Histoire politique de la Révolution française/Chapitre 2
CHAPITRE II
I. Convocation des États généraux : les cahiers. — II. Formation de l’Assemblée nationale. — III. Prise de la Bastille et révolution municipale. — IV. Déclaration des droits. — V. Conséquences logiques de la Déclaration.
Les premiers événements de la Révolution n’amenèrent pas tout de suite la formation d’un parti républicain ou d’un parti démocratique. Mais, à l’insu des Français d’alors et contre leur volonté, ces premiers événements engagèrent la France dans une voie qui menait à la démocratie et à la république. Nous allons dire comment on s’engagea dans cette voie, quand on croyait prendre la voie opposée ; nous allons esquisser le tableau des circonstances où furent organisées la monarchie et la bourgeoisie.
I. On a vu qu’en 1789 il semblait qu’il y eût deux Frances : la France instruite et la France ignorante ; la France riche et la France pauvre. Ces droits politiques que des publicistes réclament pour les Français, c’est seulement pour les Français instruits et riches qu’ils les réclament. Les propriétaires seront citoyens actifs, auront seuls le droit de vote. Les non-propriétaires ne seront que citoyens passifs. La nation, c’est la bourgeoisie.
Il y a comme un fossé entre la bourgeoisie et le peuple. La bourgeoisie s’exagère l’inintelligence et l’inconscience du peuple, surtout de la masse rurale. Il y a malentendu entre les deux classes. Pour que ce malentendu se dissipe, il faudra un colloque, une mise en présence de la bourgeoisie avec tout le peuple.
C’est ce qu’amène la convocation des États généraux.
Aux assemblées de paroisse, le Tiers état est admis presque tout entier, avec une mince restriction censitaire, à savoir la condition d’être « compris au rôle des impositions[1]». C’était presque le suffrage universel.
Ce mode de suffrage, si contraire aux idées du siècle, la royauté l’avait-elle établi pour les mêmes raisons qui engageaient les philosophes et les écrivains réformateurs à le repousser ? Dans le peuple ignorant et pauvre, espérait-elle trouver des éléments de résistance aux idées novatrices et révolutionnaires de la bourgeoisie[2] ? Je n’ai pas trouvé, dans les textes, une réponse précise à cette question, mais il ne me semble pas invraisemblable que la royauté ait eu confusément l’idée de faire appel au suffrage universel contre l’opposition bourgeoise, à l’ignorance contre les lumières.
Ce calcul, s’il fut réellement fait, se trouva déçu par l’événement.
Sans doute, les cahiers sont plus timides que les livres et les pamphlets mais, généralement, on y réclame une Constitution, et une Constitution, c’était la fin de l’absolutisme ; c’était, en partie, la Révolution.
Et puis, il y a des cahiers très hardis.
On ne vit donc se réaliser ni les espérances de la royauté ni les craintes de la bourgeoisie, si tant est que la royauté et la bourgeoisie aient eu ces espérances et ces craintes.
En tout cas, voici comment le malentendu entre la bourgeoisie et le peuple se dissipa ou s’atténua, à l’occasion de la convocation et des cahiers.
Il y eut collaboration entre la bourgeoisie et le peuple pour rédiger les cahiers du premier degré ou cahiers de paroisse, et en général, il ne faut pas considérer ces cahiers, dans les communautés rurales, comme l’œuvre personnelle des paysans. C’est un bourgeois qui, le plus souvent, tient la plume, et alors il y avait dans beaucoup de localités, même les plus agrestes, quelques hommes instruits. La plupart des cahiers de paroisse que nous avons témoignent d’une culture assez forte, plus forte que celle de la bourgeoisie campagnarde d’aujourd’hui.
Si le cahier n’est pas dicté par les paysans, on le leur lit et ils l’approuvent. Il y a une assemblée, où bourgeois et paysans se trouvent confondus, causent ensemble, discutent publiquement. C’est la première fois que ce colloque a lieu : il est fraternel, et on tombe d’accord assez vite. Le bourgeois s’aperçoit que le paysan est plus intelligent ou moins stupide qu’il ne croyait, que l’esprit du siècle a pénétré jusqu’à lui, par d’obscurs canaux. Les paysans, une fois réunis, s’élèvent à l’idée d’un intérêt commun, se sentent nombreux et forts, et reçoivent des bourgeois une sorte de conscience de leurs droits. Cette assemblée de paroisse est pour eux un apprentissage civique[3].
Ne croyez pas que les paysans s’élèvent tous déjà à l’idée révolutionnaire de patrie. Mais ils prennent au sérieux cette convocation, ils sentent qu’il va se produire un événement bienfaisant pour eux, et l’image du roi leur apparaît : cette image est un reflet de la patrie.
C’est sérieusement que le roi va s’occuper de guérir leurs maux ; c’est sérieusement qu’ils exposent ces maux, ou plutôt qu’ils acceptent l’exposition que les messieurs du village en écrivent pour eux ; et, quand, au bas du procès-verbal, ils signent d’une croix, ils ne craignent pas que cette croix les désigne à des surcharges d’impôt, aux vexations du collecteur. Non : ils font un acte d’espérance et de confiance.
Ce n’est déjà plus la vile populace, méprisée et redoutée par Mably, Rousseau et Condorcet. Ce n’est pas encore une nation souveraine. Ce sont des hommes qui s’attendent à être enfin traités en hommes, presque des candidats à la dignité de citoyen, et qui demain, par une commotion électrique venue de Paris, à la suite de la prise de la Bastille, se sentiront animés d’une force d’union, d’agglomération, d’où sortira la nation nouvelle, la France nouvelle.
Répétons que les bourgeois, eux aussi, ont appris quelque chose à ces réunions, c’est à-dire à moins mépriser les ignorants et les pauvres. Sans doute, on déclamera encore contre la populace, et même la bourgeoisie va s’établir en caste politiquement privilégiée. Mais les Français éclairés ne seront plus, à partir de cette expérience royale du suffrage universel, unanimes à déclarer les illettrés incapables d’exercer des droits politiques. Un parti démocratique va s’annoncer, et bientôt se former. Le mode de convocation du tiers aux États généraux permet presque de prévoir l’avènement du suffrage universel et par conséquent l’établissement de la république, forme naturelle de la démocratie.
II Si le roi avait espéré que ces députés du Tiers état, issus d’un suffrage universel d’ignorants, n’oseraient rien entreprendre de sérieux contre le despotisme, il fut bientôt désabusé.
La cour croyait sans doute que ces élus de tant de peuples divers, porteurs de mandats vagues ou discordants, souvent chargés de faire prévaloir des privilèges locaux, de province ou de ville, seraient irrémédiablement divisés par des tendances particularistes, et que, par exemple, entre ces Provençaux et ces Bretons, entre cette nation provençale et cette nation bretonne, il y aurait rivalité et querelle. Et les cahiers faisaient prévoir ces divisions.
Il arriva au contraire que, réunis dans une même salle, à Versailles, pendant ce long piétinement sur place qui dura du 5 mai 1789 au milieu du mois suivant, il se forma parmi ces députés du Tiers un esprit de corps. Mieux que cela : à se regarder, à se parler, à se toucher la main, ces mandataires de peuples différents se sentirent citoyens d’une seule nation, Français avant tout, — et ils le dirent, et on le vit, et le sentiment d’un patriotisme unitaire commença à se répandre en France.
