Histoire des Trois Royaumes/II, IV
CHAPITRE IV.
I.[1]
[Année 192 de J.-C.] Tenant sa lance dans la main gauche, Liu-Pou prend de la main droite l’ordre secret de l’empereur, qu’il portait plié dans sa robe, et dit à haute voix : « Sa Majesté m’a donné l’ordre de châtier le brigand Tong-Tcho ; que personne n’en demande davantage. » Tous les mandarins et les officiers du palais tombèrent à genoux en criant : « Vive l’empereur ! » Tong-Tcho était âgé de cinquante-quatre ans lorsqu’il mourut, le 22e jour du 4e mois de la 9e année du 48e cycle, la 3e du règne de Hiao-Hien-Ty.
« Il y a encore Ly-Jou qui aidait Tong-Tcho à opprimer l’empereur, dit alors Liu-Pou, qui de vous ira me le prendre ? — Moi, répondit Ly-Sou en s’avançant. » Et comme il sortait pour accomplir sa mission, il est arrêté hors de l’enceinte du palais par de grands cris ; c’était Ly-Jou que les gens de sa maison amenaient garrotté.
« Tous les parents, toute la famille du traître ministre sont à Meï-Ou ; qui veut aller les massacrer ? » demanda à son tour Wang-Yun. Et Liu-Pou s’étant chargé de cette expédition sanglante, il lui adjoignit Hwang-Fou-Song et Ly-Sou ; tous les trois ils partirent avec cinquante mille hommes.
Parmi les partisans de Tong-Tcho, on comptait surtout quatre généraux qui lui étaient dévoués corps et âme : Ly-Kio, Kouo-Ssé, Tchang-Tsy et Fan-Tchéou. Ils recevaient de riches traitements, et gardaient, avec trois mille soldats d’élite, la ville dont le ministre avait fait sa place forte ; mais dès que leur arriva la nouvelle du meurtre de leur maître et de l’approche de Liu-Pou, ils abandonnèrent la ville et s’enfuirent dans le Liang-Tchéou.
La première chose que fit Liu-Pou en arrivant, ce fut de reprendre en sa possession la danseuse Tiao-Tchan, qu’il ramena à la capitale. À l’instigation de Hwang-Fou-Song, les huit cents concubines de Tong-Tcho, choisies par lui dans des familles honorables, furent assassinées, ainsi que toutes les personnes de sa maison qui se trouvaient enfermées dans cette même ville. Sa vieille mère, âgée de quatre-vingt-dix ans, courut se jeter au-devant des meurtriers en leur demandant grâce ; mais elle les suppliait encore que déjà sa tête roulait à terre. On mit à mort quinze cents personnes, hommes et femmes, attachés au service ou à la famille de Tong-Tcho. Les objets précieux, les immenses trésors, l’or amassé dans cette ville de Meï-Ou, l’argent[2], les étoffes, les pierreries ; toutes ces richesses formaient un amas gros comme une montagne. Il s’y trouvait aussi huit millions de mesures de grains ; Wang-Yun en fit entrer une moitié dans les greniers publics, et distribua l’autre aux soldats.
Quand expira Tong-Tcho, le soleil et la lune brillaient avec éclat, on ne ressentait pas la plus légère brise. Son corps fut jeté, par ordre supérieur, sur la grande route ; comme il était fort gras, les soldats de service placèrent du feu sur son ventre, et allumèrent ainsi une lumière qui éclaira comme une lampe. La graisse du cadavre coulait sur la terre ; le peuple qui passait frappait avec plaisir cette tête abhorrée, jusqu’à ce qu’enfin elle fut réduite en bouillie. Quant à Ly-Jou, on le pendit sur le marché, et la populace qui allait et venait déchirait sa chair à coups de dents. Hors de la ville et dans la ville, jeunes et vieux, tous les habitants chantaient et sautaient par les rues, le long des chemins. Les jeunes filles et les jeunes garçons qui étaient pauvres vendirent leurs vêtements pour acheter de quoi faire un repas de fête ; chacun se félicitait en disant : « Au moins cette nuit nous pourrons tous reposer tranquilles ! »
Le frère et le fils aîné de Tong-Tcho moururent suspendus sur la place du marché par les pieds et par les mains. Tous ceux qui étaient au service du premier ministre furent jetés dans des cachots où ils périrent.
Wang-Yun avait convoqué dans le palais tous les grands mandarins à un banquet solennel pour célébrer le retour de la tranquillité, lorsqu’on vint lui annoncer qu’un homme avait osé embrasser en pleurant le cadavre de Tong-Tcho. « Quand tout le peuple de la capitale se réjouit publiquement de la mort du monstre, dit Wang-Yun, qui donc est assez téméraire pour manifester sa douleur ! » Et il ordonna aux gardes d’aller saisir cet homme.
