Histoire des fantômes et des démons/Le Revenant de Plaisance

LE REVENANT DE PLAISANCE.

Un aubergiste de Plaisance, en Italie, venait de perdre sa mère. En rentrant de l’enterrement, il eut besoin de quelques objets restés dans la chambre de la défunte : il envoya un de ses domestiques les chercher ; celui-ci revint bientôt, hors d’haleine, en criant qu’il venait de voir sa maîtresse, et qu’elle était couché dans son lit… Un autre valet fit l’intrépide, monta dans la chambre, et revint confirmer la chose…

L’aubergiste voulut y aller à son tour ; il se fit accompagner d’une servante ; et un moment après, tous deux descendirent effrayés, et convaincus d’avoir vu la défunte. L’aubergiste courut trouver ses voyageurs, qui étaient à souper, leur conta son aventure, et pria un ecclésiastique, qui se trouvait là, de l’assister, et de venir conjurer l’esprit.

Alors, un officier, qui était de la compagnie, prit un flambeau, se leva, et dit au prêtre : « Allons, Monsieur, c’est à vous qu’il appartient d’approfondir cette histoire, venez. — Je le veux : bien, répondit l’abbé, pourvu que vous passiez le premier. »

Toute la maison voulut être de la partie. On suivit l’officier et l’abbé ; on entra dans la chambre ; le militaire tira les rideaux du lit, et tous les assistans aperçurent la figure d’une vieille femme, noire et ridée, coiffée d’un grand bonnet, et qui faisait d’horribles grimaces. L’officier dit au maître de la maison d’approcher, pour voir si c’était bien sa mère. Il le fit, et s’écria : « Qui, c’est-elle ; ah ! ma pauvre mère ! » Les valets crièrent de même, qu’ils reconnaissaient leur maîtresse. Alors on pressa l’abbé d’interroger l’esprit. Le prêtre s’avança, conjura le fantôme, et lui jeta de l’eau bénite sur le visage. L’esprit, se sentant mouillé, sauta, en criant, sur l’abbé, et le mordit. Celui-ci se débattit fortement, et fit tomber la coiffe du revenant. Alors tout le monde reconnut que ce n’était qu’un singe du voisinage…

Cet animal, ayant vu souvent la défunte se coiffer, et venant quelquefois dans sa chambre, avait trouvé ce jour-là un de ses bonnets, l’avait mis sur sa tête, et s’était ensuite couché dans le lit pour imiter sa voisine dans sa maladie.