Histoire financière de la France/Chapitre X

CHAPITRE X.


Règnes de Henri II, de François II, de Charles IX et de Henri III.


SOMMAIRE.


Révoltes à l’occasion des droits sur le sel. - Provinces rédimées de gabelle. - Rachat de Boulogne aux Anglais. - Lit de justice. - Création d’office de finances, de présidiaux, et remontrances intéressées du parlement. - Imposition sur les églises. - Table de marbre et officiers forestiers. - Comptables alternatifs. - Naissance de la cour des aides. - Abus dans l’assiette, la répartition et le recouvrement des tailles. - Institution et attributions des commissaires départis. — Bureaux de finances. — Emprunts multipliés. - Règlements et tarifs concernant les douanes. — Prise de Saint-Quentin par les Espagnols. - Pénurie du trésor et épuisement des peuples. - Assemblée de notables en 1558. - Calais repris sur les Anglais. — Subside accordé. - Paix, et réunion à la France des pays de Metz, Toul et Verdun. - Situation des finances à la mort de Henri II. — Résultats d'une administration sans contrôle opposés à l’avantage des prérogatives conservées dans les pays d’états. - Gouvernement des Guises. - États-généraux et ordonnance d’Orléans en 1560. — Assemblée de Pontoise, et traité pour le remboursement de la dette par le clergé. - Droit à l’entrée des villes, sur les boissons, accordé pour cinq années. - Vente des domaines du clergé et spoliation des églises. - Subvention sur le capital des procès. - Cinquième denier des épices. — Guerres civiles. - Composition avec les financiers. - Prodigalités. - Premiers états et ordonnance de Blois en 1576. - Paix des financiers. - Ferme générale des gabelles. - Jurandes et maîtrises. - Annuel des marchands. — Marc d’or. - Abus des édits bursaux enregistrés en lit de justice. - Déprédations, violence, trafic des emplois. - Satisfactions tardives. - Mécontentement général, et coalitions favorables aux projets des chefs de la ligue. — Derniers états de Blois en 1588. — Protestation des financiers contre une délibération des états. - Continuation des excès en tous genres.


1547.- Une révolte marque le commencement du règne de Henri II. Elle eut pour cause les droits sur le sel, et se manifeste dans les lieux qui avaient été le théâtre de la précédente. En Saintonge, le peuple, irrité des rigueurs de la perception et du luxe des exacteurs, massacre les officiers des greniers à sel. La rébellion gagna les provinces voisines ; les paysans, la populace des villes s'armèrent, et, dans leur fureur, ces troupes se livraient à tous les excès. A Bordeaux, la garnison du château Trompette fut repoussée; le commandant tué; et ses meurtriers, insultant à son corps, remplirent de sels ses blessures, pour témoigner que l’impôt sur cette denrée était la cause de la révolte. Tout cependant rentra dans l’ordre d’après une promesse envoyée par le roi de faire justice des concussions commises. Déjà les chefs de la sédition avaient été jugés et punis, lorsqu’une armée vint à Bordeaux donner le signal de nouvelles exécutions, qui furent marquées par des cruautés et terminées par de fortes amendes[1].

1549.- Lorsque les troubles eurent été entièrement apaisés, les trois états des provinces qui en avaient été le théâtre proposèrent de se racheter de la gabelle établie par François Ier, sous la condition de rembourser la finance des officiers des greniers qui devraient être supprimés, et de donner au roi quatre cent mille livres une fois payées. Ces offres ayant été acceptées, les trois ordres des provinces contractantes firent entre eux la répartition de la somme : elle servit à payer en partie le rachat de Boulogne, que, par un nouvel accord, les Anglais vendirent moyennant quatre cent mille écus d’or(1550). Il n’exista plus dans ces mêmes pays que d’anciens droits de quart et demi-quart, quint et demi-quínt, dont les états prirent la ferme au prix de quatre-vingt mille livres par an, et trois ans après pour cent mille livres. Au commencement de ce dernier bail, le gouvernement, pressé par le besoin d’argent qu’exigeaient les préparatifs de la guerre qui s’était rallumée en Italie et du côté de l’Allemagne contre Charles-Quint, fit proposer aux états de ces mêmes provinces de racheter l’impôt existant encore sur le sel, à raison du denier douze du produit de la ferme qui en subsistait alors. Le marché fut conclu d’après cette base ; et, moyennant un million cent quatre-vingt quatorze mille livres, une grande partie de la France fut déclarée exempte à perpétuité de la gabelle et de ses suppôts, plus incommodes encore que les droits[2]. Les pays qui participèrent à ce traité ont été connus depuis sous le nom de provinces rédimées[3].

Cette opération était, sans contredit, la plus funeste que pût conseiller à l’autorité royale l’impéritie des hommes qui administraient les finances. S’ils eussent réfléchi qu’en aliénant pour un capital modique un revenu aussi certain que celui qui repose sur la consommation du sel, ils dévoraient à l’avance la ressource des règnes futurs, peut-être eussent-ils hésité à vendre à huit grandes provinces l'affranchissement d’un droit dont la privation pour le fisc devait accroître les charges du reste de la nation. Mais ces considérations ne durent pas même se présenter à l’esprit de ministres dévoués voués aux caprices d’une maîtresse toute-puissante, et qui s’enrichissaient, aussi bien que les favoris, du désordre des finances.

Dans les pays qui restaient soumis à la gabelle, on commit encore la faute d’abandonner le mode, conservé par François Ier, de faire percevoir les droits par les officiers du roi, pour y substituer l’usage plus dispendieux dieux des intermédiaires connus- sous le nom de traitants. Chaque grenier à sel fut adjugé pour dix années à des fermiers particuliers; et l’on traita séparément du produit des droits et de l’approvisionnement à un prix déterminé. Depuis cette époque, le commerce du sel cessa d’être libre dans ces provinces ; et le prix de la denrée s’éleva successivement par des augmentations qui n’étaient plus établies pour le trésor, mais dont la perception et le produit étaient attribués, comme prix de la finance, aux grenetiers, contrôleurs, procureurs, avocats, greffiers, receveurs, regrattiers et sergents, qui, sous prétexte d’entretenir la police dans les greniers royaux et d’assurer la rentrée des droits, furent créés et érigés en titre d'office, tant sous le règne de Henri II que du temps de ses trois fils[4].


1552.- Sous le premier de ces princes, le fisc exploita abondamment et étendit même la nouvelle branche d’industrie que François Ier avait trouvée dans la vente des charges de judicature et des emplois de la finance. Au moment de partir pour l'armée qu’il conduisait au secours de l'état germanique, dont il avait été déclaré le protecteur contre Charles-Quint, Henri II tint un lit de justice; Après avoir annoncé au parlement les motifs de la guerre, et parlé de l’élévation que les circonstances forçaient d’apporter aux impôts, le roi ajouta : « Si vous jugez à propos de faire des représentations sur l’enregistrement de mes édite, vous les adresserez à la reine et à son conseil : les remontrances seront faites sur-le-champ, par écrit. Si le conseil insiste, vous n’attendrez pas une première et une seconde jussion, comme il vous est arrivé quelquefois; fois ; mais vous enregistrerez aussitôt, attendu que nos vouloirs et intentions ne sont que bons, justes et raisonnables. » Le premier président, organe de la compagnie, déclara qu’elle satisferait promptement à tous les ordres qui lui seraient adressés. « Et vous trouverez, sire, ajouta-t-il, vos très humbles et très obéissants sujets immuables et perpétuels. »

Aussitôt après le départ du roi parurent les édits portant création d’une multitude de charges, entre autres d’un président et de conseillers en la cour des monnaies, qui fut rendue souveraine pour le civil et pour le criminel; d'une seconde chambre des généraux des aides; de maîtres et d’auditeurs des comptes; d’offices d’huissiers, d’audienciers, de contrôleurs de la chancellerie; enfin l’institution, auprès de chaque bailliage, d'un tribunal, sous le nom de présidial, composé de neuf magistrats. Ils devaient prononcer, par appel et en dernier ressort, dans les jugements rendus dans les bailliages pour les causes qui n’excédaient pas deux cent cinquante livres en capital, ou vingt livres de rente[5].

