ne s’ouvrit pas ; le clergé, sans oser l’attaquer de front, ne le lui pardonna pas. M. Jules Grévy fut, par excellence, le parfait représentant de la bourgeoisie républicaine.

Son message inaugural fut simple : « Soumis avec sincérité, portait-il, à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ». Au cabinet Dufaure qui s’était volontairement retiré, succéda un cabinet qui fut d’abord une déception. On s’attendait à voir M. Grévy appeler pour le constituer un homme politique en vue de ceux qui s’étaient très au premier plan, durant les incessantes batailles livrées par le parti républicain : M. Gambetta ou M. de Freycinet qui avait déjà pris une grande place dans le monde parlementaire. Il n’en fut rien. Ce fut M. Waddington qui reçut cette mission : l’ancien cabinet était peu modifié ; toutefois M. Jules Ferry prenait le portefeuille de l’Instruction publique et M. Le Royer celui de la Justice. M. Gambetta fut élu président de la Chambre.

On espérait voir le gouvernement nouveau, tout entier aux mains des républicains, inaugurer la décisive victoire républicaine par un acte de générosité, par une amnistie complète et sans réserve. Un projet fut à la vérité déposé par le ministère, mais il était très restreint, puisque l’amnistie n’était accordée qu’aux condamnés déjà graciés et devant être graciés par le président de la République dans le délai de trois mois promulgation de la loi. Décidément la République se montrait plus indulgente envers les fauteurs de coups d’État qu’envers les révolutionnaires républicains. M. de Marcère, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, n’avait-il pas annulé une délibération du Conseil municipal de Paris, allouant une somme de mille francs à un des comités qui s’étaient formés pour recevoir les amnistiés ? L’amnistie était plus qu’espérée, escomptée ?

Par contre, après une discussion fort vive, la proposition de loi relative à la mise en accusation des ministres du 16 mai se terminait par une simple flétrissure !

Le scandale provoqué par les articles du « vieux petit employé » (M. Yves Guyot) sur les agissements politiques et privés de la police, avait amené la retraite de M. de Marcère qui eut pour successeur M. Lepère et l’avènement à la Préfecture de M. Andrieux, qui devait se montrer l’homme versatile et fantaisiste qu’il a toujours été jusqu’au jour où, ayant lassé tous les partis, il n’exista plus politiquement.

Le 18 juin, le Parlement se réunit en Assemblée nationale pour réviser dans la Constitution l’article qui fixait à Versailles le siège des deux Chambres ; cet article fut abrogé et bientôt une loi décidait que le Parlement rentrerait à Paris. Le retour fut fixé au 3 novembre.

Enfin, vint en discussion le projet de loi sur la composition du Conseil supérieur de l’Instruction publique d’où l’élément religieux était exclu et celui relatif à la liberté de l’enseignement supérieur. Tous deux donnèrent lieu à de longs et passionnés débats durant lesquels le parti clérical lutta avec l’ensemble et toute l’activité dont il était capable. Le mémorable article 7, plus particulièrement, provoquait les fureurs de toutes les jésuitières déchaînées. Il portait : « Nul n’est admis à participer à l’enseignement public ou libre, ni à diriger un établissement d’enseignement de quelque ordre que ce soit, s’il appartient à une congrégation religieuse non autorisée ». M. Madier de Montjau, au nom de l’Extrême-gauche, avait présenté un amendement excluant de l’enseignement public ou privé tout membre du clergé séculier ou d’une congrégation religieuse ou ayant cessé d’en faire partie depuis moins de deux ans ; il fut repoussé. L’ensemble de la loi fut adopté par la Chambre des députés à une forte majorité.

Il s’agissait aussi d’organiser, de recruter un personnel destiné à assurer le fonctionnement laïque de l’enseignement, ainsi que l’exigeait la loi qui venait d’être votée. Il était à ce moment livré aux mains et aux inspirations de 37.600 congréganistes dont 5.700 seulement étaient munis de brevets ! Sur une proposition de M. Paul Bert, fortement combattue par la Droite, la création d’écoles normales d’instituteurs et d’institutrices fut rendue obligatoire pour chaque département. C’est de cette époque, que date la concentration de toutes les forces réactionnaires autour du parti clérical et les campagnes d’agitation, de menaces, de conspirations qui marquent l’histoire de la République et illustrent de façon saisissante les mouvements tels que le boulangisme et le nationalisme.