II.[3]
Bientôt les gardes amenèrent le coupable, et tous les mandarins surpris reconnurent en lui l’historien Tsay-Yong. Wang-Yun l’apostropha avec colère : « Le tyran avait mis la dynastie à deux doigts de sa perte, s’écria-t-il, et vous ancien serviteur des Han, qui vous ont comblé de leurs bienfaits pendant des générations, vous ne songez pas à reconnaître leurs bontés par votre zèle ! Au lieu de vous unir à ceux qui exterminent les rebelles, c’est sur Tong-Tcho que vous pleurez. » Et Tsay-Yong s’excusait en avouant ses fautes. « Je ne suis qu’un insensé, dit-il, mais je connais les devoirs d’un sujet fidèle ! Je ne vois pas sans douleur les révolutions qui jadis et aujourd’hui, ont agité l’Empire ; est-ce donc là renier la dynastie pour embrasser le parti de Tong-Tcho ! S’il m’est échappé des paroles criminelles, dignes d’un fou ou d’un imposteur, si vous me regardez comme un sujet déloyal, coupez-moi les pieds, mais laissez-moi la vie, pour que je puisse écrire jusqu’au bout l’histoire de la dynastie des Han ! »
Tous les grands mandarins appréciaient les talents de Tsay-Yong, et ils tentèrent de le sauver. Le secrétaire d’État Ma-Jy-Tay répondit à Wang-Yun : « Celui que vous accusez ainsi est un homme plus que supérieur, et il connaît à merveille les faits et gestes de la dynastie des Han ; lui laisser écrire l’histoire de cette famille, c’est accomplir le premier devoir envers le siècle où nous vivons. D’ailleurs la loyauté, la droiture de sentiments, sont des vertus naturelles en lui ; punir par la peine de mort des fautes qui ne méritent point un châtiment si sévère, n’est-ce pas tromper l’attente même des plus sages ? — Non, reprit Wang-Yun ; autrefois Wou-Ty des Han n’a pas voulu punir de mort Ssé-Ma-Tsien, il en fit son historien, et celui-ci a glissé dans ses écrits des calomnies qui traversent les siècles. Maintenant les lois de l’Empire sont sans force, le despotisme militaire règne à leur place ; aucun historien habile, mais malintentionné, ne doit prendre ses pinceaux et se tenir en qualité de chroniqueur auprès du jeune souverain ; car, sans être d’aucun avantage à l’empereur lui-même, un pareil écrivain mettrait çà et là sur notre compte à tous des imputations déshonorantes ! »
Le ministre Ma-Jy se retira sans rien répondre à Wang-Yun, mais il dit aux mandarins en se tournant vers eux : « Ne l’écoutez pas ; les hommes habiles sont la base de l’Empire, mais l’histoire en est la règle. Si on renverse la base, si on brise la règle, où ira-t-on ? » Mais Wang-Yun fit jeter Tsay-Yong dans une prison où il mourut étranglé ; et tous les lettrés, tous les grands, ceux qui le connaissaient et ceux qui ne le connaissaient pas, tous les contemporains, en un mot, pleurèrent sa mort.
On se rappelle les quatre partisans de Tong-Tcho qui avaient fui dans le Chen-Sy : c’étaient Ly-Kio, Kouo-Ssé, Tchang-Sy et Fan-Tchéou ; ils envoyèrent à la capitale proposer leur soumission. Wang-Yun, toujours inflexible, voyait en eux les séides de Tong-Tcho, ceux qui l’avaient aidé dans tous ses crimes, et il s’écria : « Que l’on proclame une amnistie générale, j’y consens ; mais pour le peuple seulement, et qu’on ne reçoive les propositions d’aucun général de ces bandes armées ! » Ly-Kio apprit cette réponse : « Puisqu’on ne reçoit pas notre soumission, dit-il, fuyons pour éviter la mort — Non, interrompit , un de ses conseillers militaires, nommé Kia-Hu, si vous quittez les troupes pour fuir seul, le premier chef de village aura assez de puissance pour vous arrêter ; marchons plutôt sur la capitale avec les forces réunies dans cette province, et faisons le serment de venger Tong-Tcho. Si nous réussissons, nous gouvernerons l’Empire au nom du jeune prince, captif entre nos mains ; si nous sommes vaincus, alors il sera temps de se sauver ! »
Ly-Kio adopta cet avis et fit circuler dans le Sy-Liang la fausse nouvelle que Wang-Yun voulait exterminer tout le peuple de la province. Ce bruit s’accrédita, et en moins de quinze jours il y eut cent mille hommes rassemblés sous les ordres de Ly-Kio, qui les divisa en quatre corps. Sur la route de la capitale qu’ils allaient saccager, les rebelles furent rejoints par le général Niéou-Fou, gendre de Tong-Tcho ; il amenait cinq mille hommes et voulait aussi venger l’assassinat du régent son beau-père. Ly-Kio lui donna l’avant-garde à commander. Derrière ce premier corps marchaient l’une après l’autre les quatre grandes divisions.