Toutes ces charges devaient se vendre, et leur prix était destiné à remplir momentanément le trésor; mais comme plusieurs des créations, notamment celle des présidiaux, portaient atteinte à la juridiction des chambres du parlement, ceux qui s’étaient déclarés naguère les très obéissants, immuables et, perpétuels sujets, refusèrent d’abord l’enregistrement des édits. Ils insistèrent; on les menaça; et, rendus plus dociles, ils employèrent pour l’enregistrement la formule introduite sous le règne de François Ier.

Dans le même lit de justice le clergé s’était engagé à payer trois millions en six mois. La somme fut répartie par forme d’imposition sur tous les clochers du royaume, à raison de vingt livres par église; mais comme, par ce moyen, les trois millions ne pouvaient être complétés assez promptement au gré des ministres, on reçut à la monnaie les vases précieux des églises, genre de spoliation qui jeta de grands mécontentements. Le clergé avait été déterminé à ce sacrifice par l’espoir d’obtenir le rétablissement de la juridiction ecclésiastique, que François Ier avait restreinte. Le parlement persista dans le refus d’enregistrer l’édit qui devait rendre au clergé une juridiction indépendante; et le conseil, satisfait d’avoir obtenu la somme promise, non seulement n’insista plus sur cet objet, mais il maintint l’imposition de vingt livres par clocher, qui produisit dix millions en plusieurs années[6].


1554.- Plusieurs fois encore dans la suite de ce règne, de nouveaux offices furent créés. Chaque receveur général eut près de lui un contrôleur chargé de vérifier toutes ses opérations. On érigea pareillement sous le titre d’offices royaux les commissions d’huissiers-priseurs, la profession de vendeur de vin, celle de jaugeur; et, pour de l’argent, jusqu’aux mesureurs de charbon obtinrent la même faveur. On augmenta de deux magistrats les nouveaux présidiaux. Chacun de ces tribunaux eut un receveur et payeur des gages, puis un chancelier. Il n'existait, jusque là, pour tout le royaume, qu’un seul tribunal, connu sous le nom de table de marbre, ayant l’inspection et la police des eaux et forêts : on en établit un composé de treize offices à prix fixe dans le ressort de chacun des parlements. Des offices de gardes, gruyers, arpenteurs, furent aussi créés en nombre illimité. En même temps, et sous prétexte d’extension donnée à des magistratures déjà existantes, on éleva la finance des anciens pourvus, et il leur fut enjoint, à peine de confiscation, de lever, sous deux mois, de nouvelles provisions, qui ne devaient être expédiées qu’après le paiement du supplément exigé. A ce supplément était attachée une augmentation de gages. Henri II porta ceux des membres du parlement à huit cents livres par an, « avec défense de ne toucher delà en avant espices des parties : ce qui fut l’une des plus grandes mutations et traverses que receut jamais cette cour. » Mais la défense fut mal observée, et dans tous les tribunaux les épices s'élevèrent en proportion du prix des charges[7].

Une invention non moins funeste fut celle du doublement de tous les comptables de la maison du roi, de la guerre et des finances, par la création, dans chaque emploi, de deux officiers alternatif, dont l’un gérait pendant les années paires et l’autre pendant les années impaires. On crut justifier cette innovation en alléguant que les subterfuges et les fautes qui se commettaient dans le maniement des deniers publics seraient plus facilement connus, parce que les comptables alternatifs, pouvant suivre la rentrée des termes arriérés de l’impôt, n’auraient plus de prétexte pour différer la formation et la remise de leurs comptes, et devraient en solder le reliquat avant de rentrer leu exercice. Un tel aveu décelait l’impuissance de l'administration et l’inutilité des contrôleurs qu’elle avait établis récemment; mais il couvrait le motif réel qui dirigeait les membres du conseil, les favoris et la maîtresse tous également avides, celui d’obtenir de l'argent par tous les moyens qui s’offraient à l’imagination des traitants. Ce but fut rempli; mais les nouveaux comptables ne se montrèrent ni plus exacts ni plus fidèles que, les anciens. Leur création, indépendamment de ce qu’elle grevait l’état d’un fort accroissement de dépenses, avait des inconvénients beaucoup plus graves sous le rapport du recouvrement. Elle condamnait le retardataire à supporter les frais des doubles poursuites que devaient faire diriger simultanément deux receveurs, l'un afin d’obtenir le paiement des termes arriérés, l'autre pour assurer la rentrée des impositions courantes; ou, s’ils étaient dans l’impuissance de se libérer immédiatement, les taillables avaient à satisfaire doublement aux rançons que les sergents tiraient d’eux pour leur accorder quelque délai. Ces considérations furent inaperçues par le gouvernement[8].

On a vu que les généraux des aides avaient été institués pour aller diriger l’assiette, surveiller le recouvrement et l’emploi des impôts dans les provinces. Depuis qu’en raison de la multiplicité et de l’élévation des tributs, la perception en était devenue plus difficile, ces officiers, érigés en une chambre ou cour qui prononçait en dernier ressort sur les questions contentieuses en matière d’impositions, restaient habituellement à Paris. A différentes époques, sous la troisième race, et à l’imitation des envoyés royaux, qui, du temps des rois carolingiens, formaient une institution durable, des commissaires enquêteurs, investis de grands pouvoirs, avaient parcouru les provinces, à l’effet de surveiller la gestion des financiers ou même de punir ceux qui étaient reconnus coupables. Mais ces missions temporaires, espèce de satisfaction donnée aux peuples dans des conjonctures difficiles, n’avaient lieu que rarement. Plus tard, à l’organisation faite par François Ier, les attributions des trésoriers de France, bornées d’abord à l’administration des domaines royaux, s’étendirent à toutes les branches du service financier. Cette institution, bien dirigée, pouvait être utile à l’état ainsi qu’aux provinces. Mais les trésoriers de France abusaient de l’indépendance que leur assurait l’espèce l’inamovibilité qui résultait de la propriété d’offices achetés. Constamment éloignés de leur résidence, aussi inexacts à faire leurs chevauchées, nonobstant les ordres réitérés du conseil, et négligeant l’exercice de la surveillance qui leurs était attribuée tant à l’égard des comptables que sur les travaux des élus, ils laissaient naître et se propager les abus et les malversations de tous genres, dont le trésor éprouvait les conséquences non moins que les redevables. Le gouvernement sentit que des fonctionnaires investis d’une certaine autorité, mais qui seraient simplement commissionnés, et par conséquent révocables à volonté, auraient plus de zèle à servir le pouvoir duquel dépendrait leur existence, et qu’ils imprimeraient une marche plus assurée aux opérations fiscales. Dans cette vue on institua des commissaires départis pour l’exécution des ordres du roi, qui devaient faire des chevauchées. Henri II en créa dix-sept, nombre égal à celui des généralités alors existantes. Les attributions de ces administrateurs étaient de veiller à l’entretien et à la sûreté des grandes routes, de diriger les autres travaux publics, de proposer les règlements les plus convenables sur chaque matière. Plus particulièrement destinés, dans l’origine, à assurer l’exécution des édits bursaux, ils devaient faire asseoir avec équité les tailles sur les paroisses, en suivre la juste répartition entre les taillables, et surveiller la rentrée au trésor du produit des impositions. On verra plus tard leurs pouvoirs prendre une grande extension.

L’institution des commissaires départis rendait inutiles les trésoriers de France, et devait procurer la réforme entière ou du moins la réduction de ces emplois. Sous le règne de Henri III, au contraire, on en porta le nombre à cinq par généralité; dans la suite, et toujours par l’effet du système de vénalité, ce nombre fut quadruplé. Alors les trésoriers de France formèrent dans chaque province un bureau de finances auprès de l’intendant.

Le règne de Henri II ne fut qu’une suite non interrompue d’emprunts, tous au denier douze; les uns ouverts au nom de la ville de Paris, moyennant de nouveaux droits sur les vins ; les autres négociés en foire de Lyon, avec hypothèque sur les recettes générales de Riom, de Toulouse, de Montpellier et de Lyon ; d’autres encore obtenus par l’aliénation du produit des domaines, des aides et des gabelles. Enfin le roi emprunta en son nom ; et, ce qui ne donne pas une idée bien avantageuse des dispositions des prêteurs, il fut défendu aux particuliers de créer des rentes sur eux par emprunt, jusqu’à ce que celui du roi eût été rempli.


