Histoire des relations du Japon avec l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles/Partie 2/Chapitre III.

CHAPITRE III

COMPTOIR DES ANGLAIS À HIRADO




Nous venons d’examiner l’établissement hollandais à Hirado et nous nous rappelons du nom de William Adams qui était pilote à bord d’un navire hollandais. Celui-ci écrivit fréquemment des lettres à ses compatriotes pour leur faire connaître les richesses du Japon et les décider à entamer des relations commerciales avec ce pays[1]. On soutient souvent que ce fut la réception de ces lettres qui décida les Anglais à tenter d’établir eux aussi des relations avec le Japon. Déjà deux capitaines de vaisseau, Jackman et Pet écrivaient en 1580 « qu’il serait opportun de faire voile sur le Japon où se trouvaient des chrétiens, des jésuites et peut-être quelques Anglais »[2].

Ce fut donc vers la fin du XVIe siècle que ce nouvel esprit, né de l’entreprise des Anglais, se développa de plus en plus, et surtout après la défaite de l’Armada espagnol.

Nous croyons utile de faire connaître ici William Adams, le premier Anglais qui vint au Japon et qui rendit beaucoup de services aux shogouns et aux Européens. Une lettre de lui, datée du 22 octobre 1611 nous donne de nombreux renseignements ; en voici des extraits[3] :

« À mes amis et compatriotes.

« Je suis né dans une ville appelée Gillingham, à deux milles anglais de Rochester, et à un mille de Chattam. À l’âge de douze ans, je fus amené à Limehouse, près de Londres et confié comme apprenti au maître Nicolas Diggin ; j’ai servi comme pilote et comme maître dans les vaisseaux de Sa Majesté… En l’année 1598, je fus engagé comme pilote-chef d’une flotte de cinq navires construits par la Compagnie des Indes dont l’amiral était Jacques Maïhor… Au milieu de septembre, nous eûmes des vents du sud, nos hommes furent malades, et nous fûmes obligés d’atterrir au cap Gonsalvès. Nous continuâmes ensuite notre voyage par la côte du Brésil et arrivâmes à une île appelée Annabona où nous dûmes séjourner longtemps par suite des vents contraires. Nous pûmes enfin arriver au détroit de Magellan, le 6 avril 1599. Sur la côte du Pérou, en voulant lutter contre le vent, nous perdîmes presque toute notre flotte… Après un arrêt dans l’île Sainte-Marie…, nous nous dirigeâmes vers le Japon. Nous jetâmes l’ancre à une lieue environ d’un endroit appelé Boungo. Beaucoup de bateaux vinrent à nous et n’étant pas en force de leur résister, nous laissâmes monter à notre bord tous les gens qui s’y trouvaient ; ils ne nous firent d’ailleurs aucun mal : nous ne comprenions pas leur langage. Deux ou trois jours après, un Jésuite vint avec d’autres Japonais qui étaient chrétiens : ils nous servirent d’interprètes… Le roi de Boungo nous témoigna une grande amitié. Il nous donna une maison où nous plaçâmes nos malades et nous donna également tous les rafraîchissements qui nous étaient nécessaires… La plupart des malades se rétablirent, sauf trois qui moururent tout de suite et trois autres un peu plus tard. L’empereur ayant entendu parler de nous, envoya de riches galères pour nous chercher et nous conduire à la cour.

« L’endroit était éloigné de Boungo de 80 lieues anglaises. Aussitôt que je fus en sa présence, il me demanda de quelle contrée nous étions. Je répondis à toutes ses questions. Il m’interrogea sur toutes sortes de sujets, principalement sur les questions concernant la paix et la guerre entre les différents pays. Il serait fastidieux de rappeler ici tous ces détails… Pendant quelque temps, je fus mis en prison avec un de nos matelots. L’empereur m’ayant fait appeler à nouveau me demanda la raison d’un voyage si lointain. Je répondis : nous appartenons à un peuple qui cherche l’amitié des autres nations et qui cherche à étendre son commerce, en offrant ses marchandises. Il me demanda ensuite pourquoi les Espagnols et les Portugais étaient en lutte avec nous et il me sembla qu’il fut très content d’entendre les réponses que je lui fis. Puis je fus à nouveau jeté dans une autre prison. J’y restai durant trente-neuf jours, n’ayant plus aucune nouvelle ni de notre navire, ni du capitaine, ni des malades, ni de tout l’équipage. Chaque jour, je m’attendais à mourir, à être crucifié, suivant la coutume du Japon. Pendant ce long emprisonnement, les Jésuites et les Portugais indisposèrent l’Empereur contre moi, en essayant d’établir que nous étions des voleurs et des malfaiteurs… L’Empereur leur fit répondre que n’ayant commis aucun tort ni aucun dommage envers son pays, il ne pouvait nous envoyer à la mort et qu’il n’avait pas à savoir pour quelles raisons les Portugais étaient en dissentiment avec nous. Tandis que j’étais en prison, le navire reçut l’ordre de s’approcher de la ville où se trouvait l’Empereur, ce qui fut fait. Après quarante et un jours d’incarcération, je fus appelé de nouveau devant l’Empereur pour répondre à une foule de questions qu’il serait trop long de rapporter ici. Il me demanda, en terminant, si je serais désireux de retourner au navire voir mes compatriotes.