Cette nation, apparue tout à coup dans la salle des Menus, était une et avait une volonté : se gouverner par elle-même.
Le roi se sentit menacé, en tant que roi d’ancien régime. La Noblesse et le haut Clergé se sentirent menacés, en tant que privilégiés d’ancien régime. La Noblesse et la Couronne, jadis ennemies, se réconcilièrent aussitôt, sans pourparlers, sans phrases, sans dire pourquoi : le danger commun les rapprocha.
Un roi intelligent, qui eût hérité de l’esprit de Henri IV, se fût dégagé des embrassements dangereux de sa « fidèle noblesse », pour faire d’urgence à ses « fidèles communes » les concessions nécessaires, et rester roi à la mode nouvelle, autrement roi, mais roi tout de même, et même roi plus puissant qu’auparavant, appuyé qu’il eût été sur le peuple, sur la nation. La cour entraîna Louis XVI dans une alliance avec l’ancien régime, qui devait perdre la royauté.
Dès le début, par un cérémonial humiliant, il avait blessé le Tiers état, qui venait à lui plein d’amour.
D’autre part, ses premières paroles avaient été pour se démentir lui-même et désavouer ses promesses de réforme, le programme royal contenu dans le Résultat du Conseil du 27 décembre 1788, où il avait approuvé les principes et les vues du rapport de Necker, c’est-à-dire toute une révolution pacifique et réglée, qui, opérée à temps, eût pu empêcher la révolution violente et hasardeuse[4]. Officiellement, c’était là l’opinion, la politique du roi. En réalité, le roi n’avait aucune opinion, aucun programme. Il s’était laissé arracher ces promesses, parce qu’il avait besoin d’argent, et que Necker était, pour en obtenir, l’homme influent, indispensable.
Ce roi absolu n’a ni initiative ni pouvoir efficace. Il est celui qu’on harcèle, de qui on arrache des concessions, sur qui pèsent tour à tour le parlement, Necker et la cour. Il se contredit, se dégage sans cesse, sous la pression du moment. On le sait, et les gens éclairés ne prennent pas au sérieux ses promesses. Il ne semble pas que le roi ait une existence personnelle : c’est même en cette impersonnalité du roi que les partisans de la Révolution fondent leurs espérances : ils se disent qu’il n’y aurait, pour réussir, qu’à conseiller le roi avec une insistance prépondérante et suivie.
Sans doute, mais il y a des conseillers inamovibles : la reine et le comte d’Artois, la famille royale, la cour. Toujours présents, ils ont l’influence permanente, dans le sens rétrograde. Le roi, qui n’est de volonté avec personne, se sent de cœur avec eux. Il a des instincts de bonté, mais il est, à sa manière, aussi jaloux de son pouvoir absolu que l’avait été Louis XIV. Au fond, il désire maintenir telle quelle la royauté de droit divin, et il est aussi absolutiste que pieux. Nul dessein, d’ailleurs, en vue de cette politique de conservation. On louvoie au jour le jour. On est hypocrite, parce qu’on est faible. Mallet du Pan écrivait déjà dans son journal intime, en décembre 1787 : « D’un jour à l’autre, on change de systèmes et d’idées à Versailles sur la politique. Nulles règles, nuls principes. Le soleil ne se lève pas trois jours à Versailles pour éclairer le même avis. Incertitude de faiblesse et d’incapacité totale[5]. »
Ces promesses du Résultat du Conseil, elles avaient l’air fort nettes. Elles étaient rendues d’avance irréalisables par le soin qu’on avait eu de ne rien décider sur la manière dont délibéreraient les États généraux. Quoique dans les Assemblées provinciales on votât par tête, ce mode de vote n’est pas prescrit pour l’Assemblée nationale, et on n’en prescrit aucun. Les États décideront, ou plutôt ils ne décideront pas, se querelleront là-dessus, et leur discorde les annihilera. Oui, mais en ce cas on n’aura pas de subsides, et c’est pour avoir des subsides qu’on a convoqué les États. Alors quoi ? On ne sait pas ce qu’on veut, on ne compte que sur le hasard.
Donc, dans cette séance d’ouverture du 5 mai 1789, où il y avait l’occasion de frapper un grand coup, de prendre la direction des esprits et des événements, d’orienter l’évolution, comme nous dirions, le roi ne parle plus de ses promesses réformatrices, mais de ses droits. Il déclare qu’il commande à la nation, qu’il maintiendra intacts son autorité et les principes de la monarchie. Il veut le bien de ses sujets, mais ceux-ci ne peuvent l’espérer que de ses « sentiments ». C’est ainsi que naguère, quand le Parlement lui disait : Justice, il répondait : Bonté.
Et on entend un diffus et ennuyeux rapport de Necker, d’où la cour l’a forcé à retrancher l’essentiel du programme du 27 décembre.
Alors commencent ces longs pourparlers, entre les trois ordres, sur la question du vote par tête, à propos de la vérification des pouvoirs. On sait comment le Tiers s’enhardit, et sentit qu’il était la nation, pendant que la Noblesse se raidissait pour la défense de ses privilèges, et que, dans le Clergé, la majorité des curés et quelques évêques faisaient cause commune avec le Tiers.
Le 17 juin, le Tiers se déclare Assemblée nationale, et, puisque nous racontons les origines de la République, il faut bien rappeler la manière inconsciemment républicaine dont cette Assemblée fit aussitôt acte de souveraineté au nom de la nation. Elle consentit provisoirement que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuassent d’être levés de la même manière qu’ils l’avaient été précédemment, et cela seulement jusqu’au jour où l’Assemblée se séparerait. Passé lequel jour, l’Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d’impôt qu’elle n’aurait pas consentie cesse partout. Puis, elle annonce l’intention de s’occuper des finances, mais seulement après qu’elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale. Et, se mettant à l’œuvre, elle nomma, le 19, quatre Comités.
Quelle que fût l’insolence de ces mots : Entend et décrète, rien n’empêchait la royauté, qui en avait entendu bien d’autres, d’accepter et de consacrer à son profit le fait accompli, en ordonnant dès lors aux deux ordres privilégiés de se joindre à l’Assemblée nationale. C’était l’intérêt du roi, qui devenait ainsi le directeur et le régulateur du nouvel ordre de choses, se débarrassait de l’aristocratie, son ennemie historique, et se procurait, avec une immense popularité, les moyens d’être un roi libre et agissant, au lieu de rester le roi opprimé et impuissant qu’il avait été jusqu’alors.
C’est au contraire à la suite de la journée du 17 juin que se scella l’alliance inattendue et, si on peut dire, anti-historique du roi et de la Noblesse. La retraite de Louis XVI à Marly, après la mort du Dauphin, l’avait livré sans contrepoids à l’influence de la reine et du comte d’Artois. Il céda aux supplications de la Noblesse, et aussi (on sait quelle était sa piété) à celles de l’archevêque de Paris, et se décida à résister au Tiers état, à annuler la résolution du 17, à ordonner la séparation des ordres dans les États généraux.
Une séance royale fut annoncée ; mais, au lieu d’agir brusquement, on traîna. On ferma la salle du Tiers pour les préparatifs de la séance royale ; cela amena le serment du Jeu de Paume (20 juin), auquel ne semble s’être refusé aucun des quatre-vingts députés qui avaient voté contre la résolution du 17 juin[6], serment de résistance, serment de faire quand même une constitution[7]. Et, le 22, la majorité du Clergé se réunit au Tiers.