1556.- On a vu précédemment que les marchandises exportées soit à destination de l’étranger, soit pour les provinces de France réputées étrangères, étaient soumises à trois sortes de droits : celui de rêve, celui d'imposition foraine, et, celui de haut passage ; mais ce dernier ne portait que sur certains objets de commerce. Sous Henri II, en révoquant tous les privilèges d’exception, on substitua aux droits de rêve et de haut passage un seul impôt, sous la dénomination de domaine forain. Les taxes, moins élevées que les précédentes, devenaient cependant beaucoup plus onéreuses pour le commerce et pour l’agriculture, en ce qu’elles atteignaient tous les articles exempts jusque là du droit de haut passage. Par suite de représentations que firent plusieurs provinces, les droits y furent remis sur l’ancien pied.

Dans le même temps, le nombre des bureaux de perception et des officiers de la douane éprouva, une forte augmentation. Un règlement très détaillé fixa les termes des déclarations à faire par les marchands, la formule du serment qu’ils devaient prêter sur l’Évangile ; prescrivit le mode de transcription de ces déclarations sur les registres ; détermine les formalités à observer dans la délivrance des expéditions de sortie, des acquits-à-caution, et pour la libération des soumissionnaires de ces engagements; régla la manière de procéder dans la visite, le pesage, le plombage des marchandises, dans la liquidation et l’enregistrement des droits; et établit les bases de la répartition, entre les officiers, du produit des confiscations encourues par les marchands auraient tenté de se soustraire au paiement des droits[9].

Le régime des douanes, comme on voit, recevait des améliorations sensibles en ce qui tendait à élever le produit, en assurant une plus exacte perception des taxes, mais il conservait sous les autres rapports les vices et les imperfections qui avaient marqué son origine; et la majeure partie du produit provenait des droits qui frappaient à leur sortie sur les marchandises et les denrées du sol français. Charles VIII, Louis XII et François Ier avaient, il est vrai, soumis à certains droits les épiceries, les drogueries, les draps et les étoiles d’or, d’argent ou de soie, qui ne devaient être introduites que par un petit nombre de ports ou de bureaux de terre. Mais des privilèges accordés à la faveur ou à l’importunité, ainsi que la contrebande, facile sur des frontières mal gardées, rendaient ces règlements illusoires; et les ordres donnés par Charles IX, pour faire rechercher et saisir dans l’intérieur du royaume les étoffes étrangères qui ne seraient pas revêtues d’une estampille constatant le paiement des droits, n’avaient eu qu’un effet momentané, comme l’exécution de la mesure. La plupart des riches tissus de Gênes, dont les habitudes du luxe augmentaient la consommation, arrivaient librement dans le royaume. Quelques provinces cependant, notamment le Languedoc, repoussaient par des taxés les importations de l’étranger; nais il n’existait pas de mesure générale à cet égard. ce fut seulement du temps de Henri II que l’embarras du trésor indiqua comme une ressource ce qui devait être adopté plus tard comme un moyen de protection pour l’agriculture et pour l’industrie. Sous le règne de ce prince toutes les marchandises, denrées et matières premières venant soit d’Europe, soit des autres parties du monde, furent frappées indistinctement d’un droit uniforme de deux éous par quintal, et de quatre pour cent de leur valeur tarifée, indépendamment des taxes particulières à chaque localité. Les provinces françaises qui étaient considérées comme étrangères durent supporter les nouveaux droits : car le fisc ne négligeait aucune occasion de faire payer eux habitants de ces provinces la résistance que leurs ancêtres avaient opposée, deux siècles auparavant, à l’établissement de l’aide demandée par le roi Jean[10].

De nouveaux tarifs, publiés sous le règne de Henri III, élevèrent les droits tant à l’importation qu’à la sortie, par une appréciation des marchandises de beaucoup supérieure à la première. Précédemment ce même prince avait déclaré que la faculté de permettre la traite et le transport des marchandises hors du royaume était un droit royal et domanial : conséquence, indépendamment des taxes déjà existantes, il avait imposé sur les grains, les vins, les légumes, le pastel, les tissus de laine et de lin, un nouveau droit de sortie qu’il nomma traite domaniale. Cet impôt impolitique, étendu depuis à toutes les autres marchandises et denrées, ajouta à la bigarrure des tarifs de douane, et fournit un nouveau moyen de confusion et d’abus dans la perception[11].

Par une autre, application du même principe et de la prérogative qui en résultait pour la couronne, Henri II avait déjà réuni au domaine -différents droits qui avant son règne, avaient été établis ou perçus au profit de villes ou des provinces. De ce nombre étaient les droits connus sous les noms de grande et de petite coutume de Bordeaux, d’octroi de Lyon et de trépas de Loire[12].


1557-1558.- Si l’ordre et l’économie eussent présidé à l’administration des finances, le produit de tant d’expédients aurait dû suffire pour soutenir les frais d’une guerre que l’ambition et la haine de Charles-Quint entretenaient; mais, dans une cour divisée en plusieurs factions religieuses et politiques, les favoris et les maîtresses abusaient de leur influence pour satisfaire une cupidité insatiable; et le trésor, toujours obéré, ne pouvait fournir aux dépenses urgentes de l’état. Les impôts, plusieurs fois augmentés, ne pouvaient plus l’être davantage, on en pressa le recouvrement, et la rigueur de la perception les rendit plus onéreux encore. Au fardeau des taxes exigées par le fisc, des droits ecclésiastiques et seignauriaux, aux malheurs inséparables d’une guerre dont la France était le théâtre, se joignit la cherté des vivres, devenus rares à la suite d’une année de sécheresse. De tous côtés s’élevaient les murmures et les plaintes des peuples, réduits à la misère, tandis qu’une cour indifférente se livrait aux plaisirs et aux fêtes. Cependant la perte de la bataille de Saint-Quentin et la prise de cette ville par l’armée de Philippe II commandèrent de nouveaux efforts. Il fallait de l’argent ; on ne pouvait espérer d’en obtenir que du consentement de la nation. Convoquer la réunion des états-généraux n’était pas sans danger après une administration aussi prodigue de la fortune publique : on se borna à former une assemblée de notables, qui n’eut des états-généraux que le nom, et dura seulement huit jours. Les membres du parlement se trouvaient en grand nombre à cette réunion ; ils obtinrent du roi de former un quatrième ordre sous le nom d’état de la justice, qui eut rang immédiatement après la noblesse, et avant le tiers-état. Sur ces entrefaites, la ville de Calais fut reprise sur les Anglais, qui la possédaient depuis deux cents ans. La satisfaction que causa cette conquête dispose la nation à de nouveaux sacrifices. Le roi ayant insinué à l’assemblée qu’il avait besoin de trois millions d’écus d’or au moins, la noblesse, les magistrats, offrirent leurs biens et leur vie ; le clergé, plus positif dans ses offres, s’engagea à payer un million d’ecus à titre de pur don et non compris les décimes ; les deux millions restants devinrent le partage du tiers-état. Ceux qui avaient été désignés pour représenter cet ordre annoncèrent que, si la somme qu’ils votaient ne suffisait pas aux besoins, le roi pouvait les rassembler, et qu’ils fourniraient un nouveau secours[13].

Le mode de recouvrement des deux millions d’écus accordés au nom du tiers-état fut aussi simple que la délibération avait été prompte. On divisa cette somme entre les hôtels-de-ville du royaume, en chargeant leurs officiers d’en faire la répartition à titre d’emprunt, suivant les facultés connues de chacun. Cette forme devint même profitable au fisc; car, les possesseurs de charges et d’offices d’où résultait l’immunité des impôts ayant invoqué leurs privilèges; le conseil vendit chèrement des exemptions dont les riches profitèrent; les moins aisés furent seuls taxés : de sorte que l’emprunt prétendu porta, mais inégalement, sur toutes les fortunes du troisième ordre.