Inquiet de cette levée de boucliers dans le Sy-Liang, Wang-Yun consulta Liu-Pou ; celui-ci le rassura : « Ce n’était qu’un vil ramassis sans importance malgré le nombre ; il allait marcher à leur rencontre avec Ly-Sou qui, lui-même, se chargeait de les battre tout d’abord. » Les troupes furent donc mises en mouvement par ordre de Liu-Pou ; Ly-Sou partit en avant-garde et se trouva en face du corps d’attaque commandé par Niéou-Fou. Celui-ci recula ; puis, au milieu de la nuit, ses soldats, ramenés à la charge, forcèrent les retranchements de Ly-Sou, dont l’armée, surprise, battit en retraite l’espace de trois milles : dans cette déroute il perdit la moitié des siens, et quand il parut devant Liu-Pou, ce général, fort en colère, lui reprocha d’avoir compromis leur cause, abattu l’élan de l’armée ; et, l’ayant fait décapiter, il suspendit sa tête aux portes du camp.
Par son excessive sévérité Liu-Pou s’aliéna bientôt toute l’armée : fier de son courage, comptant sur sa force, il menait les soldats à coups de fouet ; aussi il perdit toute leur affection, et quand le lendemain il se mit à leur tête pour marcher contre le gendre de Tong-Tcho, loin de remporter la victoire, il fut mis en déroute de la façon la plus complète.
Cette même nuit, Niéou-Fou appela un officier dévoué à sa personne (du nom de Hou-Ky-Eul), et s’entretint du dessein qu’il méditait de séduire Liu-Pou par des présents. « C’est un brave, disait-il, un champion qu’on ne peut vaincre, je le sais, mais c’est aussi un homme d’un caractère faible ; nous en avons pour preuve ses deux trahisons précédentes. Il faut que je lui envoie de riches présents, de l’argent, de l’or, des pierreries, afin de l’arracher à ses troupes vaincues et d’obtenir de lui qu’il se retire. » Hou-Ky se charge de la mission ; au milieu des ténèbres, il sort avec trois hommes portant chacun une partie des cadeaux et s’éloigne du camp. Avant d’arriver sur le bord opposé du fleuve, ces richesses le tentent. « Si j’assassinais plutôt mon chef, si je portais sa tête au général ennemi ? » se dit-il à lui-même, et il commit ce meurtre odieux. Mais quand les détails en furent connus de Liu-Pou, il fit punir de mort le traître et ses trois complices, puis se remit en marche avec ses troupes.
Cette fois, il rencontre Ly-Kio ; les deux armées sont en présence. Faisant peu de cas de l’adversaire qu’il a devant les yeux, Liu-Pou prend sa lance et se présente au galop, pour enfoncer les bataillons ennemis. Qui eût pu lui résister dans l’armée de Ly-Kio ? personne ; aussi les soldats, vivement attaqués, reculèrent-ils en grand désordre à plus de cinq milles du champ de bataille, à l’entrée d’une gorge dont ils gardèrent les passages. Il fut convenu que les quatre chefs coalisés (Ly-Kio, Kouo-Ssé, Tchang-Tsy et Fan-Tchéou) resteraient maîtres des abords de la vallée. « Quoique Liu-Pou soit un héros auquel on ne peut résister dans le combat, dit Ly-Kio, il manque de prévoyance et de tactique. Je vais conduire ma division à l’entrée du défilé et, à force de le provoquer, je l’amènerai à livrer bataille. Vous, Kouo, retirez-vous hors du chemin dans un lieu d’où vous puissiez harceler nuit et jour les derrières de l’ennemi. Fidèle à la vieille règle de Ping-Youen, du royaume de Tsou, battez la charge avec le tambour de cuivre, battez la retraite avec le tambour de peau. Tandis que Liu-Pou négligera de surveiller ses deux flancs, Tsy et Tchéou fileront par deux routes sur la capitale ; attaqué en tête et en queue, l’ennemi ne pourra se défendre et certainement nous le taillerons en pièces. »
Cet avis fut adopté par tous les chefs ; aussi, quand Liu-Pou marcha vers la montagne, Ly-Kio descendit à sa rencontre, le reçut assez mollement et recula à mesure que le guerrier invincible se lançait comme un furieux à travers ses lignes. Bientôt sa fougue l’avait entraîné jusqu’au haut de la montagne d’où les pierres et les flèches commencèrent à pleuvoir sur lui ; il ne put aller plus loin, et Kouo-Ssé l’attaqua en queue avec avantage. En vain voulut-il faire volte-face et combattre encore, Kouo-Ssé battit la retraite sur le tambour et fit revenir ses troupes. Celles de Liu-Pou n’étaient pas encore ralliées, quand Ly-Kio sonna la charge et attaqua à son tour. C’est lui que Liu-Pou veut combattre alors, mais Kouo-Ssé se rejette sur ses derrières, le harcèle et se retire comme la première fois, au son du tambour de peau. Ainsi, chacun à leur tour, celui-ci en avant, celui-là en arrière, le jour, la nuit, le soir, le matin, ils lui livrent bataille en tombant sur lui inopinément, en lui faisant tourner la tête à force de l’irriter. La fureur de Liu-Pou est à son comble. Tout un jour se passe ainsi ; il ne peut ni combattre ni se reposer ; et tandis qu’il se consume de rage, des éclaireurs viennent lui annoncer que les divisions de Tchang-Tsy et de Fan-Tchéou ont marché sur la capitale, et que la ville est fortement menacée.