La séance royale a lieu le 23. Le roi y fait d’importantes concessions, qui, avant son alliance avec la Noblesse, auraient peut-être été accueillies avec enthousiasme. Mais il parle en roi absolu qui ordonne, casse l’acte du 17, défend aux trois ordres de voter par tête, sauf pour d’insignifiantes questions. Enfin il enjoint aux députés de se séparer tout de suite en ordres.
La royauté va-t-elle être obéie ? Moment solennel ! Mais on avait l’habitude de désobéir au roi, et les lits de justice n’avaient pas eu raison de la résistance des Parlements[8]. On savait par expérience qu’un non bien ferme faisait reculer le roi, et sa reculade de 1788 était dans toutes les mémoires. Est-ce que les représentants de la nation auront moins d’énergie que des conseillers au Parlement ? D’où le mot de Mirabeau sur les baïonnettes, la déclaration unanime de l’Assemblée qu’elle persiste dans ses précédents arrêtés, le décret rendant inviolable la personne des députés.
Qu’allait faire le roi ? Il avait donné ses ordres d’un tel ton qu’il semblait qu’il n’eût plus qu’à faire marcher des régiments. Il ne fit rien. L’abbé Jallet[9] raconte qu’averti il s’écria : « Eh bien, f…, qu’ils restent ! » Quatre jours plus tard (27 juin), il ordonna à la Noblesse de se réunir à l’Assemblée nationale et consacra ainsi lui-même solennellement cet arrêté du 17 juin qu’il avait solennellement cassé le 23.
De la sorte, il se déclara ridiculement vaincu et se plaça à la remorque de cette Révolution dont il pouvait être le directeur. Les esprits perspicaces virent bien dès lors quel coup mortel avait reçu la royauté. Étienne Dumont entendit Mirabeau s’écrier : « C’est ainsi qu’on mène les rois à l’échafaud ! » Et, d’après Malouet[10], le même Mirabeau prévoyait déjà « l’invasion de la démocratie », c’est-à-dire la république.
III L’acte du 27 juin ne fut pas considéré comme une rupture de l’alliance du roi et de la Noblesse, mais comme un expédient, une concession forcée, un moyen dilatoire. On faisait semblant de céder, et on faisait venir des troupes des frontières.
Les députés se hâtèrent de faire acte de constituants.
Ils croyaient avoir reçu de leurs commettants le mandat impératif de ne pas accorder un sol de subside avant l’établissement d’une Constitution[11]. Aussi, dès le 6 juillet, nommèrent-ils un Comité de Constitution (de trente membres). Le 9, au nom de ce Comité, Mounier présenta un plan de travail en articles, où il entreprenait de préciser les droits de la nation et ceux du roi : 1o par une déclaration des droits (dont La Fayette, en son nom personnel, présenta, le 11, un premier projet) ; 2o par l’exposé des « principes constitutifs de la monarchie ».
La cour, de son côté, hâtait les préparatifs du coup d’État, en vue de dissoudre l’Assemblée nationale. Une armée de mercenaires étrangers, avec une nombreuse artillerie, bloque l’Assemblée, l’intercepte de Paris.
L’Assemblée demande au roi d’éloigner les troupes (8 et 9 juillet).
Le roi refuse avec hauteur (11 juillet), propose ironiquement à l’Assemblée de la transférer à Noyon ou à Soissons, et, jetant le masque, renvoie Necker, forme un ministère de coup d’État.
L’Assemblée prend une belle attitude, déclare que les ministres renvoyés emportent son estime et ses regrets, « que les ministres et agents civils et militaires de l’autorité sont responsables de toute entreprise contraire aux droits de la nation et aux décrets de cette Assemblée », rend personnellement responsables les ministres actuels et conseils de Sa Majesté, « de quelque rang et état qu’ils puissent être », décrète qu’elle persiste dans ses arrêtés des 17, 20 et 23 juin, et réclame de nouveau le renvoi des troupes.
La guerre est déclarée. D’un côté, c’est le roi, appuyé sur les privilégiés ; de l’autre, l’Assemblée nationale, qui représente la nation. Dans ce duel de la force et du droit, ou, si on aime mieux, du passé et de l’avenir, de la politique de statu quo et de la politique d’évolution, la cause du droit semblait vaincue par avance. Il n’y avait qu’à faire marcher ces régiments de mercenaires étrangers, incarcérer les chefs de l’Assemblée, expédier les autres dans leur province. Quelle résistance auraient pu faire les Constituants ? Des attitudes romaines, des mots historiques n’eussent point détourné les baïonnettes. Sans doute cette dispersion de l’Assemblée n’aurait pas obtenu l’assentiment de la France, et cet assentiment était indispensable à la royauté pour obtenir l’argent qu’elle n’avait pas et sans lequel elle ne pouvait vivre. Oui, le roi eût été forcé plus tard à convoquer d’autres États généraux. Mais, en attendant, l’ancien régime continuait, la Révolution était ajournée.
Pour que l’Assemblée nationale se tirât de ce pas hasardeux, il fallait une sorte de miracle : qu’elle trouvât une armée à opposer à l’armée du roi, et on sait que ce miracle eut lieu, par l’intervention spontanée de Paris.
La cour ne se méfiait guère de Paris, puisqu’elle avait convoqué l’Assemblée nationale dans la ville la plus voisine. Paris, qui vivait du luxe de l’ancien régime, allait-il se lever pour aider à une révolution qui le ruinerait peut-être ? Et s’il y avait une insurrection, serait-elle sérieuse ? Que pouvait-on craindre ou espérer de cette populace insolente, prête à fuir, disait-on, devant quelques hallebardes, et dont les philosophes s’étaient moqués ? Les motionnaires du Palais Royal, ces écervelés et ces braillards sans armes, feraient-ils reculer la vieille armée royale ? Pour les beaux esprits de la cour, Paris semblait vraiment une « quantité négligeable », comme nous dirions.
Eh bien ! Paris se leva tout entier, s’arma, s’empara de la Bastille, forma un véritable camp retranché, une commune insurgée, et le roi fut vaincu, dut faire sa soumission, sinon sincère, du moins complète, et le coup d’État fut déjoué. Toute l’histoire de France se trouva changée par l’intervention de Paris, que toute la France suivit.
Je ne raconterai pas ici cette révolution à forme municipale que la prise de la Bastille amena en France, en juillet et en août 1789, d’abord dans les villes, puis dans les campagnes[12]. Je dirai seulement que ce fut là un fait capital parmi ceux qui préparèrent l’avènement de la démocratie et de la république en France.
Sans doute la révolution municipale ne se fait pas au cri de Vive la République ! et ce cri n’est entendu ni à Paris ni dans les provinces. Au contraire, il arrive souvent qu’on crie Vive le Roi ! même quand les paysans s’attaquent aux châteaux[13]. On croit partout que c’est au profit de la royauté qu’on renverse le « despotisme féodal », ce fléau des campagnes, et le « despotisme ministériel », ce fléau des villes. La masse ignore que le roi a trahi la « nation » pour s’allier à la Noblesse, et l’élite, qui ne l’ignore pas, reste royaliste quand même. Le roi continue à être, aux yeux de tous, la personnification de cette nation en laquelle s’agglomèrent les trente mille communes. Mais, en réalité, le roi n’est pas le directeur de ce mouvement ; il se fait sans lui. Quoi de plus essentiellement républicain que l’acte de cette nation qui, ayant bousculé l’ancien régime, se met à se gouverner elle-même, tout entière debout et en armes ?