1559.- Enfin, un traité conclu au Cateau-Cambrésis rendit là paix au royaume, qui s’agrandit des pays de Metz, Toul et Verdun. Trois mois après, une mort funeste frappa Henri II. Ce prince laissait une dette exigible de dix-sept millions, et cinq cent quarante-trois mille livres de rentes constituées sur les villes, y compris l’intérêt des emprunts hypothéqués sur les revenus. Jamais jusque alors les impôts n’avaient été si multipliés, si onéreux ni aussi variés. Cependant la somme disponible pour l’épargne n’était que de douze millions, c’est-à-dire, inférieure de quatre millions au montant des tailles sous François Ier. Cet affaiblissement du revenu public explique par l’aliénation à vil prix du domaine, des aides, des tailles et des gabelles; par les bénéfices énormes que faisiaent les traitsnts à qui les droits étaient affermés, et par l’affectation d’une partie des revenus au paiement des charges. On désignait ainsi les rentes et les gages qui s’acquittaient par prélèvement sur le produit brut des impôts; car, du moment où le gouvernement s’était réduit à la condition d’emprunteur, il avait dû offrir à ses créanciers un gage de sa fidélité à servir la rente du capital prêté.

Il n’est pas inutile de s’arrêter à ces funestes résultats d’une administration dont les opérations n’étaient soumises à aucun contrôle.

Les successeurs de Charles VII avaient trouvé l’autorité royale soutenue par des troupes réglées indépendantes du caprice des grands vassaux, et dont ils disposaient à leur volonté. Les conseillers de la couronne oublièrent que cette force militaire n’avait été créée et n’était entretenue au moyen d’impôts rendus permanents, qu’à l’effet de protéger le territoire, d’assurer le maintien de l’ordre intérieur, et de pourvoir à la défense des droits légitimes du trône. Ils persuadèrent aisément à des rois animés par l’amour de le gloire qu’ils pouvaient se livrer à des entreprises contre les puissances étrangères, pour satisfaire des intérêts personnels. De là ces longues et funestes guerres d’Italie, qui eurent pour premier motif la conquête du royaume de Naples, entreprise fondée sur des droits que n’avait pu établir ce même duc d’Anjou que l’ambition avait porté à se rendre le spoliateur des trésors amassés par Charles V; de là cette lutte sanglante commencée per François Ier et Charles-Quint, prolongée sous leurs fils, et dont l’origine fut dans les prétentions que le premier de ces princes éleva à la couronne impériale, à une époque où Charles ne pouvait encore être accusé de l’ambitieux projet d’une monarchie universelle ; de là aussi l’accroissement rapide et disproportionné des impôts publics ; sans atténuation des tributs que prélevaient l’Église et les seigneurs ; de là les emprunts, la vénalité et la création démesurée des offices, les attributions de gages, l’exemption des impôts, privilège réservé uniquement dans l’origine de la noblesse guerrière ; enfin, l’aliénation des revenus de l’état, et les autres opérations bursales, qui, ajoutant indirectement aux charges existantes, condamnaient les générations futures à supporter la peine des erreurs de l’administration. Ces erreurs cependant n’eussent pas été commises, si le pouvoir d’imposer, vers lequel marchait la royauté, eût été balancé par un contre-poids dans l’ordre politique. Les états-généraux offraient ce contre-poids ; mais précisément pendant cette même période s’était affermi l’usage de ne plus consulter ces assemblées générales des trois ordres de la nation, au sujet des tributs qu’on exigeait d’elle.

Ce qui n’est pas moins digne d’observation, c’est que, dans le même temps encore, le droit précieux de concourir à la discussion et au consentement des impôts se consolidait dans les parties du royaume qui l’avaient acquis par des exceptions résultant moins de la volonté des rois que d’obligations dictées par des circonstances dont il a été rendu compte. Ces provinces ne négligèrent pas le tenue de leurs états particuliers. Ces assemblées, auxquelles participaient les trois ordres, non seulement se maintinrent dans l’exercice d’une surveillance utile aux contribuables sur la répartition et le recouvrement ses impôts, mais elles résistèrent aux innovations qui portaient atteinte à leurs privilèges. Dans le Languedoc, au moment où François Iermultiplia pour les vendre les places de finances, les états s’opposèrent à l’établissement des élus royaux. Plus tard, dans cette même province et en Bretagne, lorsque la somme demandée par la couronne excédait la proportion ordinaire, les députés élevaient leurs représentations jusqu’au trône, et on les vit plusieurs fois apporter des réductions aux demandes qui leur étaient faites.

Dans les pays d’états ; chaque année des commissaires envoyés par le roi annonçaient à la province la somme pour laquelle elle devait contribuer aux dépenses générales ; et, dans la délibération prise par les trois ordres, il était stipulé qu’ils « octroyaient et accordaient libéralement ladite somme au roi leur prince et seigneur, et sans conséquence. » Cette formule, et la réserve qu’elle contenait pour l’avenir, annoncent à la fois que les états-provinciaux n’avaient pas la prétention de faire, dans la contribution accordée, un don purement libre et volontaire ; mais qu’en reconnaissant, dans l’établissement dés impôts, l’obligation de concourir à la défense du pays et au maintien du gouvernement, la province possédait la liberté d’examiner et de discuter ce qui lui était demandé, et l’avantage de stipuler, en l’accordant, le maintien de ses privilèges et des formes de son ancienne administration.

La population des pays d’états retirait de nombreux avantages de cette forme protectrice. Dans ces provinces, éclairées par la continuelle discussion des affaires, les exemptions d’impôts se réduisaient à un petit nombre de privilégiés ; la taille personnelle, toujours injuste, parce qu'elle était arbitraire, y était inconnue à la taille sur les biens, assise d'après un compoíx terrier ou cadastre, établi et rectifié aux frais et par les soins des intéressés, était plus également répartie; et la facilité de la perception épargnait les rigueurs des poursuites. Des droits sur certains objets de consommation, indiqués par les états et autorisés par les rois, procuraient les fonds nécessaires pour l’acquittement, des sommes dues au trésor, soit à titre d’abonnement pour les impôts ordinaires, soit, dans les besoins extraordinaires, comme don gratuit accordé au souverain. L’excédant était réservé pour les besoins particulier de la province. Dans ces dons gratuits, plusieurs historiens ont cru reconnaître une tradition des dons et euloges que la noblesse et le peuple faisaient tous les ans au roi sous les deux premières races.

L'autorité des commissaires départis, qui devint si étendue dans les provinces appelées improprement pays d’élection, était très restreinte dans les pays d’états; ces magistrats y veillaient uniquement pour le prince. Le contentieux seul des impôts était étranger aux attributions des assemblées d’états, par le motif qu’au roi seul appartient de faire rendre la justice à ses sujets : mais ici, du moins, les tribunaux ordinaires prononçaient dans les causes de cette nature. Dans les autres parties du royaume, au contraire, les contribuables étaient distraits de leurs juges naturels et soumis comme on l’a vu à lai juridiction spéciale des officiers d’élection.

Ainsi, de cette représentation unique et centrale des différents ordres de l’état réunis à des époques périodiques, pour délibérer sur les besoins généraux pays et sur les moyens d'y pourvoir avec économie pour les peuples; de cette institution primitive des anciens temps de la monarchie, que le commencement du XIVe siècle avait vu renaître, íl ne restait plus que quelques vestiges qu’un petit nombres de provinces avaient conservés ou reconquis pour ainsi dire. Mais ces assemblées, isolées et sans rapport entre elles, ne protégeaient contre l'exigence du gouvernement que les lieux de leur existence. Le reste du royaume, privé d’un pareil appui, voyait augmenter sous chaque règne le nombre et le poids des impôts, depuis que la sagesse, le modération et l’économie, inspirées par le sollicitude pour les Français, et récompensées par leur amour, avaient disparu du trône avec Louis XII.

