Histoire des fantômes et des démons/La Danse des Diables

LA DANSE DES DIABLES.

Mazarin, qui gouvernait la France, sous la minorité de Louis-le-Grand, tâchait, par toutes sortes de moyens, d’éloigner l’attention du jeune monarque du soin des affaires, en lui procurant tous les plaisirs qu’il pouvait imaginer. Il avait introduit en France l’opéra italien. Les principaux agrémens de ces acteurs consistaient, dans les premiers temps, en danses grotesques, exécutées par d’habiles voltigeurs.

Un jour qu’ils dansaient un ballet à six personnes, ils furent tout à coup interrompus par l’apparition d’un septième personnage, vêtu comme eux, et qui faisait des sauts et des gambades bien supérieures aux leurs ; ce qui troubla tellement la fête, que le directeur du divertissement fut obligé de venir arrêter le désordre.

Comme les sept danseurs avaient une parfaite ressemblance, tant dans la taille que dans le costume, et que le nouveau venu s’était mêlé parmi les autres, à l’approche du directeur, on leur commanda de se démasquer, pour découvrir l’inconnu ; mais lorsqu’on voulut lui ôter le masque, il s’évanouit,… à la grande surprise des spectateurs…

Dès-lors la confusion fut égale entre les danseurs et les assistans. Il n’était personne qui n’eût vu les sept danseurs, et qui n’eût remarqué les sauts admirables du septième. Cette observation alarma tout le monde ; il demeura constant que le diable s’était joint à eux, dans le dessein de faire tomber leurs jeux. Les circonstances confirmèrent cette opinions. D’abord les acteurs étaient habillés en diables ; le sujet de l’opéra étant la chute de l’homme, la danse représentait le triomphe des démons ; et l’on donnait ce spectacle, un dimanche au soir…

L’alarme fut générale ; quelques-uns assurèrent qu’ils voyaient les lumières brûler d’un feu violet ; d’autres croyaient sentir une odeur de soufre ; un plus fou que les autres crut avoir vu un pied fourchu… Le cardinal lui-même, qu’on ne pouvait assurément pas soupçonner de superstition, fut si affecté de ce prodige, qu’il fit sortir tout le monde, et défendit qu’on donnât désormais ce spectacle le dimanche : ce qui fut observé toute sa vie et quelque temps encore après.

Si ce trait appartient au diable, il lui fait infiniment d’honneur ; puisqu’il ramenait les gens à leurs devoirs de piété.