La situation est changée. Au lieu d’une Assemblée bloquée par une armée de mercenaires, c’est une Assemblée protégée par plusieurs millions de Français armés. Hier, elle avait un ton de dignité attristée et une sorte de courage sans espoir. Aujourd’hui, elle parle en souveraine, elle agit en souveraine ; elle forme un Comité des recherches et un Comité des rapports, qui sont comme une ébauche anticipée des Comités de salut public et de sûreté générale. L’idée du Tribunal révolutionnaire apparaît même déjà dans le projet de former un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation, qu’en attendant l’Assemblée jugera elle-même.
Les vieux corps privilégiés s’inclinent devant la majesté du souverain nouveau : Parlement de Paris, Cour des Comptes, Chambres des Aides, Université défilent à la barre de l’Assemblée, lui apportent comme l’hommage du passé. Les villes de France viennent aussi lui apporter comme l’hommage de l’avenir.
Cependant l’Assemblée aurait-elle osé, voulu faire table rase de l’ancien régime ? C’était contraire aux vues des philosophes, qui tous avaient déconseillé une révolution radicale.
Elle songeait même à prendre des mesures pour réprimer les insurrections partielles qu’on lui disait avoir éclaté çà et là, quand elle apprit que ces insurrections étaient partout victorieuses, que le régime féodal était par terre.
Alors, ce souffle d’enthousiasme et de révolte qui, parti de Paris, avait soulevé toute la France, souleva l’Assemblée à son tour, et, dans la nuit du 4 août 1789, ratifiant le fait accompli, elle déclara le régime féodal aboli.
Cette nation qui avait fait tout cela et dont l’Assemblée n’était plus que l’interprète, on la voyait, comme l’avait dit Grégoire à la séance du 14 juillet, idolâtre de son roi. Aussi les constituants ne songèrent-ils pas plus à détruire la royauté après la révolution municipale qu’ils n’y avaient songé avant. Les décrets du 4 août proclamèrent Louis XVI restaurateur de la liberté française[14].
Un autre décret, du 10 août, consacra la révolution municipale et fit subir un nouvel et grave échec au pouvoir royal, en brisant l’épée du roi. En effet, l’Assemblée décida, entre autres dispositions :
« Que les soldats jureront, en présence du régiment entier sous les armes, de ne jamais abandonner leurs drapeaux, d’être fidèles à la nation, au roi et à la loi :
« Que les officiers jureront, ès mains des officiers municipaux, en présence de leurs troupes, de rester fidèles à la nation, au roi et à la loi et de ne jamais employer ceux qui seront sous leurs ordres contre les citoyens, si ce n’est sur la réquisition des officiers civils et municipaux, laquelle réquisition sera toujours lue aux troupes assemblées[15]. »
IV Tels sont les principaux événements qui, au début de la Révolution, firent passer, en fait, la souveraineté des mains du roi à celles de la nation, et, par la révolution municipale, établirent en France un état de choses républicain, non pas trente mille républiques indépendantes, non pas une anarchie, mais trente mille communes unies en nation sous la souveraineté réelle du peuple français, c’est à dire une sorte de république unitaire en voie de formation, où le roi n’avait plus qu’une autorité nominale.
Cet état de choses, l’Assemblée constituante l’avait partiellement consacré par les décrets des 4 et 10 août. Elle le consacra aussi par la Déclaration des droits, puis le modifia, dans un sens conservateur ou plutôt réactionnaire, par l’organisation de la monarchie, par l’établissement de la classe bourgeoise politiquement privilégiée.
Parlons d’abord de la Déclaration des droits, qui est le fait le plus remarquable dans l’histoire de la formation des idées républicaines et démocratiques.
Un nouveau Comité de constitution (de huit membres) avait été nommé le 14 juillet. Par l’organe de Champion de Cicé et de Mounier, il fit ses deux premiers rapports les 27 et 28 juillet. Le débat public commença le 1er août, sur la question de savoir s’il y aurait ou non une Déclaration avant la constitution.
Ici, il est utile de rappeler que tout le monde était d’accord sur ce qu’il fallait entendre par une « déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Il s’agissait de proclamer, en langue française, les mêmes principes qu’avaient proclamés les Anglo-Américains.
Personne ou presque personne ne contestait la vérité de ces principes, en faveur desquels il y avait un large et fort courant d’opinion.
Ce n’est point par pédantisme puéril que le Comité de constitution proposa de les inscrire avant la constitution. C’était là un acte politique et de guerre. Les proclamer dès lors, c’était poser les principes d’où sortira la constitution. C’était porter le coup suprême au pouvoir absolu. C’était consacrer la Révolution.
Ce n’est pas davantage par pédantisme puéril que quelques défenseurs du pouvoir royal proposaient l’ajournement : ils voyaient que la révolution d’Amérique avait débuté par là, et c’était ainsi que les Anglo-Américains en étaient venus à se passer de roi.
La souveraineté va-t-elle, en droit, passer du roi au peuple, comme, en fait, elle a passé du roi au peuple ? Voilà, au fond, ce qui s’agitait alors, c’est-à-dire toute la Révolution.
Les monarchistes rédacteurs de la Déclaration française n’étaient point effrayés du caractère républicain de cette Déclaration. Un des rapporteurs du Comité de constitution avait soin de rappeler qu’on l’avait rédigée à l’instar de l’Amérique[16] : ce rapporteur était l’archevêque de Bordeaux. Adhérait-il personnellement au fond, non seulement républicain, mais philosophique, rationaliste de la Déclaration ? Oui, puisqu’il dit dans ce rapport : « Les membres de votre Comité se sont tous occupés de cette importante Déclaration des droits. Ils ont peu varié dans le fond, et beaucoup plus dans la forme. »
Cependant il faut dire que, s’il y avait unanimité pour accepter ou ne pas contester les principes, on se demanda d’abord, surtout quand on n’était pas encore bien sûr que la révolution municipale eût triomphé dans toute la France, s’il était prudent de proclamer ces principes en corps de doctrine. L’opinion de l’Assemblée sembla d’abord incertaine à cet égard, et la discussion dans les bureaux avait même paru faire prévoir une décision négative. Gaultier de Biauzat écrivait, le 29 juillet, à ses commettants : « Nous avons pensé, dans mon bureau, ce soir, qu’il est inutile et dangereux d’insérer une Déclaration des droits de l’homme dans une constitution[17]. » Et Barère, d’abord incertain lui-même, imprimait dans sa gazette, le Point du Jour : « Le premier jour des débats, il paraissait douteux si l’on adopterait même l’idée d’une Déclaration des droits séparée de la constitution[18]. »
Une partie de la bourgeoisie, à la veille de se privilégier politiquement, hésitait à proclamer les droits du prolétariat. Elle ne les contestait pas : elle jugeait imprudent de les crier aux oreilles des prolétaires, parce qu’elle ne voulait appliquer ces droits que partiellement, s’en réserver l’exercice politique.