Les désordres, les dettes qu’une administration inconsidérée avait introduits en adoptant la vénalité des offices et les emprunte comme ressources habituelles du trésor, s'accumulèrent avec une rapidité sans exemple pendant les règnes orageux des trois fils de Henri II. Un coup d’œil sur l’état des finances, et sur le sort des peuples, durant cette période sanglante de notre histoire, fera mieux apprécier l'étendue des bienfaits du ce monarque, digne héritier de Saint-Louis, qui sut éteindre le flambeau des guerres civiles, rendre aux lois et à la justice leur cours si long-temps interrompu; rétablir l’ordre et le crédit public, sans lesquels la société ne peut prospérer, et relever l’agriculture anéantie, moins encore par les dévastations que par les exigences outrées du fisc, et les rapines de ses nombreux agents. agents.


1559. - Les Guises, maîtres du gouvernement et de l’administration des finances, par l'ascendant qu'ils exerçaient sur l’esprit de la régente Catherine de Médicis et du jeune roi François II, excitaient la jalousie des grands, le mécontentement des calvinistes, et fomentaient, dans la vue d’en profiter, les dissensions civiles et religieuses qui allaient déchirer la France. Tandis que ces princes ambitieux répandaient à pleine main sur leurs créatures des faveurs que payait le trésor, une cour brillante dissipait une partie des fonds destinés au soutien de l’état; et des Italiens industrieux, accourus en France pour y chercher fortune, réduisaient encore par leurs malversations le produit des impôts levés sur le royaume. Enfin la pénurie du trésor. l’accumulation des dettes, conséquences inévitables de ces désordres, et les troubles causés par la différence des opinions religieuses, ramenèrent la cour à la nécessite de convoquer les états-généraux. L’assemblée, indiquée à Orléans par François II, y fut tenue par Charles IX, son successeur.


1560.- Les trois ordres, divisés dans les plaintes ou les demandes qui concernaient les affaires de religion, s’accordèrent cependant sur plusieurs articles de l’administration des finances. Ils demandërent unanimement l’abolition de la vénalité des offices; la réduction du nombre des receveurs, des officiers d’élection et des greniers à sel; le retranchement d’une partie des gages pour les emplois qui seraient maintenus; l’administration gratuite de la justice, ou une taxe modérée des épices, que les juges ne ressaient de lever à leur gré; la réduction des tailles à ce qu’elles étaient du temps de Louis XII, et la suppression de plusieurs droits d’aides. La noblesse et le troisième ordre se trouvèrent du même avis sur la nécessité de réunir les états-généraux plus fréquemment, et à des époques déterminées. Le tiers-état supplie le roi de chercher dans l’économie les moyens d’acquitter la dette publique : il demanda qu’il fût créé une commission pour examiner la gestion des financiers; qu’on renonçât à l’affaiblissement des monnaies, et que l’épargne supportât les frais de fabrication; qu’on abolît la solidarité entre les taillables; que les exemptions fussent réduites et aussi qu’il fût fait défense au clergé « de rien exiger, sous quelque couleur ou condition que ce soit, pour administration ou célébration soit de messes et autres mystères, soit de baptêmes, mariages, sépultures ou autres sacrements. » Les députés du troisième ordre sollicitaient de plus, en faveur du commerce français dans l’étranger, la réciprocité des avantages accordés aux commerçants étrangers en France, ou la suppression de ces faveurs. Le clergé se plaignit de la rigueur avec laquelle on levait les décimes; mais, faisant preuve à la fois de lumière et d’humanité, il renouvela seul les réclamations élevées dans l’assemblée tenue sous le règne de Charles VIII contre l’existence des douanes intérieures et contre l’usage qui s’était perpétué de saisir, pour le paiement des impôts, les chevaux et les instruments du laboureur. A l’égard d’un subside que demandait le gouvernement, les députés, d’un commun accord, alléguèrent ou la surcharge des peuples ou un défaut de mission spéciale[14].

1561.- Après la clôture de l’assemblée, une ordonnance, en cent quarante-neuf articles, publia des dispositions qui annonçaient l’intention de faire droit « aux plaintes, doléances et remontrances des trois états. » L’un des articles portait que « dans toute assemblée, tant d’états-généraux que d’états-provinciaux, où se feroient octroy de deniers, les trois ordres s’accorderoient sur la portion que chacun d’eux devroit supporter, sans que le clergé et la noblesse pussent user de leur majorité pour déterminer la répartition, » Cette disposition, d’un acte émané de l’autorité royale était remarquable, en ce qu’elle reconnaissait implicitement aux assemblées des trois ordres la prérogative d’octroyer les subsides. En ne la considérant que relativement au tiers-état, elle lui promettait l’avantage d’être à l’avenir moins grevé que dans la distribution des trois millions d’écus d’or qui avaient été récemment accordés, et dont lui seul avait supporté les deux tiers. Mais les meilleurs règlements sont impuissants lorsque le gouvernement manque de la force ou de la volonté nécessaire pour en assurer l’exécution. D’ailleurs cette déférence apparente aux vœux de la nation n’était qu’un moyen de disposer les esprits en faveur de nouvelles demandes qui allaient être faites. En effet, ce que n’avaient pas accordé les états-généraux, la cour l’obtint d’une autre assemblée réunie à Pontoise sous le même nom, mais qui fut composée seulement de trente-neuf députés, à raison d’un représentant de chaque ordre pour chacune des treize provinces qui formaient alors le royaume[15].

D’abord l’assemblée reproduisit les plaintes contre les dilapidations des finances, la vénalité des offices et l’excès des tailles; elle y ajouta la demande que les domaines, les aides et les gabelles fussent mis en ferme, et que le recouvrement de ces branches de revenus; ainsi que les soins de répartir et de faire recouvrer les tailles, fussent confiés aux assemblées provinciales, comme cela se pratiquait dans les pays d'états. Le troisième ordre insiste pour que l’on adoptât comme loi du royaume l’usage de convoquer dans la suite tous les deux ans l'assemblée des états-généraux. Ses députés et ceux de la noblesse, s'opposant à l’élévation des taxes sur le sel; les boissons et les autres consommations opinèrent vivement pour faire supporter au clergé le remboursement des rentes. Cet ordre était devenu un objet d’envie pour les deux autres, en raison des domaines considérables qu’il possédait, et du produit des dîmes, dont on évaluait le revenu de vingt-cinq à trente millions[16]. Le clergé reconnut qu’un sacrifice était inévitable pour prévenir l'aliénation forcée d’une partie de ses biens. Il consentit donc[17] à verser annuellement au trésor, pendant six années, une somme de seize cent mille livres, payable par moitié, de six mois en six mois, et qui devait être uniquement employée au rachat et remboursement des rentes affectées sur les revenus publics, dont le capital était évalué à neuf millions. En second lieu, le clergé devait, à l’expiration des dix années suivantes, remettre le roi en possession des domaines, des aides et des gabelles qui avaient été engagés pour sûreté des rentes constituées sur la ville de Paris, montant en capital à sept millions sept cent soixante mille livres, et servir les arrérages pendant ces mêmes années. A ces conditions, cet ordre obtint d’être exempt pendant seize ans de tous décimes, subsides et dons gratuits. Il remplit ses engagements avec exactitude; mais les fonds qui devaient procurer l’extinction de la dette constituée furent constamment détournés de leur destination. Toutefois, au moyen de l’espèce de concession faite par les députés du clergé, on obtint des deux autres ordres, mais avec moins de facilité, l’établissement d’un nouveau droit sur les boissons, évalué à un produit annuel de douze cent mille livres; Ce droit consistait en une taxe de cinq sous par muid de vin, payables à l’entrée des villes closes, par toutes sortes de personnes, sans exception de privilégiés, ni même du vin provenant des domaines du roi[18].

L’établissement du nouveau droit devint l’occasion, entre les cours supérieures, d’un combat de générosité dont les circonstances fournissent la preuve qu’à cette époque encore ces cours ne se croyaient pas en possession de légitimer l’établissement des impôts par le simple enregistrement. Le parlement refusa cette formalité à l’édit qui publiait la taxe des cinq sous, par la raison « que les subsides n’étaient pas de sa connaissance. » La cour des aides motivait un semblable refus sur ce que la loi concernant un subside accordé par les trois états ne pouvait être enregistrée que dans le parlement. Enfin, après sept mois de débats, l’enregistrement fut donné par la cour des aides[19].