Dans cette circonstance critique, Liu-Pou donne l’ordre de retourner en arrière ; déjà ses deux adversaires le serrent de près, mais il ne songe pas à combattre, il ne veut que se frayer un passage et fuir, renversant autour de lui hommes et chevaux, il galope jusque sous les murs de la capitale ; les deux corps des rebelles cernaient déjà les fossés ; il les attaque mais sans succès, car les soldats n’obéissent qu’avec répugnance à un chef si barbare, et beaucoup d’entre eux déposent les armes.
Liu-Pou était dévoré de chagrin : après quelques jours, deux des principaux partisans de Tong-Tcho, restés dans les murs (c’étaient Ly-Mong et Wang-Fang), entrèrent en rapport avec les assiégeants et leur ouvrirent les portes. Cette quadruple armée de brigands se précipita à la fois dans la capitale ; bien qu’il attaquât à droite et fît des trouées à gauche, Liu-Pou ne put arrêter les rebelles. Alors avec une centaine de cavaliers il vint se présenter au pied d’une des portes sur laquelle se tenait Wang-Yun et lui cria : « Nous sommes perdus, montez à cheval, emmenez votre famille et venez avec moi hors des passages ; nous y chercherons quelque moyen de réparer nos pertes. — Non, répondit Wang-Yun, si l’âme de l’État passait en moi et que je pusse maintenir la dynastie sur un trône tranquille, j’accepterais vos offres et fuirais avec vous ; mais si je ne puis accomplir cette grande entreprise au moins me sacrifierai-je jusqu’à la mort. Fuir au moment du danger, telle n’est pas la conduite qui me convient. Saluez pour moi tous les grands qui sont à l’est des passages ; et dites-leur de ma part qu’ils se dévouent à la cause des empereurs ! »
Liu-Pou exhortait toujours le mandarin à quitter la ville, et Wang-Yun refusait opiniâtrement, quand tout à coup, aux quatre portes, se déclare un immense incendie. Réduit à abandonner sa famille et tous les siens, Liu-Pou s’en alla avec ses quelques cavaliers, par-delà les passages, se jeter dans le camp de Youen-Chu.
Cependant les deux principaux chefs des insurgés, Ly-Kio et Kouo-Ssé, laissaient leurs soldats brûler la ville, piller les maisons, massacrer les habitants et se livrer à mille désordres. Tchong-Fo, l’un des mandarins du palais, voulut faire une sortie avec les gens de sa suite, mais il tomba bientôt percé de traits à l’une des portes latérales du palais du sud. Un des grands officiers et le maître des cérémonies, Lo-Kouey et Tchéou-Houan, périrent l’un et l’autre en défendant l’État, ainsi que le chef de la garnison et le général de cavalerie Tsouy-Lie et Wang-Ky.
Déjà les rebelles avaient enveloppé le palais et menaçaient la partie intérieure ; les grands de service auprès du jeune souverain le prièrent de se montrer au-dessus du portail (dit Hiuen-Ping). À la vue du parasol jaune, Ly-Kio et les siens firent entendre les cris de vive l’empereur !… Et le petit prince, appuyé sur le balcon, demanda à ses mandarins que voulaient tous ces gens. « Je ne les ai point appelés ; que veulent-ils donc qu’ils font entrer tout à coup tant de troupes dans la capitale ? — Sire, répondirent Ly-Kio et Kouo-Ssé en levant la tête vers le balcon, le ministre de Votre Majesté, Tong-Tcho, a péri victime des intrigues ourdies par Wang-Yun, et nous venons tout exprès venger sa mort ! nous ne sommes pas des rebelles, Sire ; dès qu’on nous aura livré le meurtrier, nous nous retirerons avec nos troupes. »
Wang-Yun était auprès de l’empereur ; en entendant ces paroles terribles, il dit à son maître : « Sire, votre sujet n’avait d’autre but que de sauver la dynastie ; puisque les choses ont ainsi tourné, il ne faut pas, par amitié pour lui, causer vous-même votre ruine. Permettez à votre sujet de descendre, de se montrer de plus près aux deux chefs de ces bandits, afin qu’il détourne de Votre Majesté les maux qui la menacent ! »
Le jeune prince hésitait, il se refusait à permettre le sacrifice ; mais Wang-Yun s’était déjà précipité en bas de la galerie régnant au-dessus de la porte, et il s’écria à haute voix : « Me voici ! » Ly-Kio se jeta au-devant de lui le sabre à la main, en disant : « Quel crime avait commis Tong-Tcho pour que tu le fisses périr ? — Ses crimes, répondit Wang-Yun avec calme, remplissaient le ciel et couvraient la terre, il a fallu parler enfin ! Au jour de la vengeance, tout le peuple de la capitale a fait éclater sa joie ; est-ce une preuve qu’il fut innocent ?