« Je répondis que j’en serais très heureux et je fus aussitôt remis en liberté… Quand j’arrivai à bord, tous les yeux pleuraient, car on avait donné à entendre à tous que, depuis longtemps, j’étais exécuté… Nous enlevâmes tout ce qu’il y avait dans le vaisseau, les vêtements, mes instruments et mes livres, en un mot tout ce qui était bon ou mauvais. L’empereur ordonna que tout ce qui nous avait été pris nous fût restitué, mais cela ne fut pas possible parce que tout était disséminé çà et là… Il ordonna alors de nous remettre 50 000 reis pour nous être distribués suivant nos besoins… Au bout de trente jours, notre navire mouilla devant la ville de Sakaï, à deux lieues et demie ou trois lieues de Osaka où se trouvait alors l’empereur. L’empereur demanda que notre navire allât mouiller à la partie la plus à l’est, appelée Kouanto… Par suite des vents contraires, notre voyage fut long, de sorte que l’empereur fut rendu là longtemps avant nous. Nous arrivâmes près de la ville de Edo. Je pris toutes les dispositions nécessaires pour que notre navire fût libre et pour arriver à l’endroit où les Hollandais faisaient leur commerce : tout cela nous coûta beaucoup d’argent. Aussi, trois ou quatre de nos hommes se révoltèrent contre le capitaine et contre moi-même et il en résulta une mutinerie. Chacun voulait commander et avoir une part de l’argent donné par l’empereur… Celui-ci nous donna ensuite deux livres de riz par jour pour notre nourriture… L’empereur me demanda de lui construire un petit navire… Je lui répondis que je n’étais pas charpentier et que je ne pouvais pas. Il me pria néanmoins d’essayer. Je lui construisis un navire de vingt tonneaux. Il vint alors le voir, le trouva très bien, et j’entrai dès lors tout à fait dans ses bonnes grâces. Il me fit des présents et enfin me gratifia de soixante-dix ducats par an et de deux livres de riz par jour. Je lui donnai ensuite des notions de géométrie et lui enseignai les mathématiques. Les Jésuites et les Portugais étaient étonnés de mes relations si amicales avec l’empereur et me prièrent de les recommander auprès de lui, de sorte que c’est grâce à moi que Sa Majesté leur accorda son amitié : je rendais le bien pour le mal.

« Le 22 octobre 1611.

« Signé : William Adams. »


Comme Adams vient de le démontrer par cette lettre, son influence fut considérable à la cour du shogoun. « L’empereur (Iéyasou), écrit Cocks en 1616, l’estime beaucoup ; il a le droit de le voir et de lui parler quand il veut » ; et dans une autre lettre, datée de 1620, il dit également : « Je ne peux que regretter la perte d’un homme tel que le capitaine William Adams qui eut l’amitié de deux empereurs du Japon, ce qui ne s’était jamais vu dans ce pays pour aucun chrétien »[4].

Arrivé au Japon en 1600, le séjour de William Adams dans ce pays et l’accueil qui lui fut fait attirèrent certainement l’attention des Anglais et contribua à donner la première impulsion pour la création d’établissements commerciaux. Peu après, on décidait d’y établir une factorerie et des instructions dans ce sens étaient données au capitaine Saris[5] :

« 1° Trois navires sont affrétés pour faire le voyage des Indes Orientales, ce sont : le Clove, capitaine James Foster ; l’Hector, capitaine Thomas Fuller ; le Thomas, capitaine Richard Dawes. John Saris est nommé commandant en chef de ces navires et des hommes qu’ils comportent.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« 21° À Bunda, on cherchera la muscade. Un voyage pourra également être effectué aux Moluques pour s’y munir de clous de girofle. Si le commerce ne donne pas de résultats à Surat, les navires prendront la mer Rouge (à moins qu’ils n’aient déjà passés par là).