Les députés n’avaient accordé l’imposition des cinq sous que pour cinq années, prorogée, à l’expiration de ce terme, par Charles IX, elle fut doublée par son successeur, puis élevée et perpétuée de règne en règne par simples déclarations et, à la fin du dix-huitième siècle, elle existait dans la plupart des provinces, avec les nombreuses additions qu’elle avait reçues[20].


1565.- Malgré ces nouveaux sacrifices, le gouvernement, entraîné dans les complots et les guerres intestines qui tourmentaient et ruinaient les provinces, était hors d’état de subvenir aux dépenses les plus impérieuses. Lorsqu’il fut résolu de chasser les Anglais du Havre, que le prince de Condé leur avait livré, le roi n’obtint les fonds nécessaires à cette expédition qu’en ordonnant l'aliénation des domaines ecclésiastiques jusqu’à concurrence de trois cent mille livres de rentes d’abord, et plus tard pour cent cinquante mille livres de rentes. Cette, opération, nouvelle en France, avait été conseillée par le chancelier de l'hôpital, et autorisée par une bulle du pape. Le roi se transporte au parlement pour faire enregistrer le premier édit; et la cour, à laquelle répugnait l’expédient, se borna à déclarer que, « attendu la nécessité, et sans tirer à conséquence, elle ne s’opposerait point à l'enregistrement. » Ces ventes et celle de l’argenterie, des ornements et reliques des églises, qui fut aussi ordonnée, procurèrent, s’il faut en croire un écrivain contemporain, trente-neuf millions de livres au trésor. Dans la vue d’apaiser les plaintes du clergé, autant que pour retenir dans la religion catholique ceux des Français qu’un avantage pécuniaire aurait pu déterminer à l’abandonner, un autre édit ordonna que les dîmes continueraient d'être payées à l’Église par les calvinistes comme par les catholiques[21].

Cependant la création des rentes et des offices ne discontinuait pas. En même temps, on assujettissait le capital des procès à une subvention de cinq pour cent, dont le montant devait être consigné d’avance. Cette taxe fut établie nonobstant le refus de plaider que firent d’abord les procureurs. Sous le règne suivant cependant on y substitue. celle d’un parisis ou du cinquième denier des épices, dont l'enregistrement éprouva une forte et longue opposition dans les parlements du royaume, sans doute par la raison que cette imposition proportionnelle offrait un moyen de connaître ce que les épices coûtaient aux plaideurs, et rapportaient à leurs juges. Enfin une commission procédait contre les financiers. Après l’exécution de plusieurs d’entre eux, qui furent condamnés à mort par application de la loi rendue au temps de François Ier, les autres obtinrent une composition, moyennant quatre cent mille livres qu’il leur fut permis de lever par forme de contribution, au sou la livre, sur tous ceux qui avaient participé au maniement des deniers publics depuis une certaine époque. Par cette mesure le gouvernement déclarait que la probité ne pouvait pas s’allier avec les emplois de comptables[22].


1574.- Pendant une nouvelle guerre civile qui marqua la première année de son règne, Henri III essaya vainement de « fouiller aux bourses des bourgeois de Paris. » Il ne recueillit de cette tentative que des remontrances et des murmures. On se plaignait hautement de voir le roi entoure de favoris corrompus et insatiables[23] auxquels il prodiguait l’argent des peuples, tandis qu’il négligeait de satisfaire à des engagements dont l’inexécution exposait les provinces au pillage des troupes étrangères que les dissensions avaient introduites dans le royaume[24].


1576-1577.- Aux premiers états-généraux tenus à Blois, l’assemblée, composée en partie de députés attachés à la ligue, refusa un nouveau subside de deux millions d’écus d’or qui lui était demandé, attendu, dirent les membres du tiers-état; qu’ils n’étaient pas autorisés à cet effet par les provinces. Elle se prononça contre l'aliénation du domaine, « parce que, ’dit l'orateur le fonds appartenait aux provinces, et que le roi n’en était que simple usager. » Dans leurs cahiers les trois ordres, renouvelant les demandes et les doléances présentées sous le règne précédent, insistaient principalement sur la suppression des pensions, sur l’application, au paiement des dettes, du produit des confiscations qui seraient prononcées contre les financiers coupables de concussions ou de péculat, sur l’expulsion des étrangers qui participaient au gouvernement de l'état ou au maniement des finances, et sur la modération des tailles[25].


1579.- Soit que cette persévérance des états-généraux eût fait quelque impression sur l’esprit du roi, soit qu’il sentît la nécessité de se prémunir contre l’influence que les Guises exerçaient dans l’assemblée, Henri III promit de s’occuper du soulagement des peuples aussitôt qu’il aurait apaisé les troubles qui se manifestaient de nouveau dans le royaume. En effet, quelques années plus tard, et sur de nouvelles instances de membres des trois ordres réunis à Paris pour traiter de leurs intérêts, le roi rendit une ordonnance qui annonçait l’intention de faire droit aux plaintes consignées dans les cahiers que lui avaient remis les députés aux états-généraux.Ce règlement déterminait les droits et les privilèges de la noblesse et du clergé, et limitait les exemptions d’impôts. Il ordonnait l’établissement d’une chambre royale pour la recherche des abus commis dans l'adjudication des aides et des gabelles, dans l'aliénation des domaines et dans la constitution des rentes; il prononçait la suppression des confréries d'arts et métiers, défendait les banquets, et affectait les revenus de ces corporations à la célébration du service divin et à la nourriture des ouvriers infirmes; il prononçait l(abolition des charges de judicature, la révocation des survivances, la réduction d'un grand nombre de secrétaires du roi, de contrôleurs des finances, de trésoriers, de receveurs généraux et particuliers, de contrôleurs, de grenetiers, d’élus, etc; il déclarait supprimés tous les péages usurpés, et défendait la levée d’aucuns deniers sans l’autorisation du roi, donnée par lettres patentes. Il statuait sur le mode de paiement des dîmes, et recommandait aux juges la modération dans les taxes de leurs épices; il exigeait que les intendants fissent par eux-mêmes les chevauchées dans les provinces qui leur étaient assignées, afin de s’assurer que les tailles étaient réparties avec équité et perçues sans rigueur, n’attendant qu’il fût possible, de réduire le montant de cet impôt et des autres subsides. Dans cette ordonnance, le roi annonçait encore qu’il recevrait « en audience ouverte et publique les plaintes et doléances de ses sujets, afin d’y pourvoir et de leur faire administrer justice[26]. »

L'accomplissement de ces grandes réformes et de plusieurs autres que l’ordonnance consacrait dans les différentes parties de l'administration publique pouvait mettre un terme aux malheurs du royaume, en réunissant tous les Français à leur roi. Mais, de tout ce qui était annoncé, on ne vit pas même se réaliser la recherche des déprédations qui ruinaient l’état, par la chambre royale, qui avait été chargée de cette opération : car, moyennant deux cent mille écus, les maltôtiers italiens obtinrent cette fois encore un traité d’abolition, auquel on donna le nom de paix des financiers[27].


1582.- On trouve à cette époque une preuve évidente de l’embarras des finances, de l’importance de la dette publique, et de l’influence que les traitants acquéraient sur les opérations du gouvernement, dans les clauses d’un bail pour l’exploitation de la ferme générale des gabelles, qui avaient continué d’être, jusqu’en 1578, affermées séparément par grenier à sel. Par son traité, dont la durée était fixée à neuf années, l'adjudicataire si engageait à faire au trésor l’avance d’une somme de deux cent quarante mille écus; à justifier du rachat, pendant sa jouissance, de sept cent mille livres de rentes, dont il servirait, en attendant les arrérages; à rembourser au précédent fermier sept cent un mille écus qui lui étaient dus pour avance ou pour indemnité, et deux cent dix mille écus, représentant, au denier dix, la finance des officiers des greniers qui allaient être supprimés Enfin, après s’être couvert de la restitution faite à son prédécesseur, le fermier devait payer chaque année cinq cent mille écus, dont soixante-sept mille à la ville de Paris et à deux provinces, pour arrérages de rentes tant échus qu’à échoir, et l'excédant à l'épargne. Le fermier se réservait la faculté d’avoir des sous-traitants de son marché. Plusieurs de ces conditions pouvaient avoir été dictées par l’intention de paraître déférer aux vœux manifestés dans la dernière assemblée, mais elles ne s’exécutèrent pas en ce qui concerne le rachat des rentes; et trois années après, un nouveau fermier obtint un autre bail, toujours à la charge de rembourser les sommes dues ainsi que l’indemnité accordée à son prédécesseur, et de faire de fortes avances au trésor[28].