— « Si Tong-Tcho était coupable, reprit à son tour Kouo-Ssé bouillant de colère, qu’avions-nous fait nous autres pour que tu refusasses de nous amnistier ? » Et là-dessus les deux chefs rebelles l’égorgèrent au pied du pavillon. Dix personnes de sa famille furent décapitées en plein marché. Tous ceux qui connaissaient Wang-Yun, jeunes et vieux, le pleurèrent dans Tchang-Ngan.
III.[4]
Les deux chefs des rebelles étaient d’avis de tuer l’empereur et de s’emparer de l’héritage des Han ; à quoi bon attendre quand l’occasion était si belle ! Ils pénétrèrent donc plus avant dans le palais, le sabre en main. « N’en faites rien, disaient les deux autres chefs, Tchang-Tsy et Fan-Tchéou ; si vous tuez l’empereur, aucun des grands vassaux ne se soumettra à vous, tandis que si vous le laissez sur le trône, tous les grands reparaîtront à la capitale ; nous retrancherons d’abord ces dignitaires qui sont les membres du souverain, puis nous nous déferons de l’empereur lui-même ; alors, il en sera temps, nous nous emparerons à loisir de toute l’autorité ! »
Ly-Kio et Kouo-Ssé adoptèrent ce conseil ; ils firent camper leurs soldats et les laissèrent se livrer à tous les excès. Du haut de la galerie, le jeune prince disait aux deux chefs : « Puisque Wang-Yun a reçu son châtiment, pourquoi ne pas faire retirer vos troupes ? — C’est que, répondirent les rebelles, si nous sommes vengés, vous n’avez pas encore fait les conditions de paix avec nous.
— Eh bien, quelles sont-elles ? reprit l’empereur. — Nous avons combattu pour le salut de la dynastie, et nous n’avons reçu ni argent ni principautés pour récompense ! — Exposez-moi vos demandes, répondit le jeune prince, et je vous les accorderai. » Ils écrivirent donc, en forme de requête, la liste des grades qu’ils exigeaient et la présentèrent au palais ; comme déjà, par la force, ils s’en trouvaient investis, l’empereur consentit à tout. Il nomma même Ly-Kio général d’un corps de cavalerie, prince de Tchy-Yang, inspecteur général à la cour et dans les provinces ; Kouo-Ssé eut le titre de prince de Mey-Tchang et le commandement du dernier corps d’armée ; l’un et l’autre ils reçurent la hache et la moitié du sceau, emblèmes de leurs dignités.
Ainsi, maîtres des postes qu’ils voulaient occuper, les deux chefs rebelles dominaient les affaires de l’État. Fan-Tchéou eut le commandement de l’armée de droite avec le rang de prince de Wan-Nien ; Tchang-Tsy celui de la cavalerie irrégulière et le titre de prince de Ping-Yang. D’autres grades furent accordés aux chefs secondaires, et chacun se trouvant satisfait, les troupes se retirèrent à Hong-Nong. Alors aussi cessèrent le pillage et les violences exercées contre les habitants.
Ly-Kio et Kouo-Ssé envoyèrent chercher les restes de Tong-Tcho ; on ne put apporter que quelques ossements. Avec du bois odorant, les deux généraux firent sculpter l’image du ministre défunt, et lui adressèrent de solennels sacrifices, sans oublier d’y joindre un éloge aussi pompeux que vain des vertus de ce monstre de cruauté ; puis ils l’ensevelirent avec le bonnet et les habits d’un empereur. Enfin, après de très longues cérémonies, ayant choisi un jour heureux, une heure propice, ils allèrent l’inhumer à Meï-Ou, dans la ville qu’il avait fait fortifier. Cette même nuit, le ciel versa une pluie violente qui pénétra la terre à une assez grande profondeur ; la foudre ouvrit la tombe, mit à nu le cercueil au point que les restes du ministre pervers furent réduits en morceaux. Le lendemain, Ly-Kio le fit inhumer de nouveau à la même place, et le même prodige se renouvela ; enfin, une troisième fois, il s’opiniâtra à ensevelir son ancien maître, et pour la troisième fois aussi un déluge de pluie détruisit ce qu’il avait fait. N’étaient-ce pas visiblement les esprits du ciel et de la terre qui opéraient ce miracle !