Ce sont des nobles qui entraînèrent l’Assemblée, de jeunes nobles enthousiastes. Le comte de Montmorency dit, le 1er août 1789 : « … L’objet de toute constitution politique, comme de toute union sociale, ne peut être que la conservation des droits de l’homme et du citoyen. Les représentants du peuple se doivent donc à eux-mêmes, pour guider leur marche, ils doivent à leurs commettants, qui ont à connaître et à juger leurs motifs, à leurs successeurs, qui ont à jouir de leur ouvrage et à le perfectionner, aux autres peuples, qui peuvent apprécier et mettre à profit leur exemple, ils doivent enfin, sous tous les rapports, donner à leur patrie, comme préliminaire indispensable de la constitution, une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est une vérité à l’appui de laquelle se présente tout de suite l’idée de l’Amérique[19]… »
Le comte de Castellane voit dans la Déclaration la vraie arme contre l’arbitraire royal et le régime des lettres de cachet : « N’en doutons pas, Messieurs, l’on ne peut attribuer cette détestable invention qu’à l’ignorance où les peuples étaient de leurs droits. Jamais, sans doute, ils ne l’ont approuvée. Jamais les Français, devenus fous tous ensemble n’ont dit à leur roi : Nous te donnons une puissance arbitraire sur nos personnes ; nous ne serons libres que jusqu’au moment où il te conviendra de nous rendre esclaves, et nos enfants aussi seront esclaves de tes enfants ; tu pourras, à ton gré, nous enlever à nos familles, nous envoyer dans des prisons, où nous serons confiés à la garde d’un geôlier choisi par toi, qui, fort de son infamie, sera lui-même hors des atteintes de la loi. Si le désespoir, l’intérêt de ta maîtresse ou d’un favori convertit pour nous en tombeau ce séjour d’horreur, on n’entendra pas notre voix mourante ; ta volonté, réelle ou supposée, l’aura rendu juste ; tu seras seul notre accusateur, notre juge et notre bourreau. » Or le peuple peut seul faire respecter les lois contre le despotisme. Donc il faut proclamer les droits du peuple. Si on objecte que, « dans ce moment même, la multitude se livre à des excès », Castellane répond « que le vrai moyen d’arrêter la licence est de poser les fondements de la liberté ».
Quel langage républicain ! Et qu’on ne croie pas que les députés hostiles à une Déclaration parlassent d’un autre ton, puisque l’évêque de Langres avait été jusqu’à dire que le sujet d’une monarchie et le citoyen d’une république ont les mêmes droits[20].
Et que disaient les adversaires de toute déclaration ?
Voici comment le Courrier de Provence résume leur opinion[21] :
« MM. Crénière, Grandin, le duc de Lévis, l’évêque de Langres ont fortement insisté sur les inconvénients qui résulteraient, selon eux, d’une exposition des droits de l’homme et du citoyen dans une monarchie, où l’état actuel des choses leur est si souvent en opposition directe que le peuple peut en abuser. C’est un voile qu’il serait imprudent de lever tout à coup. C’est un secret qu’il faut lui cacher, jusqu’à ce qu’une bonne constitution l’ait mis en état de l’entendre sans danger. Un homme sage ne réveille point un somnambule qui marche entre des précipices, parce qu’au lieu de le sauver il risquerait de le perdre. On ne s’est pas exprimé de cette manière, mais nous rendons le sens des objections qui nous ont frappé, etc.[22] »
Et Malouet dit dans la séance du 3 août[23] : « Pourquoi transporter les hommes sur le haut d’une montagne, et de là leur montrer tout le domaine de leurs droits, puisque nous sommes obligés ensuite de les en faire redescendre, d’assigner les limites, et de les rejeter dans le monde réel, où ils trouveront des bornes à chaque pas[24] ? »
Quand l’Assemblée apprit, le 4 août, que la Révolution était partout victorieuse, elle cessa de prêter l’oreille à ces objections, et, consacrant la victoire populaire, elle décréta, quelques heures avant de voter l’abolition du régime féodal, que la constitution serait précédée d’une Déclaration des droits, et qu’il n’y aurait pas de Déclaration des devoirs.
Il y avait plusieurs projets émanés de La Fayette, Siéyès, Mounier, Target, etc., dissemblables de forme, semblables quant aux principes. Le 12 août, l’Assemblée nomma un Comité de cinq membres pour les fondre en un seul. Le 17, ce Comité présenta son rapport par l’organe de Mirabeau, et ce rapport parut très mal fait. Le rapporteur, secrètement hostile à toute Déclaration, proposait l’ajournement après la constitution. Le 18 août, renvoi aux bureaux, et chaque bureau dressa un projet. Le 19, l’Assemblée prit pour base le projet du 6e bureau, qu’elle vota, du 20 au 26, avec de graves amendements.
Ou plutôt ce fut une rédaction nouvelle, bien meilleure que le texte du 6e bureau et que les autres projets. Il se produisit en effet ce phénomène, presque invraisemblable, que ces 1200 députés, incapables d’aboutir à une expression concise et lumineuse, quand ils travaillaient, soit isolément, soit par petits groupes, trouvèrent les vraies formules, courtes et nobles, dans le tumulte d’une discussion publique, et c’est à coups d’amendements improvisés que s’élabora, en une semaine, l’édifice de la Déclaration des droits.
Ainsi ce Mounier qui, soit dans son projet personnel de Déclaration, soit dans le projet présenté par lui au nom du Comité le 28 juillet, n’avait trouvé que des formules faibles, improvisa, en pleine séance publique de l’Assemblée, et fit accepter la formule forte du préambule et des trois premiers articles[25]. C’est que ce n’est plus l’avocat Mounier, isolé, discordant, incertain du succès de la Révolution, et travaillant à tirer, sous sa lampe, sa pensée de lui seul : c’est le membre d’un groupe fort, qui représente une nation victorieuse, et qui se trouve être l’interprète de la vie et de la réalité.
D’autres amendements furent improvisés, avec non moins de succès, par Alexandre de Lameth, Lally-Tolendal, Talleyrand[26].
D’ordinaire, ce fut un effort de concision. Parfois aussi ce fut un effort d’explication, et cela pour des raisons, non de goût et de rhétorique, mais de fait et historiques.
Par exemple, l’article 14 du projet du 6e bureau, qui servait de base à la discussion, était ainsi conçu :
« Nul citoyen ne peut être accusé ni troublé dans l’usage de sa propriété, ni gêné dans celui de sa liberté, qu’en vertu de la loi, avec les formes qu’elle a prescrites, et dans les cas qu’elle a prévus. »
C’était bien court contre l’arbitraire despotique, si compliqué, si vivace par l’usage et l’habitude héréditaires de souffrir. L’Assemblée, inspirée par la nation victorieuse, sentit le besoin d’une rédaction plus explicite, et cette rédaction, adoptée à l’unanimité[27], sortit comme spontanément du choc de vingt amendements[28]. Ce sont les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration (votés le 21 août 1789).
À lire cette discussion dans les comptes rendus contemporains, on a l’impression que c’est la nation, devenue souveraine par des actes spontanés, qui dicte la Déclaration à ses représentants.
Cette Déclaration, inspirée par une nation monarchiste, rédigée par des députés monarchistes, est presque entièrement républicaine.
Il n’y est pas question de royauté, il ne s’y trouve pas la moindre allusion au pouvoir royal, ni même à l’utilité de la monarchie.
Au contraire, tout y est anti-monarchique : d’abord, le fait qu’il y ait une Déclaration, fait américain, fait républicain, formule d’une récente révolte républicaine qui a réussi ; ensuite et surtout, cette affirmation que la nation est majeure, qu’elle se gouverne elle-même, non seulement en réalité, mais en droit. On peut dire qu’ici le fait précède le droit, et le légitime historiquement : le droit légitime le fait rationnellement.