« 22° Une factorerie pourra être établie à Mocha ou en quelque autre endroit de la mer Rouge. Si les navires vont à Bentam, l’Hector et le Thomas se chargeront là. Le riz acheté pourra être porté à Bunda et remplacé par des muscades.

« 23° Si l’Hector et le Thomas reviennent en Angleterre, le capitaine Saris ira au Japon avec le Clove, après avoir visité et donné des ordres aux factoreries établies à Bentam ou ailleurs, et s’être adjoint un pilote habile, connaissant bien les côtes.

« 24° Arrivé au Japon, il s’orientera pour voir quel commerce peut se faire le plus facilement de celui des vêtements, du plomb, du fer ou autres de nos produits nationaux. Il prendra tout spécialement l’avis de William Adams, anglais résidant dans ce pays et, paraît-il, très en faveur auprès de l’empereur.

« 25° Si la longue expérience de William Adams vous y encourage, vous pourrez établir une factorerie au Japon qui nous permettra de trafiquer avec ce pays. »

Ce fut le 18 avril 1611 que Saris fit voile pour l’Extrême-Orient et c’est à Hirado qu’il jeta l’ancre le 11 juin 1613. Il fut cordialement reçu par Matsoura Hôïn, ex-daïmio de Hirado qui, bien que son fils eût nominativement le pouvoir, continuait cependant à commander le fief. Une factorerie fut tout de suite créée, sur les conseils de William Adams. Saris fut ensuite reçu à la cour ; des présents d’une valeur de 720 dollars furent offerts à Iéyasou ainsi qu’au shogoun Hidétada et aux plus hauts fonctionnaires d’État. Le 7 août il commença sa mission au Japon ; il prit avec lui dix Anglais et son interprète japonais ; Adams ainsi qu’une escorte d’un officier et trois soldats l’accompagnaient. Le voyage le long de la côte de Kiou-Siou occupa vingt jours. Il arriva enfin à Soumpou le 6 septembre et le surlendemain obtenait audience d’Iéyasou et de Honda Kozouké-no-souké, auquel il remit le mémoire des privilèges qu’il désirait obtenir pour la Compagnie des Indes Orientales. Ce mémoire, après avoir été modifié, fut envoyé le 10 septembre à Iéyasou qui l’approuva aussitôt. Il était ainsi conçu :

« C’est la première fois que je viens au Japon. Que Sa Majesté me permette de faire librement le commerce.

« Pour ce qui concerne les marchandises à l’usage de Leurs Majestés, qu’Elles veuillent bien établir une liste de ce qu’elles désirent.

« Qu’il soit interdit de faire toute tentative pour forcer à vendre ou de commettre quelque violence en ce qui touche les cargaisons des navires anglais.

« Qu’il soit permis aux navires anglais d’entrer librement dans tous les ports du Japon quand il arrivera du mauvais temps. Que les Anglais puissent bâtir des maisons et trafiquer dans tous les ports qu’ils désirent et dans ce but qu’il leur soit accordé un coin de terre.

« Qu’il leur soit permis d’acheter directement aux marchands tous les articles qu’ils désirent acquérir au Japon.

« Que dans tout différend entre Japonais et Anglais on recherche bien les causes et que la décision soit toujours rendue avec justice.

« Que si un Anglais désire retourner chez lui, il puisse le faire quand il le voudra, et qu’avant son départ il lui soit permis de vendre les maisons qu’il aura construites.

« Signé : capitaine Joan Saris. »

Iéyasou répondit[6] :

« 1o Le navire qui arrive pour la première fois d’Angleterre au Japon peut apporter en commerce toutes sortes de choses sans inconvénients. En ce qui concerne les visites futures, les navires anglais seront exempts de toutes taxes ;

« 2o En ce qui concerne les cargaisons des navires, les demandes seront faites suivant une liste conforme aux besoins du shogoun ;

« 3o Les navires anglais sont libres de visiter tous les ports du Japon. Si cela est nécessaire, pendant les temps d’orage, ils pourront entrer dans n’importe quel port ;

« 4o Le terrain que désirent les Anglais à Edo leur sera donné et ils pourront y bâtir des maisons, y résider et y faire le commerce. Ils auront la liberté de retourner dans leur pays s’ils le désirent et de disposer comme ils le voudront des maisons qu’ils auront construites ;

« 5o Si quelque Anglais meurt au Japon de maladie ou par une autre cause, il sera fait un paquet de ce qui lui appartient ;

« 6o La vente forcée de marchandises et la violence seront interdites ;

« 7o Si un Anglais commettait une offense il serait jugé par le chef anglais, selon la gravité de la faute ;

« Le 28e jour du 8e mois de la 18e année de Keïtcho. »

(Sceau shogounal).