Cependant, arrivés au faîte du pouvoir, Kio et Ssé ruinaient et décimaient le peuple par leurs exactions et leurs cruautés ; ils avaient placé auprès du jeune empereur, en qualité d’officiers du palais, des hommes dévoués à leur service, et chargés de surveiller tous ses mouvements ; quiconque refusait obéissance à leurs ordres était décapité. Le jeune prince coulait donc des jours qui lui semblaient longs comme des années. Tous les mandarins de la cour étaient, bon gré mal gré, à la merci de Ly-Kio et de Kouo-Ssé. Dans ce même temps, ces deux généraux ayant appelé près d’eux l’ancien commandant vainqueur des Bonnets-Jaunes, Tchu-Tsuen, en firent l’intendant supérieur du palais, et avec son aide ils administrèrent les affaires de l’État.
Un jour arriva la nouvelle qu’un corps de cent mille hommes marchait rapidement sur la capitale par la route de l’ouest ; les lances et les sabres bien aiguisés reluisaient comme le givre ; on voyait flotter des bannières aux couleurs étincelantes. Les deux tyrans devinèrent que ce devait être Ma-Teng (son surnom Chéou-Tching, descendant de Ma-Youen, ancien général), gouverneur militaire de Sy-Liang. Le vice-roi du Ping-Tchéou, Han-Souy, s’était joint à lui, et tous deux ils venaient, avec leurs armées combinées, châtier les rebelles. Déjà ils avaient entretenu des intelligences dans la ville avec trois personnages distingués : le membre du grand conseil, Ma-Yu, le moniteur impérial, Tchong-Chao, et le commandant en second de l’armée de la droite, Liéou-Fan ; ces trois loyaux mandarins conspiraient la perte des deux généraux, et comme ils s’étaient empressés d’avertir l’empereur de leur conjuration, celui-ci avait secrètement nommé commandants de provinces les deux chefs qui marchaient pour le délivrer, Ma-Teng et Han-Souy, en leur accordant l’autorisation de détruire les ennemis du trône.
« Quoi faire ? » se demandaient les rebelles, et ils ne savaient quel parti prendre ; mais l’un des conseillers militaires, Kia-Hu, leur fit observer que l’ennemi venant de loin devait avoir intérêt à combattre à l’instant même ; le mieux était donc de se retrancher au fond des gorges, dans les montagnes, et de s’y tenir sur la défensive ; en moins de cent jours les vivres manqueraient aux troupes de Sy-Liang, et elles se retireraient d’elles-mêmes ; alors, en les attaquant par derrière, on serait sûr de prendre les chefs.
Deux des lieutenants de Ly-Kio, Ly-Mong et Wang-Fang, méprisant cette tactique, demandèrent à marcher avec dix mille hommes de bonnes troupes ; ils promettaient d’apporter au pied de l’étendard la tête des deux généraux. « Si vous attaquez, vous serez certainement battus, dit Kia-Hu. — Si nous sommes battus, s’écrièrent-ils, nous donnons nos têtes à couper. — Et moi, si vous êtes victorieux, reprit Kia-Hu, je donne la mienne en échange des vôtres ! » La gageure fut établie d’après la loi militaire. Le conseiller proposa encore de rassembler les troupes à vingt milles à l’ouest de la capitale, à Tchéou-Ky, lieu entouré de montagnes difficiles à franchir et de routes escarpées. Les deux généraux, si empressés de combattre, rangeraient leurs soldats à l’entrée du défilé et recevraient de la capitale les provisions et l’argent dont leur armée aurait besoin.
Enchantés de cette idée, Ly-Kio et Kouo-Ssé mirent sous les ordres de Mong et de Fang quinze mille hommes, avec lesquels ceux-ci marchèrent gaiement au-devant de l’ennemi. À vingt-huit milles de la ville, ils établirent un grand camp devant lequel se présentèrent bientôt les troupes de Sy-Liang, qu’ils s’empressèrent d’attaquer. Elles barraient le chemin en déployant un front formidable ; leurs chefs, Ma-Teng et Han-Souy s’élancèrent au galop au-devant des lignes. Wang et Mong, du pied de la bannière, provoquaient leurs adversaires par des injures : « Qui êtes-vous donc pour venir ainsi attaquer les officiers de Sa Majesté ? — Rebelle à ton prince, oses-tu bien prononcer ces paroles dignes d’un traître ? Qui de vous va me saisir l’insolent ? » Ainsi répliqua Ma-Teng, le général des armées du Sy-Liang, et déjà un jeune officier sort précipitamment du milieu des bataillons ; sa figure est pareille au jade poli, ses yeux brillent comme l’étoile scintillante, il a les membres souples du tigre et les longs bras du singe, la taille élancée de la panthère, le ventre maigre du loup ; né dans le pays de Fou-Fong, à Meou-Ling, il se nomme Ma-Tchao ; âgé de dix-sept ans à peine, il manie une longue lance et se précipite en avant ; ce héros est le fils de Ma-Teng lui-même. Dès que Wang a vu le jeune guerrier qui sort impétueusement des lignes, monté sur un cheval rapide, il s’élance à sa rencontre, plein de mépris pour un si jeune adversaire ; il tient sa lance en travers sur la selle et l’aborde. Tous les deux bien armés, ils s’attaquent à plusieurs reprises ; bientôt Wang est renversé par Ma-Tchao, qui retourne victorieux vers les siens. Ly-Mong, furieux de la chute de son collègue, se précipite sur les pas du vainqueur, qui l’aperçoit et ralentit sa course à dessein. « Mon fils, crie Ma-Teng, un homme se glisse sur tes pas, le vois-tu ? » Et il parlait encore que la lance de Ly-Mong était près d’atteindre Ma-Tchao ; mais celui-ci a esquivé le coup par un mouvement de la tête, il s’est retourné, tandis que le fer ne perçait plus que l’espace, assez à temps pour faire prisonnier celui qui le menaçait. Désormais privés de leur chef, les soldats de Ly-Mong prennent la fuite ; Han-Souy les disperse en semant la mort au milieu d’eux, puis il fait sauter la tête du captif. Après ce brillant combat, où le jeune Tchao avait remporté la victoire, les troupes de Sy-Liang, animées par le succès, s’en allèrent bravement camper à l’entrée des gorges de la montagne.