J’ai dit que la Déclaration était presque entièrement républicaine. Elle ne l’est pas en un point, en un seul point, je veux dire pour ce qui est de la question de la liberté de conscience, où les purs principes rationalistes ne guidèrent pas les rédacteurs.
On sait que, dans le préambule, l’Être suprême est invoqué : « … En présence et sous les auspices de l’Être suprême[29]… »
Le projet du 6e bureau portait : « En présence du suprême législateur de l’Univers. » Laborde de Mereville demanda (20 août) qu’il ne fût pas question de Dieu : « L’homme, dit-il, tient ses droits de la nature : il ne les reçoit de personne. » Mais l’Assemblée nationale invoqua l’Être suprême, sans autre opposition que celle de Laborde de Mereville[30]. Et cela, semble-t-il, pour trois raisons principales : 1o parce que presque tous les Français d’alors, même anti-chrétiens, étaient déistes ; 2o parce que la masse du peuple était sincèrement catholique ; 3o parce que cette formule mystique, dans le préambule du grand acte révolutionnaire, était le prix de la collaboration du Clergé à la Déclaration des droits.
Sans doute, l’Assemblée se refusera (28 août) à voter la motion de l’abbé d’Eymar, déclarant la religion catholique religion d’État[31] ; mais, à l’occasion, elle se déclarait catholique[32] probablement pour complaire aux « curés patriotes » qu’elle comptait parmi ses membres, et aussi par égard pour les sentiments de la masse, surtout rurale, des Français. Elle n’entendait même pas mettre la religion catholique sur le même rang que les autres religions, et le constituant Voulland pouvait parler à la tribune, sans être contredit, de la convenance d’avoir une « religion dominante » et représenter la religion catholique comme « fondée sur une morale trop pure pour ne pas tenir le premier rang[33] ». C’est pourquoi, au lieu de proclamer la liberté de conscience, elle se borna (23 août) à proclamer la tolérance, par l’article 10, ainsi conçu : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Mirabeau avait parlé éloquemment contre cette tolérance le 22 août : « Je ne viens pas prêcher la tolérance : la liberté la plus illimitée de religion est, à mes yeux, un droit si sacré que le mot tolérance, qui voudrait l’exprimer, me parait en quelque sorte tyrannique lui-même, puisque l’existence de l’autorité qui a le pouvoir de tolérer attente à la liberté de penser, par cela même qu’elle tolère et qu’ainsi elle pourrait ne pas tolérer[34]. » Quand l’article eut été voté, le Courrier de Provence s’écria « Nous ne pouvons dissimuler notre douleur que l’Assemblée nationale, au lieu d’étouffer le germe de l’intolérance, l’ait placé, comme en réserve, dans une Déclaration des droits de l’homme. » Et le journaliste (est-ce Mirabeau lui même ?) montra que cet article permettrait d’interdire le culte public aux non-catholiques[35].
Mais sauf en ce qu’elle ne proclame pas la liberté de conscience, la Déclaration des droits est nettement républicaine et démocratique.
V On peut la considérer à un double point de vue, négatif ou positif, comme détruisant le passé ou comme édifiant l’avenir.
Aujourd’hui, rétrospectivement, nous la considérons surtout au second point de vue, c’est-à-dire comme le programme politique et social de la France à partir de 1789. Les hommes de la Révolution la considéraient surtout au premier point de vue, comme la notification du décès de l’ancien régime, et, ainsi que le veut le préambule, comme une barrière contre une résurrection possible de cet ancien régime, tout de même que les Américains avaient édifié leur Déclaration des droits en machine de guerre contre le roi d’Angleterre et le système despotique.
L’autre point de vue, à savoir la Déclaration considérée comme programme d’une société à organiser, les Constituants le laissaient volontiers dans une demi-ombre, parce qu’il contredisait en partie le régime bourgeois qu’ils allaient établir.
Le principe de l’égalité des droits, c’est la démocratie, c’est le suffrage universel, pour ne parler que des conséquences politiques de ce principe, et ils allaient établir le suffrage censitaire.
Le principe de la souveraineté de la nation, c’est la république, et ils allaient maintenir la monarchie.
Ces conséquences étaient aperçues, non de la masse, mais des constituants, des hommes instruits. Et c’est bien pour cela que la bourgeoisie avait hésité à faire une Déclaration des droits. Une fois faite, on la masqua d’un voile, selon le mot du temps, et il y eut la politique du voile. « Je vais déchirer le voile ! » disaient parfois les orateurs exaltés, ceux qui se faisaient occasionnellement tribuns du peuple. Mais c’était l’exception. Il n’y eut pas d’abord de parti organisé qui réclamât l’application immédiate du principe essentiel de la Déclaration, ce qui revient à dire qu’il n’y eut pas d’abord de parti républicain ou démocratique.
Quand les fautes du roi eurent déchiré le voile, quand le pacte entre la nation et le roi fut décidément rompu, l’expérience amena les Français à appliquer les conséquences de la Déclaration, par le régime de 1792 et de 1793, c’est-à-dire par la démocratie et la République.
Les hommes de 1792 et de 1793, on les a appelés les renégats des principes de 1789[36]. Oui, ils violèrent momentanément la liberté de la presse, la liberté individuelle, les garanties de justice légale et normale. Ils le firent, parce que la Révolution était en état de guerre contre l’Europe ; ils le firent contre l’ancien régime au profit du nouveau ; ils le firent pour sauver les principes essentiels de la Déclaration. Mais ce qu’on ne dit pas, c’est que, les premiers, ils appliquèrent ces principes essentiels, égalité des droits, souveraineté de la nation, en établissant le suffrage universel et la République, en organisant, en faisant fonctionner une démocratie qui, à l’extérieur, réalisa le rêve royal par l’acquisition de la rive gauche du Rhin, et qui, à l’intérieur, proclama la liberté de conscience, sépara l’Église de l’État, tenta de se gouverner selon la raison et la justice.
Les renégats des principes de 1789 ne furent donc pas les hommes de 1793, qui, au contraire, les appliquèrent. (Et n’est-ce pas pour les avoir appliqués qu’ils furent flétris de l’épithète de renégats par les beaux esprits rétrogrades ?) Logiquement, il n’y aurait pas de raison de ne pas appliquer plutôt cette épithète de renégats aux hommes de 1789, qui, après avoir proclamé l’égalité des droits, divisèrent la nation en citoyens actifs et en citoyens passifs, et aux anciens ordres privilégiés substituèrent une nouvelle classe privilégiée, la classe bourgeoise.
Ou plutôt, il n’y eut pas de renégats, mais de bons Français qui firent pour le mieux, dans des circonstances différentes, à des moments différents de notre évolution politique.
Je n’ai parlé que des conséquences politiques de la Déclaration des droits.
Il y a aussi des conséquences économiques et sociales, qu’il s’agit d’envisager, non avec la passion d’un homme de parti, mais en historien.
Ces conséquences, qu’on appellera plus tard le socialisme, elles furent voilées bien plus longtemps que les conséquences politiques, et aujourd’hui encore, il n’y a qu’une minorité des Français qui aient déchiré ce voile, que la majorité tâche au contraire de fixer, d’épaissir, avec des sentiments de respect religieux et de terreur.
Qu’est-ce au juste que ce principe ou ce dogme de l’égalité, objet de l’article 1er de la Déclaration ?