Vainement les états-généraux cherchaient, durant les rares moments de leur existence, à opposer une digue au torrent des impôts, à l'élévation de le dette, au trafic des emplois et aux dilapidations : cet obstacle cet obstacle disparaissait avec la durée des assemblées, ou bien les dispositions des plus sages règlements étaient anéanties par la corruption. Tel fut le sort de l'ordonnance de Blois. Le souvenir des plaintes, le tableau même de la misère des peuples, victimes à la fois des rapines des soldats de tous les partis et des concussions qui se commettaient impunément sous un gouvernement faible et prodigue, étaient promptement effacés au sein des plaisirs, par la suggestion des ministres corrompus. Abusant de leur crédit sur l’esprit de rois sans expérience, ils leur présentaient les propriétés et l’industrie de leurs sujets comme des biens dont ils pouvaient librement disposer, et la France comme une source intarissable de richesses. En conséquence de ces funestes doctrines, les denrées, les matières premières aliments du commerce et de l’industrie, les inventions utiles, les emplois superflus ou imaginaires, les titres de noblesse, les privilèges, les immunités d’impôts, l’engagement ou la vente des domaines, l'aliénation des revenus, le retranchement annuel du cinquième, du quart ou du tiers des gages de tous les offices, les emprunts volontaires ou forcés, qui avaient fourni le sujet constant des édits royaux, sous les deux premiers fils de Henri II, le devinrent davantage encore vers la fin du règne de Henri III.


1581.- Demi années après la publication de l’ordonnance de Blois, qui avait promis la suppression des confréries d'arts et métiers, de leur monopoles et de leurs banquets ruineux, un édit proclama que « la permission de travailler étoit un droit royal et domanial. », En conséquence de ce principe digne du temps de Philippe-le-Bel, on assujettit les marchands, artisans et gens de métiers; à se fermer en corporations, maîtrises et jurandes. On prescrivit des formalités pour l’admission des maîtres ; et chaque aspirant dut, pour être reçu, acquitter une somme, que partageaient le fisc, les jurés et les communautés. Mais, pour offrir aux artisans et marchands une compensation de cette nouvelle taxe, on leur accordait la permission de limiter leur nombre et d’exercer ainsi le monopole du commerce et de l'industrie. Le fisc tirait un autre avantage de ce nouvel abus : usant incessamment de l’ancienne prérogative que possédaient les rois de créer à leur avènement un maître juré de chaque métier dans les principales villes du royaume, on créait et l’on vendait des lettres de maîtrise, sans que les titulaires fussent tenus de justifier de l'apprentissage et des autres épreuves que les règlements exigeaient des récipiendaires admis par les communautés[29].

Par une application anticipée du principe qui établissait le chef de l’état maître absolu de la fortune et de l’industrie de ses sujets, il avait été défendu de tenir hôtellerie, taverne ou cabaret, sans des lettres ou permissions du prince, qui ne s’obtenaient qu’en payant. Cette licence, à laquelle se virent bientôt assujettis les marchands de vin en gros et tous ceux qui faisaient le commerce de boissons, fut convertie dans la suite en un droit payable chaque année, que l’on désigna sous le nom d’annuel des marchands. Le maintien de l’ordre, l’exercice de la police, allégués dans le préambule des édits portant création de ces impôts n'en étaient que le prétexte. Les taxes levées au profit du fisc décelaient le véritable motif des assujettissements et des gènes dont l’industrie et le commerce devaient souffrir pendant plusieurs siècles[30].

Tout particulier qui obtenait du gouvernement une grâce, une faveur, une commission ou une charge, était tenu, avant l’expédition de son brevet ou avant son installation, de prêter serment de fidélité au Cette formalité fournit l'occasion d'une nouvelle taxe, moins injuste que beaucoup d'autres. On l'établit d'abord sous le titre de droit de serment; mais elle se perpétua sous la dénomination de marc d'or, parce que, dans l'origine, elle était fixée à un marc ou à quelques onces d’or, suivant l’importance des faveurs ou des offices qui en étaient l’objet.


1584.- Chaque jour Henri III employait son autorité pour obtenir de l'argent; et, lorsque le parlement refusait l'enregistrement des édits, le monarque les faisait recevoir par force dans les lits de justice « suivant la mauvaise coutume qui commençoit à s'introduire. » On en compta vingt-six enregistrés dans une même séance. Ils en étaient aussitôt livrés aux partisans italiens, « qui avançoient la moitié ou tiers des deniers pour avoir le tout. » Par l'effet de ces désordres, une somme de trente-deux millions à laquelle s'élevaient les impôts perçus au nom du roi, dont environ dix-huit millions de taille; il arrivait à peine huit ou dix millions dans l'épargne; et ces fonds n'étaient que trop souvent employés à soudoyer les mercenaires étrangers qui dévastaient la France dans l'un ou dans l'autre parti, ou à soutenir le luxe de la cour, dont l'éclat contrastait avec l'exécution rigoureuse des lois somptuaires que Henri III lui-même avait portées. La patience des peuples et les sources de toutes richesses étaient épuisées par des profusions que la nation alimentait depuis tant d’années. La persécution et la misère excitèrent des plaintes menaçantes. Elles obtinrent tout à coup la suppression de soixante édits bursaux, et l'enregistrement d’un autre édit portant promesse de renoncer à l’usage des bons du comptant. Cette satisfaction tardive ne calma pas une irritation que partageaient la noblesse, épuisée par le ban et l'arrière-ban, et le clergé, objet de spoliations et de rigueurs telles, que des curés se voyaient réduits à abandonner leur presbytère. Des villes, des provinces, se soulevèrent; et tout concourt à prouver que l’excès des impôts, la violence de exaction, et la connaissance des déprédations du revenu public, favorisèrent puissamment les projets des chefs de la ligue, en disposant les esprits à la révolte contre le gouvernement légitime[31].


1588- 1589.- Enfin les troubles du royaume et la situation désespérée des finances conduisirent à une seconde convocation des états-généraux dans la ville de Blois, réunion devenue célèbre par l’assassinat du duc de Guise et de son frère le cardinal de Lorraine. L'assemblée avait été composée sous l’influence de ces deux princes. Non seulement elle n'accorda rien au roi; mais, reproduisant les demandes faites précédemment, elle insista principalement dans ses cahiers sur la suppression de tous les offices inutiles de finance et de justice, sur l'abolition de la vénalité, sur la diminution des impôts et la réduction des tailles au taux où elles étaient du temps de Louis XII. Des députés demandèrent encore la réduction des pensions et l'érection d’une chambre de justice pour rechercher et punir les dilapidations de finances. Le roi fit annoncer le retranchement d’un quart des tailles, et autorisa les poursuites contre les financiers. Mais telle était l'assurance que la richesse et l’impunité donnaient à ceux-ci, qu'ils protestèrent, pour cause de nullité, contre les états; et les officiers dont, on avait demandé la suppression crurent avoir démontré, dans un écrit, que cette mesure conduisait à l’oppression du peuple, à la diminution des ressources de l’état, et à la décadence des meilleures villes du royaume. Rien donc ne fut amélioré, et les excès en tous genres continuèrent[32]. [33]