Il faut remarquer deux grandes différences entre la demande de Saris et l’autorisation donnée par Iéyasou : 1o dans la demande, il s’agissait d’établir des factoreries dans n’importe quel port, et jusque-là on n’avait donné que le droit d’établissement à Edo ; 2o malgré la demande de l’application stricte de la juridiction japonaise au cas de conflit entre Japonais et Anglais, on reconnut seul le droit du capitaine anglais à ce sujet.

La première différence repose, paraît-il, sur la politique commerciale d’Iéyasou : voyant l’état florissant du commerce à Kiou-Siou, il désirait également ouvrir un port dans la province de Kouanto soumise directement à son pouvoir et c’est Ouraga qui lui semblait la ville la plus propre à cela. La deuxième différence s’explique par la politique d’Iéyasou qui ne voulut jamais mêler les affaires extérieures politiques avec les affaires commerciales. C’est ainsi que, bien qu’ayant exercé sa juridiction sur les conflits entre étrangers et Japonais, il déclara que le capitaine ou le chef des résidents étrangers serait obligé de régler les affaires entre eux. Nous aurons plusieurs fois à faire remarquer cette politique de séparation suivie par Iéyasou, politique que l’on ne peut soutenir jusqu’au bout, les affaires politiques et commerciales ayant des rapports très intimes, et nous verrons qu’il sera obligé de quitter sa politique de non-intervention sur les affaires purement politiques.

Saris termina sa mission à Edo et à Sourouga. Il quitta Soumpou le 9 octobre et mit une semaine pour se rendre à Kioto où il attendit trois jours pour le présent d’Iéyasou au roi James qui consistait en dix paravents. Après être resté deux jours et demi à Osaka ; il s’embarqua dans ce port et atteignit Hirado le 6 novembre.

Le 26 du même mois, il assembla un conseil qui résolut d’établir une factorerie à Hirado dont le personnel se composerait de huit Anglais, trois Japonais interprètes et deux domestiques et Richard Cocks fut nommé capitaine.

La factorerie anglaise de Hirado ne fut pas subordonnée à son aînée de Bentam ; Cocks envoya directement ses rapports officiels à la direction de l’Inde orientale de Leaden et seulement des lettres amicales à la factorerie de Bentam. En ce qui concerne la répartition des marchands, Cocks suivit très ponctuellement l’avis de Saris. Il divisa les factoreries en deux branches, une dont le siège fut à Osaka avec William Eaton pour chef et l’autre à Edo avec Richard Wickham. Une troisième branche tout d’abord formée n’eut qu’une très courte durée : Edmond Sayers, suivant les ordres de Saris, avait envoyé une belle cargaison de poivre et autres denrées à Tsoushima avec des instructions pour essayer de voir quel genre de commerce on pourrait bien entreprendre avec la Corée. Mais, n’ayant pas obtenu de bons résultats, il s’en retourna peu après avec toutes ses marchandises. C’est ainsi qu’à la fin de 1614 il ne resta plus que les deux branches d’Osaka et de Edo qui, avec la factorerie principale de Hirado, eurent leurs agences à différents endroits où se trouvaient des marchandises et où les chefs se rendaient à l’occasion. L’agence de Nagasaki dépendait de Hirado et le dépôt de cette ville était gardé par des commerçants étrangers. La branche d’Osaka avait deux agences permanentes : l’une à Sakaï, l’autre à Kioto. Un moment, il y eut un agent spécial à Foushimi. Il y eut également deux agences dépendant de la branche de Edo : celle de Soumpou et celle de Ouraga.