Les rédacteurs de cet article ont-ils voulu dire que les hommes naissent aussi forts d’esprit et de corps les uns que les autres ? Cette niaiserie ne leur a été attribuée que plus tard, par de niais adversaires.
Ont-ils voulu dire qu’il est souhaitable que les institutions corrigent autant que possible les inégalités naturelles, c’est-à-dire tendent à ramener tous les hommes à un type moyen de force physique et intellectuelle ? Ce serait abaisser le niveau, comprimer l’évolution. Cela a été dit, demandé, mais plus tard, par d’autres.
Le sens évident de cet article, c’est qu’aux inégalités naturelles il n’est pas équitable que les institutions ajoutent des inégalités artificielles. Un homme naît plus vigoureux, plus intelligent qu’un autre. Est-il juste qu’il trouve en outre dans son berceau une somme d’argent ou une propriété foncière, qui double, triple sa force d’attaque et de défense dans le combat pour la vie ? Est-il juste qu’un homme né sot ou méchant hérite de moyens qui rendront sa bêtise ou sa méchanceté plus malfaisantes ? Est-il juste qu’il y ait, par le fait des lois, des riches de naissance, des pauvres de naissance ? Et l’article 2, en établissant le droit à la propriété, ne disait pas que les propriétés seraient inégalement réparties.
Ce bourgeois, c’est-à-dire cet homme qui recevait, à sa naissance, un privilège économique et un privilège politique, le peuple en 1792 le dépouillera de son privilège politique : ne serait-il pas logique de lui enlever aussi son privilège économique ?
Cela ne vint d’abord à l’idée de presque personne. C’est qu’une première révolution économique et sociale s’était opérée ou allait s’opérer par la destruction de la propriété féodale, par l’abolition du droit d’aînesse, par la vente des biens nationaux, par une moins injuste constitution et répartition de la propriété. L’ensemble des Français furent satisfaits de cette révolution, et ne virent pas au delà, parce que les plus criantes de leurs souffrances venaient d’être calmées.
C’est quand d’autres souffrances, issues de l’ordre de choses nouveau, se firent sentir, que l’on demanda à tirer les conséquences complètes de la Déclaration des droits. Et comme ce fut une minorité qui souffrit réellement, ouvriers des villes réduits à la misère par les conditions économiques qu’avait amenées la prolongation de la guerre, ce fut une minorité qui réclama, essaya de s’insurger, et cela aussi parce que la bourgeoisie, en l’an III, avait récupéré son privilège politique. Babeuf prêcha le communisme, et, ne représentant qu’une minorité, fut aisément vaincu.
Comment plus tard le développement du machinisme, le changement des rapports du capital et du travail amenèrent le mouvement appelé socialisme, qui n’a pas abouti, parce qu’il n’a pas eu l’assentiment de la masse de la nation, c’est ce qu’on n’a pas à dire en ce moment.
Ce que j’ai voulu montrer, c’est qu’on a tort d’opposer au socialisme les principes de 1789. C’est toujours cette erreur qui consiste à confondre la Déclaration des droits de 1789 avec la Constitution monarchique et bourgeoise de 1789. Oui, le socialisme est en contradiction violente avec le système social établi en 1789, mais il est la conséquence logique, extrême, dangereuse (si l’on veut), des principes de 1789, dont se réclamait Babeuf, le théoricien des égaux.
En tout cas, la République démocratique et sociale se trouve dans la Déclaration des droits, dont tous les principes n’ont pas encore été appliqués, et dont le programme d’avenir dépasse de beaucoup les bornes de l’existence de notre génération, et probablement des générations qui nous succéderont.
- ↑ D’après l’art. 25 du règlement général du 24 janvier 1789, étaient admis à ces assemblées « tous les habitants composant le Tiers état, nés Français ou naturalisés, âgés de vingt-cinq ans, domiciliés et compris au rôle des impositions, pour concourir à la rédaction des cahiers et à la nomination des députés ». À Paris, on sembla un peu plus préoccupé d’écarter les pauvres de l’exercice du droit de suffrage. Le règlement du 13 avril 1789 pour Paris ville porte (art. 13) que, pour être admis dans l’assemblée de son quartier, il faudra pouvoir justifier d’un titre d’office, de grades dans une faculté, d’une commission ou emploi, de lettres de maîtrise, ou enfin de sa quittance ou avertissement de capitation montant au moins à la somme de 6 livres en principal. Malgré cette restriction, d’ailleurs locale et exceptionnelle, nous ne croyons pas exagérer en disant que le Tiers état fut appelé presque tout entier aux assemblées de paroisse. Si, en fait, il arriva que beaucoup de Français du Tiers état ne comparurent pas, ne prirent pas part aux opérations électorales, ce ne fut point par la volonté du roi que ces défaillances se produisirent, ni même le plus souvent par la négligence des défaillants, mais à cause des vices de l’organisation administrative et judiciaire, et parce que, dans ce chaos de l’ancien régime, rien ne pouvait s’opérer régulièrement, uniformément. Quel qu’ait été le chiffre de ces abstentions, pour la plupart involontaires, on peut dire que ce fut une des consultations nationales les plus larges, les plus importantes, les plus imposantes qui aient eu lieu en France.
- ↑ Il faut remarquer que les Français du Tiers étaient tenus d’aller voter. Art. 24 du règlement : « Huitaine au plus tard après la notification et publication des lettres de convocation, tous les habitants composant le Tiers état des villes, ainsi que ceux des bourgs, paroisses et communautés de campagne, ayant un rôle séparé d’impositions, seront tenus de s’assembler dans la forme ci-après prescrite, à l’effet de rédiger le cahier de leurs plaintes et doléances, et de nommer des députés pour porter ledit cahier aux lieu et jour qui leur auront été indiqués par l’acte de notification et sommation qu’ils auront reçu. »
- ↑ Il en est de même des ouvriers des villes. Étienne Dumont, passant à Montreuil-sur-Mer au moment de l’assemblée de cette ville, se moque pédamment de l’inexpérience des habitants, mais voit dans ces assemblées des « prémices de démocratie ». (Souvenirs sur Mirabeau, publiés en 1832, mais rédigés en 1799, p. 31.)
- ↑ Voir mon étude sur le Programme royal aux élections de 1789, dans mes Études et leçons sur la Révolution française, première série, p. 41 à 54.
- ↑ Mallet du Pan, Mémoires, éd. Sayous, t. l, p. 136.
- ↑ Nous n’avons pas la liste de ces quatre-vingts.
- ↑ Voir dans mes Études et leçons sur la Révolution, première série, p. 37 à 70), l’article sur le serment du Jeu de Paume. Assurément les députés du Tiers état, au Jeu de Paume, ne songeaient pas à détruire la monarchie. Mais plus tard, quand les circonstances eurent amené cette destruction, on les regarda comme des précurseurs de la république. Dans le rapport qu’il fit à la Convention, le 7 brumaire an II, pour lui proposer d’acheter la maison du Jeu de Paume, Marie-Joseph Chénier dit qu’en faisant ce serment ces premiers mandataires du peuple « décrétaient de loin la république » (Moniteur, réimpression, t. XVIII, p. 284).
- ↑ Étienne Dumont (p. 96) signale l’influence qu’eut alors l’exemple des Parlements.
- ↑ Journal, p. 99.
- ↑ Mémoires, 1re éd., t. I, p. 313.