Déjà Ly-Kio et Kouo-Ssé, instruits de la défaite et de la mort de leurs deux lieutenants, reconnaissaient la vérité des prédictions de Kia-Hu, ils suivirent donc ses conseils avec la plus grande exactitude, résolus à se tenir fermes à l’entrée du défilé, et restèrent dans leurs retranchements sans répondre aux provocations du vainqueur. En moins de deux mois, les troupes du Sy-Liang, ayant épuisé vivres et fourrages, ne songeaient plus qu’à se retirer.
Alors un serviteur de Ma-Yu, l’un des trois conjurés qui avaient appelé l’armée du Sy-Liang, vint dénoncer son maître et ses amis aux deux généraux. Ly-Kio et Kouo-Ssé, animés contre eux, firent décapiter au milieu du marché Ma-Yu et ses deux complices, avec tout ce qui se trouvait dans leurs maisons, enfants et vieillards ; puis ils envoyèrent accrocher les trois têtes devant le camp de Han-Souy et de Ma-Teng. Ceux-ci, manquant de vivres et voyant qu’ils étaient trahis dans la ville, pensèrent que le mieux était de se retirer au plus vite avec tout leur monde. Mais chacun d’eux fut, dans sa retraite, harcelé par une division de l’armée ennemie ; et Ma-Teng, pour aller plus vite, s’étant avancé trop loin avec son avant-garde, ce qui restait de troupes en arrière n’eut pas le temps de se mettre en bataille. Poursuivis avec acharnement par les soldats tout frais que Tchang-Tsy et Wan-Tchéou jetaient sur leurs pas, les gens de Sy-Liang essuyèrent donc une grande défaite.
Le jeune Ma-Tchao combattait en désespéré dans cette arrière-garde, et Tchang-Tsy n’osa le harceler plus longtemps ; mais après avoir été poursuivi jusqu’à un endroit nommé Tchin-Seng, Han-Souy se retourna vers Wan-Tchéou qui ne lui donnait aucun relâche, et lui dit : « Comment deux compatriotes peuvent-ils avoir l’un envers l’autre les sentiments d’un ennemi ? — Pourquoi résister aux volontés d’en haut ? répondit Tchéou en tirant aussi la bride de son cheval. — Lequel de nous deux se révolte contre le ciel et contre la terre, répliqua Han-Souy, personne ne peut le dire ; je me bats, moi, pour la dynastie ; après tout, nous sommes, vous et moi, du même district ; aujourd’hui, il est vrai, je me trouve un peu battu, mais bientôt je reparaîtrai à la tête d’une nouvelle et grande armée ; qui sait ? peut-être par l’effet d’un hasard inattendu, vous pourrez essuyer un revers et vous retrouver devant moi… »
Ces paroles changèrent le cours des idées de Tchéou ; fouettant son cheval pour rejoindre en ami celui qu’il harcelait auparavant, il échangea avec son compatriote quelques mots d’adieu et le laissa fuir. Tandis qu’il ramenait ses troupes au camp, Ma-Teng et Han-Souy purent continuer leur retraite vers le Sy-Liang.