Tandis que se discutaient les lois sur l’enseignement, le prince impérial tombait au Transvaal, frappé par la zagaie d’un Zoulou ; l’incident émut aussi peu l’opinion que les manifestes lancés par le comte de Chambord et le prince Jérôme Napoléon.

Un siège était devenu vacant à Bordeaux ; le vieux révolutionnaire Blanqui était toujours détenu à Clairvaux après l’inique condamnation prononcée par le Conseil de guerre. Il n’avait pu participer au mouvement du 18 mars, puisqu’il avait été arrêté en province pour les événements du 31 octobre et ce, au mépris des engagements contractés, de la parole jurée. La grâce n’avait pas touché celui qui, toujours luttant pour la République, avait passé sa vie dans les geôles de la Monarchie et de l’Empire. Tout vieux et affaibli par les souffrances physiques et morales endurées, il effrayait encore ses classiques adversaires aux côtés desquels avaient pris plaie de trop nombreux républicains. Allait-on le laisser mourir en prison ? Ceci paraissait, hélas ! bien certain. L’exemple donné par les républicains socialistes parisiens fut repris et sa candidature fut posée. C’était la candidature d’un inéligible : il fut néanmoins élu à une imposante majorité de 4.000 voix. Mais, malgré un magnifique discours de M. Clemenceau, il fut invalidé ; 33 républicains seulement avaient voté sa validation.

Son élection, toute annulée qu’elle était, avait été accueillie par un tel mouvement d’enthousiasme, que le gouvernement se trouva dans l’obligation morale de le mettre en liberté, mais, pour qu’il restât inéligible, il ne fut gracié que deux jours après que le délai d’application de l’amnistie aux graciés était expirée. Il n’y avait pas de jésuites que dans les rangs de la Droite.

Le 1er septembre, le premier navire ramenant en France des déportés arrivait à Port-Vendres. L’accueil le plus chaleureux leur y fut fait. À Paris, l’accueil fut enthousiaste ; une foule énorme se pressait, acclamant ceux qui avaient lutté, souffert pour la cause républicaine et la cause socialiste, émue à la vue de ces physionomies ravagées par un long voyage et le long temps passé loin de la famille, loin des amis. Chaque convoi reçut le même accueil ; chacun était l’objet de manifestations attendries et ce n’était pas la moindre surprise pour les rentrants que de voir cette foule ardente, attendrie, alors qu’à la fin de la Commune, leurs colonnes, traversant Paris encadrées de cavaliers et de fantassins menaçants, ils avaient été assaillis, sur tout le parcours, par les clameurs d’une foule affolée de terreur et de haine. Bientôt, chaque proscrit resté dans l’action militante reprit sa place dans le parti auquel son tempérament, ses convictions le ralliaient. On en put trouver dans toutes les fractions, depuis la fraction opportuniste jusqu’au parti socialiste révolutionnaire qui fit parmi eux de nombreuses et excellentes recrues.

Le retour des proscrits ne fit qu’activer la propagande en faveur de l’amnistié plénière ; ceux qui avaient bénéficié de l’amnistie partielle faisaient le récit des souffrances, des humiliations endurées dans les camps, sur les pontons, dans les prisons, dans la déportation et au bagne, et c’était un profond sentiment d’indignation, de colère et de pitié que ces récits provoquaient. À Paris, M. Alphonse Humbert, l’ancien rédacteur du Père Duchêne, était élu conseiller municipal dans le quartier de Javel, après avoir été, au préalable, puni de prison pour avoir, à l’enterrement de son camarade Gras, prononcé un violent discours contre la justice des conseils de guerre. Son élection fut annulée. De cette agitation à laquelle se joignait l’active propagande socialiste, tous les réacteurs essayèrent de tirer parti pour apeurer le pays. L’effort fut vain.

C’est au mois d’octobre de cette même année que se tint à Marseille le troisième Congrès. Son importance fut capitale, décisive ; de son attitude, de ses résolutions se dégagea la doctrine générale qui devait, malgré les scissions qui allaient plus tard se produire, orienter l’ensemble des forces socialistes. À Paris, en 1876, la politique avait été bannie des séances ; à Lyon, les idées collectivistes n’avaient attiré qu’une infime minorité et avaient provoqué de fort vives discussions ; à Marseille, par 73 voix contre 27, le Conseil adoptait comme but à assigner aux efforts du prolétariat : « La collectivité du sol, sous-sol, instruments de travail, matières premières, donnés à tous et rendus inaliénables, par la société, à qui ils doivent retourner ».