- ↑ Rapport de Mounier du 9 juillet 1789, p. 7 (relié dans le Procès-verbal, t. I) : « Nos commettants nous ont défendu d’accorder des subsides avant l’établissement de la constitution. Nous obéirons donc à la nation en nous occupant incessamment de cet important ouvrage. »
- ↑ J’en ai tracé brièvement le tableau dans le tome VIII de l’Histoire générale publiée sous la direction de MM. Lavisse et Rambaud.
- ↑ Il n’est même pas question de changer de roi. Si les bustes du duc d’Orléans sont promenés dans Paris à la veille de la prise de la Bastille, je ne vois pas qu’alors aucun motionnaire ait proposé de mettre ce prince sur le trône. En 1821, Chateaubriand écrivait dans ses Mémoires d’outre-tombe (éd. Biré. t. I, p. 269) qu’à Paris, le 14 juillet 1789, on criait : Vive Louis XVII ! Mais sa mémoire, si exacte qu’elle fût en général, ne l’a-t-elle pas trompé en ce cas ? Toujours est-il que son témoignage est unique, et qu’il ne semble parler que d’un cri presque isolé et sans écho. Voici ses expressions : « On criait : Vive Necker ! Vive le duc d’Orléans ! et parmi ces cris on en entendait un plus hardi et plus imprévu : Vive Louis XVII ! »
- ↑ Même ceux qui avaient conscience de la mauvaise volonté et des hésitations de Louis XVI espéraient alors changer son cœur à force d’amour, et croyaient y avoir réussi, comme le prouve la « joie générale » qui éclata dans l’Assemblée, quelques heures avant qu’elle rendît les fameux décrets du 4 août, quand elle entendit lecture de cette lettre du roi : « 4 août 1789. Je crois, Messieurs, répondre aux sentiments de confiance qui doivent régner entre nous, en vous faisant part directement de la manière dont je viens de remplir les places vacantes dans mon ministère. Je donne les sceaux à M. l’archevêque de Bordeaux ; la feuille des bénéfices à M. l’archevêque de Vienne, et le département de la guerre à M. de La Tour-du-Pin Paulin, et j’appelle dans mon conseil M. le maréchal de Bauveau. Les choix que je fais dans votre Assemblée même vous annoncent le désir que j’ai d’entretenir avec elle la plus confiante et la plus amicale harmonie. Signé : Louis. » (Point du Jour, t. II, p. 23-24)
- ↑ La rédaction de ce décret fut légèrement modifiée le 13 août, mais sans qu’on en altérât le sens ni la portée. — Il reçut la plus grande publicité : l’Assemblée chargea les curés de le faire connaître à leurs paroissiens, et d’en assurer l’exécution par leurs discours et leur zèle.
- ↑ Voir plus haut, p. 23. Sur les préoccupations américaines à ce moment-là, voir aussi le Point du Jour, t. II, p. 9 et 15.
- ↑ Correspondance, éd. Fr. Mège, t. II, p.214.
- ↑ Point du Jour, t. II, p. 20.
- ↑ Courrier de Provence, no XXII, p. 12.
- ↑ Point du Jour, t. II, p. 4.
- ↑ Courrier de Provence, no XXII, p. 22.
- ↑ Au fond, c’est l’opinion de Mirabeau, et cependant son journal fait chorus avec les partisans d’une Déclaration.
- ↑ Lucas-Montigny, Mémoires de Mirabeau, éd. de Bruxelles, t. IX, p. 66, attribue ce propos à Mounier.
- ↑ Si on veut connaitre l’opinion de ceux des adversaires de la Déclaration qui ne faisaient pas partie de l’Assemblée, il faut lire l’article de Rivarol, dans le Journal politique national du 2 août 1789 : « … Malheur à ceux qui remuent le fond d’une nation ! Il n’est point de siècle de lumière pour la populace : elle n’est ni française, ni anglaise, ni espagnole : la populace est toujours et en tout pays la même, toujours cannibale, toujours anthropophage ! » « Vous allez en ce moment donner des lois fixes et une constitution éternelle à une grande nation, et vous voulez que cette constitution soit précédée d’une Déclaration pure et simple des droits de l’homme. Législateurs, fondateurs d’un nouvel ordre de choses, vous voulez faire marcher devant vous cette métaphysique que les anciens législateurs ont toujours eu la sagesse de cacher dans les fondements de leurs édifices. Ah ! ne soyez pas plus savants que la nature ! Si vous voulez qu’un grand peuple jouisse de l’ombrage et se nourrisse des fruits de l’arbre que vous plantez, ne laissez pas ses racines à découvert. Craignez que des hommes, auxquels vous n’avez parlé que de leurs droits et jamais de leurs devoirs, que des hommes qui n’ont plus à redouter l’autorité royale, qui n’entendent rien aux opérations législatives d’une Assemblée nationale, et qui en ont conçu des espérances exagérées, ne veuillent passer de l’égalité naturelle à l’égalité sociale, de la haine des rangs à celle des pouvoirs, et que, de leurs mains rougies du sang des nobles, ils ne veuillent aussi massacrer leurs magistrats. » — Il faut remarquer que Rivarol ne conteste pas absolument la vérité des principes dont il redoute l’application.
- ↑ Point du Jour, t.II. p. 178.
- ↑ Ibid., t. II, p. 180, 183, 186.
- ↑ Ibid., p. 195.
- ↑ Barère dit (Point du Jour, t. II, p. 191) : « Pour apprécier les travaux de l’Assemblée nationale, il suffira de comparer cette première rédaction avec celle qui est sortie du choc des opinions. » Il faut lire toute la discussion sur cet objet dans le même journal, p. 191 à 195. On y voit que « MM. Target, de Bonnay et du Port, ayant formé une espèce de coalition, ont concouru à rédiger ensemble les trois articles essentiels qu’on a substitués à l’article 14 du projet ». Je ne vois que deux articles du 6e bureau qui aient été adoptés textuellement, à savoir les articles 12 et 16 (qui dans le projet portaient les numéros 20 et 24). L’article 11 (sur la liberté de la presse) fut l’œuvre personnelle et improvisée du duc de La Rochefoucauld (Point du Jour t. II, p. 209.)
- ↑ Il n’était pas question de l’Être suprême dans le projet présenté par Mirabeau au nom de la Commission des Cinq.
- ↑ Voir les comptes rendus de Barère et de Le Hodey.
- ↑ Courrier de Provence, no XXXIV.
- ↑ Par exemple, le 13 avril 1790, jour où elle écarta une motion de Dom Gerle analogue à celle de l’abbé d’Eymar
- ↑ Point du Jour, t. II, p. 199.
- ↑ Mirabeau peint par lui-même, t. I, p.237
- ↑ Cet article se termine (Courrier de Provence, no XXXI, p. 48) par un éloge de « la secte protestante, secte paisible par essence, favorable à la raison humaine et à la richesse des nations, amie de la liberté civile, dont le clergé n’a point de chef et forme un corps de citoyens, d’officiers de morale stipendiés par l’État, occupés de l’éducation de la jeunesse, et intéressés, par l’esprit même de famille, au maintien des mœurs et à la prospérité de la chose publique ». Voir aussi, à propos de l’article 10, les Révolutions de Paris, no VIII, p. 2 et 3.
- ↑ C’est ainsi que s’exprima jadis M. Saint-René Taillandier dans son livre, Les Renégats de 1789, souvenirs du cours d’éloquence française à la Sorbonne, 1877, in-8.