  1. Mémoires sur les impositions, par Moreau de Beaumont, t. 3, p. 75, 77. - Mézerai. - Boulainvilliers. - Anquetil.
  2. Recueil de Fontanon, t. 2, p. 1039 et 1045.
  3. Les pays compris dans le contract notable faict entre le roy Henry II et les trois estats des provinces sont le Poitou, la Saintonge, le pays d'Aunis, l’Angoumois, la Gascogne, le Périgord, la Haute et la-Basse Marche, le Haut et le Bas Limousin, et les autres provinces de Guyenne. Ils forment aujourd’hui les départements de la Charente, de la Charente-inférieure, de la Corrèze, de la Creuse, de la Dordogne, de la Gironne, de Lot-et Garonne, des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Vienne, de la Haute-Vienne, du Puy-de-Dôme et une partie du département du Cantal.
  4. Edit du 4 janvier 1547. — Moreau de Beaumont, t. 3, p. 79 et 80.
  5. Œuvres de Pasquier, t. 1, p. 69, A.
  6. Le Secret des finances, 1re partie, p. 10, 12, et Preuves, p. 424. — Boulainvilliers. - Anquetil.
  7. Dans un lit de justice tenu à Rouen par Charles IX, le chancelier adressa ce reproche aux membres de l’ordre judiciaire qui étaient présents : « Anciennement en France les juges ne prenaient rien des parties pour faict de justice, si n’est ce qu’on appeloit espices, qui sont depuis converties, par une vilaine métamorphose, en or et, argent. Actuellement, en beaucoup de lieux, elles sont doublées et triplées, et tellement que le juge ne faict plus rien sans argent. » (Recueil d’édits et ordon., par Fontanon, t. 2, p. 8.)
  8. Préambule de l’édit de septembre 1552.— Edits d’octobre 1553, d’avril 1557 et de septembre 1559.
  9. Edit de mai 1556. - Le Guydon général des finances, p. 211.
  10. Ordon. de Fontanon.- Mémoires sur les impositions, par Moreau de Beaumont, t. 3, p. 357. - Tarif de 1549.
  11. Edits de mai 1581 et d’octobre 1582. - Recueil de Fontanon, t. 2, p. 491 et suiv. - Le Guydon général des finances.
  12. Moreau de Beaumont, t. 3, p. 359, 381, 386.
  13. Mézerai, Anquetil, etc.
  14. Cahiers des remontrances, plaintes, doléances et supplications présentées au roi Charles IX, séant en son lit de justice, en l’assemblée des trois états de son royaume convoqués en la ville d’Orléans.
  15. Ordon. dite d’Orléans, du 13 sept. 1561.
  16. Le Secret des finances, par Fromenteau, livre I, et Preuves, p. 412.
  17. Contrat de Poissy, du 23 oct. 1561 ; et Contrat de Paris, du 22 oct. 1567.
  18. Moreau de Beaumont, t.3, p. 260. - La Bellande, nomb. 472 et 473. - Œuvres de Pasquier, t. 1, p. 86, A et B.
  19. Œuvres de Pasquier, t. 2, p. 86, B.
  20. Mém. sur les impositions, par Moreau de Beaumont, t. 3, p.260 et 262.
  21. Edits de mai et de juillet 1563, cités dans la Compilation chronologique de Blanchard, t. 1 ; p. 854 et 858.- Bulle du mois d’août 1576- - Fromenteau, Secret des finances, imprimé en 1581, livre 1, p. 9 et 145. - Œuvres de Pasquier, t. 2 ; p. 108, C, et 302, B.
  22. Œuvres de Pasquier, t. 3, p. 109, A, B ; 110, B, 194, A ; 121, D ; 541, C, et t. 1, p. 405, A.- Déclaration du : 14 janvier 1584 et règlement du 14 mars 1585.
  23. « Les principaux régents de telles académies ne se pouvoient jamais rassasier de biens, honneurs et dignités, ni lasser de faire d’enragées dépenses, le tout à la ruine du royaume et du peuple d’iecelui. » (Économies royales de Sully, t. 8, p. 421.) — Voir l’histoire de France par Anquetil.
  24. Œuvres de Pasquier, -t. 2, p. 138, D, et 139.
  25. Recueil de ce qui s’est négocié en la compagnie du tiers-état de France, par Bodin.
  26. Ordonnance rendue à Paris au mois de mai 1579, et comme sous le nom d’ordonnance de Blois.
  27. Œuvres de Pasquier ; t. 2, p. 273, B, et 300, B.
  28. (1) Bail du 21 mai 1582 et bail du 14 octobre 1585.
  29. Le Secret des finances, par Fromenteau, prem. partie.- Ordon. du Louvre, t. 15, p. 8. - Edits de 1581 et de 1583.- Considérations sur les finances, par Forbonnais.
  30. Edits de mars 1577 et déclaration de décembre 1581. - Œuvres de Pasquier, t. 2, p. 110, B,
  31. Edit. du 14 nov. 1584.- Œuvres de Pasquier, t. 2, p. 338 et 379, A ; 339, B. — Le Secret des finances, prem. partie.- Économies royales de Sully, t. 8, p. 421.
  32. 0Euvres de Pasquier t.2, p. 363, 364 à 368, et 359, A.- Guydon des finances.
  33. Dans le Secret des finances, imprimé en 1581 sous le nom de Fromenteau, on trouve une énumération, pour chaque province ou par diocèse, des impositions de toute nature qui avaient été levées sur le royaume, dans une période de trente-deux ans, depuis l’avènement de Henri II jusqu’en 1580, sous Henri III. L’auteur rapproche du montant de ces charges celui de tous les tributs qui existaient au temps du roi Louis XII. Il expose encore les divers sujets de plaintes que les trois ordres élevaient contre le gouvernement de Henri III, et donne le tableau des pertes de tous genres occasionnées par les troubles et les guerres civiles qui désolèrent la France sous les derniers rois de la branche de Valois.
    Les éléments du Secret des finances paraissent avoir été puisés dans les cahiers que les trois ordres présentèrent à Henri III, aux états-généraux assemblés à Blois en 1576, ou fournis par les généralités, les chambres des comptes et les hôtels-de-ville du royaume, il la demande des députés réunis à Paris en 1580 pour leur intérêt commun.
    Voici, quant aux impositions, le résumé des notions que renferme cet ouvrage :
    Dix-sept années du règne de Louis XII.— Impositions ordinaires et extraordinaires levées tant pour les besoins de l’état que pour les dépenses locales, montant des annales et autres droits payés à la cour de Rome : en totalité, quatre cent dix-sept millions cinq cent mille livres, ou, année commune, vingt-quatre millions cinq cent soixante mille livres,
    ………. 24, 560, 000 liv.


    Trente-deux années des règnes de Henri II, François II, Charles IX et Henri III. — Impositions ordinaires et extraordinaires, travail des monnaies, amendes, confiscations, aliénations ou engagements des domaines et revenus de la couronne, et vente des biens ecclésiastiques ; finance des officiers de judicature et autres ; droits levés pour la cour de Rome, etc., etc., mais non compris les capitaux de rentes constituées : quatre milliards cinq cent quarante millions sept cent mille livres, ou, terme moyen par année, cent quarante un millions neuf cent mille livres, ci
    ……… 141, 900, 000 liv.


    Il résulterait de ce rapprochement que, depuis la fin du règne de Louis XII jusqu’en 1580, c’est-à-dire dans une période de soixante quinze ans, les tributs publics avaient plus que quintuplé ; et dans l’évaluation qui précède n’est pas compris le montant des épices et autres taxes occasionnées par la vénalité des charges de judicature, et par l’augmentation du nombre des juges, des juridictions et des offices de tous genres.
    Une cour de parlement, qui du temps de Louis XII était composée d’un président et de douze conseillers, comptait cinquante membres sous Henri III. « Les magistrats et autres officiers royaux, dit Fromenteau, ont marché de si bon pied en l’exercice de justice durant le temps du bon roy Loys douzième, que pour journée et vacation Il n’ont exigé des parties plus haut que quinze et vingt sols par jour, et six, huict, dix, vingt et vingt-cinq sols d’espice, encore falloit-il que le procès fust bien d’importance. Appert, par une infinité de déclarations et taxes, que le magistrat aujourd’hui, pour journée et vacation, prend deux et trois escus, qui valent neuf livres, et qu’il a accoutumé de taxer cinq, six, huict, dix, vingt et vingt-cinq escus d’espaces, et le plus souvent beaucoup plus grande somme. »