Mais le fils du frère aîné de Ly-Kio, Ly-Pie, qui en voulait déjà à Tchéou, l’ayant vu converser avec l’ennemi, le dénonça à son oncle : « Je ne sais trop ce qu’ils se sont dit, raconta le jeune Ly-Pie, mais le général vaincu l’ayant appelé son compatriote, il a ralenti son cheval pour échanger avec lui une parole d’adieu, et ils ont eu l’air de s’entendre parfaitement. »
Déjà, dans sa colère, Ly-Kio voulait courir avec ses troupes au-devant de celui qu’il regardait comme un traître, et Kia-Hu lui conseilla de ne pas faire pour l’instant une pareille démonstration, car l’esprit des troupes n’était pas encore bien assuré ; il valait mieux inviter à un banquet Tchéou et son complice Tchang-Tsy, sous prétexte de les féliciter de leurs succès ; puis, au milieu du festin, il n’y avait qu’à les prendre et à les faire décapiter. L’avis plut beaucoup à Ly-Kio, et il le suivit en tous points. Les deux convives arrivèrent gaiement, et au milieu du repas Ly-Kio dit : « J’ai une lettre de Han-Souy qui prétend que Tchéou a voulu trahir, car pourquoi ne l’a-t-il pas fait prisonnier ? » Pâle et tremblant, Tchéou n’avait pas eu le temps d’articuler un mot d’excuses quand il fut saisi par une troupe d’hommes armés, et sa tête roula aux pieds des assistants. Tchang-Tsy s’était prosterné à terre ; Ly-Kio le releva : « Celui que je viens de punir était un traître, lui dit-il ; mais vous, dévoué et fidèle, qu’avez-vous à craindre ? » Là-dessus, il lui donna le commandement des troupes du général mis à mort. Ravi de cet avancement inattendu, Tchang-Tsy retourna à Hong-Nong, d’où il était venu ; le conseiller militaire Kia-Hu fut élevé au rang de président des six cours suprêmes et d’intendant du palais[5].
Après cette défaite des troupes du Sy-Liang, aucun des grands n’osa se soulever. Kia-Hu conseilla aux deux chefs devenus si puissants de se concilier les gens de bien par une conduite humaine et équitable. Les deux généraux se rangèrent à son avis ; dès lors les mandarins respirèrent, le jeune empereur commença à jouir de quelque tranquillité. Des Bonnets-Jaunes reparurent dans le Tsing-Tchéou par troupes désordonnées ; le vice-roi de Yen-Tchéou, Liéou-Tay, fut mis à mort par eux ; ils exerçaient mille cruautés sur la population paisible et honnête. Le général Tchu-Tsuen protesta qu’un seul homme était capable de les exterminer. « Hélas ! disaient Ly-Kio et Kouo-Ssé, dans ce pays menacé, il nous faut un héros, sinon tout est perdu ! Voilà les Bonnets-Jaunes en ébullition, qui pourra les calmer ? »
- ↑ Vol. I, liv. II, suite du chap. VII, p. 98 du texte chinois.
- ↑ On trouva dans cette ville de Meï-Ou vingt à trente mille livres d’or, et quatre vingt-dix mille livres d’argent.
- ↑ Vol. I, liv. II, chap. VIII, p. 102 du texte chinois.
- ↑ Vol. I, liv. II, chap. IX, p. 115 du texte chinois.
- ↑ Kia-Hu (son surnom Wen-Ho), était de Kou-Tsang dans le Ou-Hoey ; dans la suite il eut un emploi à la cour des Wei.
Nous avons multiplié par dix le nombre des mesures de grain, parce qu’il y a en chinois une expression qui signifie dix petits boisseaux ; chy, en mandchou houle.
L’Histoire générale de la Chine confirme ces odieux détails de la mort de Tong-Tcho et les rapporte presque dans les mêmes termes.
L’histoire de l’écrivain Ssé-Ma-Tsien se trouve dans les Mélanges asiatiques de M. Abel Rémusat, et dans les Portraits des Chinois célèbres, vol. III des Mémoires, page 17.
Ces quatre lieutenants de Tong-Tcho étaient venus avec lui du Sy-Liang. Voir page 42.
Littéralement : « Reparaîtront en dedans des passages. » On se rappelle que les mécontents s’étaient retirés hors de la capitale et de son territoire, dans les provinces, pour s’y rassembler et y organiser la résistance aux tyrannies de Tong-Tcho.
Ce passage présente quelque difficulté ; nous le traduisons mot à mot : « Ayant écrit les dignités qu’ils réclamaient, ils vinrent présenter (leur requête) à l’empereur. Comme par la violence ils avaient déjà un rang égal (à celui qu’ils exigeaient), le prince consentit aussitôt à les leur accorder. »
Nous avons expliqué plus haut (à la note de la page 84) ce que signifient la hache et le sceau.
Les deux chefs de second rang cités ici sont Ly-Mong et Wang-Fan, qui jouèrent plus tard un rôle assez important.
Le texte chinois dit même : « Un peu de peau et d’ossements. » Ce sont là des détails qu’on peut retrancher sans inconvénient dans une traduction. Ainsi, plus bas, le narrateur exprime avec la même énergie que « les restes de Tong-Tcho furent réduits en bouillie, en boue. »
L’empereur donna aux deux généraux qui venaient le secourir des titres qui leur accordaient une pleine et entière autorité sur les provinces d’où ils étaient venus ; on pourrait traduire : « Il nomma l’un général chargé de soumettre les pays de l’ouest, l’autre général chargé de maintenir dans l’ordre ces mêmes pays. »
Liéou-Tay avait fait partie de la confédération dont Youen-Chao était le général en chef. Voir page 107.