Ce ne fut pas sans avoir entendu des contradicteurs que les résolutions furent prises. Le citoyen Isidore Finance, ouvrier peintre, positiviste, que nous avons déjà trouvé participant à l’organisation du Congrès international interdit par la police en 1878, combattit avec conviction et talent la doctrine qui devait triompher, mais la cause de la propriété individuelle était perdue d’avance.

Toutes les agitations du dehors avaient une vive répercussion dans les milieux parlementaires : sur la question de l’amnistie le Cabinet allait se retirer et M. de Freycinet, le 29 décembre, prenait la présidence du Conseil ne conservant que MM. Jules Ferry, Lepère, Cochery ; M. Tirant était au Commerce : M. Cazol à la Justice ; l’amiral Jauréguiberry à la Marine ; le général Farre à la Guerre ; M. Magnin aux Finances ; M. Wilson avait le sous-secrétariat d’État des Finances ; M. Constans était sous-secrétaire d’État à l’Intérieur et M. Sadi-Carnot aux Travaux publics. Le programme de M. de Freycinet comportait l’épuration du personnel administratif, la réorganisation de la magistrature, la loi sur l’enseignement, des projets de loi sur la presse et le droit de réunion. Les lois proposées par M. Jules Ferry et adoptées par la Chambre des députés allaient venir en discussion au Sénat. M. Jules Simon devait les y combattre, ce qui ne surprit personne. Parmi toutes ces réformes en projets, une devait être réalisée et sa mise à exécution déchaînait une agitation cléricale comme on n’en avait pas vu durant les plus sombres jours de l’ordre moral, nous voulons parler des décrets dissolvant les congrégations non autorisées ; elles étaient au nombre de 500 environ. La Société de Jésus avait trois mois pour se dissoudre. Elle n’était admise à aucune demande d’autorisation. Les autres avaient un délai de trois mois pour faire les déclarations et remplir les formalités imposées. Ce fut une révolte générale du parti clérical, mais à l’exception de quelques points de France, partout une suprême indifférence l’accueillit et la loi reçut son application. Suivant une expression populaire, « les congrégations chassées par la porte ne devaient pas tarder à rentrer par la fenêtre ».

En février 1880, se produisit un incident assez sérieux ; un socialiste russe, Hartmann, était arrêté par la police française, sur l’indication et la demande du prince Orloff, ambassadeur de Russie. Il était accusé de complicité dans une tentative contre le tsar ; il y avait une demande d’extradition formelle. Au point de vue politique, l’extradition ne pouvait être accordée, conformément à tous les précédents. Pouvait-on, par un subterfuge policier et juridique à la fois, transformer en crime privé un crime politique ! Le président du Conseil trouvait dans une situation difficile, parce que des préoccupations de politique étrangère se mêlaient à l’incident ; déjà des hommes politiques tournaient leurs regards vers la Russie avec le secret espoir de trouver en elle une alliée. Mais l’opinion publique, par un irrésistible courant manifesté dans la presse radicale, dans les quelques organes socialistes, dans de nombreux meetings et réunions, exerça une influence décisive sur M. de Freycinet qui refusa l’extradition en se fondant sur des raisons d’ordre purement juridique. L’ambassadeur russe quitta Paris soudain, mais il y reparut trois mois après. Simple bouderie diplomatique qui n’eut pas d’autres conséquences.

Sur la proposition de Raspail, le 14 juillet fut adopté comme Fête nationale et, à l’occasion de cette première fête républicaine, un projet d’amnistie fut déposé. Les Chambres étaient fort hésitantes, troublées par l’élection du « forçat » Trinquet à Paris, par la candidature de Blanqui à Lyon et le président du Conseil se trouvait perplexe. M. Gambetta descendit de son fauteuil pour défendre la proposition. Dans son discours, il répudia hautement le mouvement du 18 mars et la politique révolutionnaire ; il présenta la proposition comme une mesure politique d’apaisement et elle fut adoptée ; le Sénat devait la voter mais en l’amendant légèrement.