Quand Iéyasou mourut, son fils Hidétada lui succéda en qualité de shogoun[7]. Il était nécessaire pour les Anglais d’envoyer une députation à la Cour pour une confirmation de privilèges sous le nouveau règne. Les vaisseaux le Thomas et l’Advice arrivaient d’Angleterre juste à ce moment ; Cocks envoya ses présents et partit à la fin de juillet en compagnie d’Adams. Le récit du voyage à Edo et de l’audience du shogoun est très intéressant, mais ces Anglais n’obtinrent pas ce qu’ils cherchaient. Adams écrivit à la compagnie des Indes orientales le 15 janvier 1617, faisant allusion au port de Hirado qu’ils avaient obtenu : « Ce privilège qui nous est accordé et que ni les Hollandais ni aucune autre puissance comme les Espagnols et les Portugais ou les Chinois n’a jamais reçu est une faveur que l’ancien empereur nous donne à cause de l’amitié qu’il me porte, de sorte que, le père mort, le fils doit nous continuer cette faveur. « En effet, bien que les Anglais obtinssent certains privilèges et certaines faveurs et qu’ils fussent mieux partagés que les autres nations, ils ne pouvaient plus trafiquer dans n’importe quel port[8]. Les privilèges accordés aux Anglais étaient les suivants :

« 1° Les commerçants venant d’Angleterre au Japon devront faire le commerce à Hirado et ne pourront le faire dans aucune autre ville. Ils pourront cependant débarquer n’importe où, en cas de tempête. Ils seront exempts de tous les droits.

« 2° En ce qui concerne les cargaisons des bateaux, des réquisitions seront faites selon les nécessités shogounales.

« 3° Les ventes forcées ou par violence de cargaisons ne seront pas autorisées.

« 4° Si un Anglais meurt de maladie, ses effets serviront à l’envelopper ;

« 5° Si les commerçants du navire anglais commettent une offense, le capitaine de ce navire les punira en appliquant la loi de son pays.

« Tous ces articles doivent être observés.

« Le 20e jour du 8e mois de la 2e année de Ghenna (1616). »

La restriction du commerce anglais reposait, paraît-il, sur la politique religieuse qui était la question prédominante du Japon à cette époque et que nous avons examinée dans un autre chapitre.

En août 1617, l’Advice arriva de Bentam. Un autre voyage à la cour suivit immédiatement après. Un essai fut renouvelé, de la part de Cocks, pour obtenir une extension de privilèges, but principal du voyage. Le droit de faire le commerce à Nagasaki fut autorisé puis fut ensuite retiré. Une réponse fut refusée à une lettre de James Ier, parce qu’elle était adressée au shogoun défunt Iéyasou et qu’il était de mauvais augure du Japon de répondre aux lettres de personnes décédées. Finalement le pauvre Cocks était, comme il dit, forcé de prendre les privilèges qu’il pouvait ou de ne rien prendre du tout[9].

On le voit, le commerce des Anglais au Japon n’était pas très favorable depuis la mort d’Iéyasou. Ce changement de politique n’était cependant pas la seule cause de la décadence du commerce des Anglais au Japon : la principale cause fut la rivalité des Hollandais contre eux et la grande influence qu’avaient les Hollandais sur le changement de la politique shogounale.



  1. D’après le Gouaïko-shiko (Projet d’histoire diplomatique) publié par les soins du ministère des Affaires étrangères de Tokio, les premières relations entre le Japon et l’Angleterre commencèrent en 1564, par un navire anglais qui vint commercer à Goto, dans la province de Hizen. Ce fait cependant ne s’appuyant sur aucun document, nous ne pouvons en garantir l’authenticité.
  2. Cette instruction est signée John Dee et porte la date du 15 mai 1580.
  3. Cette lettre se trouve dans « Mémorial of the Empire of Japon in the XVI and XVII centuries », edited by Thomas Rundall. London, 1850 ; pp. 18-32.
  4. « Notre bon ami le capitaine William Adams, qui était si longtemps avant nous au Japon, quitta ce monde le 16 mai dernier » (1620). Dairy of Richard Cocks, vol. II, appendix, p. 322.
  5. The voyage of captain John Saris to Japan, par Ern. Satow. London, 1900.
  6. Voyage of Saris, p. 138 ; His Pilgrims, de Purchas, t. I. p.376 Memorials of Japan, p. 153-155.
  7. Tokougawa Hidétada était shogoun depuis 1605, mais son père Iéyasou avait le vrai pouvoir sur les daïmios. En effet, ce fut lui, comme ex-shogoun, qui décida des affaires intérieures et extérieures jusqu’à sa mort.
  8. La cause essentielle de cette décision du shogoun à limiter les Anglais à ce port se voit facilement dans la proclamation du 8 août 1616.
  9. Cependant, en dépit de cette restriction de Hirado et de Nagasaki, la position de la Compagnie de l’Inde Orientale au Japon était beaucoup meilleure que celle des Portugais, parce que la factorerie de Hirado conserva la liberté d’acheter et de vendre à qui et quand il lui plaisait et de faire le commerce de Hirado aux autres contrées de l’Asie orientale.