Le caractère modéré, surtout irrésolu de M. Freycinet devait déterminer sa retraite, par suite d’un désaccord assez profond entre lui et le ministre de l’Intérieur qui entendait poursuivre dans toute sa rigueur légale l’application des décrets contre les congrégations. M. Jules Ferry fut chargé de constituer le nouveau ministère dont la politique allait accuser, en les exaspérant, les divisions du parti républicain.

Dans un discours prononcé à Marseille. M. Clemenceau, devenu le chef effectif de l’Extrême-Gauche, chef redoutable, parfois même à ses amis, par son éloquence à l’emporte-pièce, argumentée, son esprit toujours en éveil et caustique, avait publiquement rompu avec M. Gambetta et sa politique ; il l’accusait d’être le chef occulte et réel du gouvernement et il traçait, sous l’impression du développement de la propagande du Parti ouvrier, un programme, bien oublié depuis, dans lequel il réclamait « la liquidation des grandes compagnies de chemins de fer, canaux et mines, et l’exploitation de ces industries par l’ensemble de ceux qui les mettent en œuvre et à leur profit ». Le Congrès de Marseille, tenu l’année précédente, avait donc eu une grande influence, puisque le leader de l’Extrême-Gauche en adoptait, en partie, une résolution qui n’était autre que la nationalisation et la transformation en services publics à forme socialiste de certains organes économiques féodalisés par de grandes compagnies.

Ce n’était là qu’une apparence. Les collectivistes du Parti ouvrier ne devaient pas rencontrer d’adversaire plus ardent que M. Clemenceau. On le constatait déjà, on le put constater encore plus effectivement au cours des meetings contradictoires, des campagnes électorales que, de concert avec quelques militants, l’ouvrier mécanicien Joffrin, revenu de la proscription, allait mener, particulièrement à Montmartre.

Le cabinet Ferry se présenta devant le Parlement le 9 novembre 1880. Son
Les élections : M. Gambetta à la réunion électorale de la rue Saint-Blaise.
(Extrait du Monde Illustré).

(Dessin de M. de Haener, d’après le croquis de M. Dick).


programme était modéré d’aspect, mais c’était un programme de travail nettement limité à certaines questions, parmi lesquelles les lois sur l’enseignement, les lois sur le droit de réunion, sur la presse, sur les syndicats professionnels, sur la réforme judiciaire. Pour cette tâche, le Cabinet demandait à la Chambre de lui faire confiance. La réforme judiciaire qui vint la première en discussion n’aboutit que sur la question du personnel qui fut sensiblement réduit comme nombre. Vint, enfin, la réforme sur laquelle une grande bataille allait se livrer et mettre en ligne les meilleurs et les plus ardents orateurs des deux côtés de la Chambre. La gratuité de l’enseignement primaire venait en première ligne elle fut adoptée à une forte majorité. Un mouvement d’opinion provoqué dans le pays sous l’inspiration et la direction de Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l’Enseignement, avait fait aboutir cette loi si essentielle que devait compléter l’obligation, la laïcité étant déjà acquise. À l’instruction religieuse fut substitué l’enseignement moral et civique, mais toute conception religieuse n’en était pas bannie. Il y avait déjà un sérieux progrès réalisé.

Au dehors la guerre russo-turque qui avait inspiré, dès ses débuts, de vives anxiétés pour la paix de l’Europe, s’était terminée par la victoire de la Russie dont la mobilisation, la concentration avaient révélé la très défectueuse organisation militaire. Un ordre de choses nouveau naissait en Orient où les principautés danubiennes, libérées du joug ottoman, allaient ressentir dans leur organisation intérieure les nombreuses répercussions des convoitises et des intrigues de leurs puissants voisins. La Conférence de Berlin avait réglé la situation créée par le traité de San Stefano, mais le Sultan n’avait cédé, n’avait donné de réponse ferme que sous la menace d’une démonstration combinée des forces navales de l’Europe devant Constantinople. La paix semblait désormais assurée, malgré les agitations inquiétantes de ceux qui, sous couleur de patriotisme, faisaient entendre des menaces de prochaine revanche contre l’Allemagne. Cette agitation qui devait, peu à peu, se transformer en mouvement politique dirigé contre la République, rallier les cléricaux et les réacteurs de toute nuance, prenait corps et causait de vives préoccupations.

Enfin, s’engageaient en Tunisie la série des opérations financières et diplomatiques qui, l’année suivante, allaient déterminer l’expédition militaire, source de difficultés diplomatiques et politiques, source de violentes et persistantes animosités de l’Italie contre la France.