Histoire de la vie et de la mort (trad. Lasalle)/7

Histoire de la vie et de la mort
VII. Prolongation de la vie
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres10 (p. 196_Ch7-203_Ch8).
Substances qui contribuent à la prolongation de la vie.
Article répondant à la dixième question[1].

Jusqu’ici la médecine n’a presque envisagé que la conservation de la santé et la guérison des maladies ; elle traite rarement de ce qui concerne la prolongation de la vie, et n’en parle, pour ainsi dire, qu’en passant. Cependant nous croyons devoir indiquer les seuls médi-

camens qu’on administre ordinairement dans cette vue, et qu’on qualifie de cordiaux. En effet, il est évident que ces substances, et, en général, ces moyens qu’on emploie ordinairement dans la médecine curative ou préservative, pour fortifier le cœur, ou plus exactement les esprits, et pour détruire ou prévenir l’effet des poisons ou des causes morbifiques, pourroient aussi contribuer à la prolongation de la vie, si l’on en faisoit un usage continuel et une partie de son régime habituel. Mais, au lien d’exposer ces moyens tous ensemble et indistinctement, comme on le fait ordinairement, nous nous contenterons d’indiquer les plus puissans et les plus sûrs.

1. On administre l’or sous trois formes différentes : tantôt on emploie ce qu’on appelle de l’or potable, ou du vin dans lequel on a fait éteindre ce métal, ou enfin, l’or même en substance, savoir : ou en feuilles ou en limaille. Quant à l’or potable, on commence à le donner dans les maladies désespérées, ou très graves, à titre de puissant cordial et avec assez de succès. Nous pensons néanmoins que les effets qu’il produit alors, doivent plutôt être attribués aux acides où on l’a fait dissoudre, qu’au métal même ; observation toutefois que ceux qui administrent ce remède, se gardent bien de faire. Si l’on trouvoit, pour dissoudre l’or, toute autre menstrue que ces liqueurs si corrosives, ou même quelque liqueur corrosive, mais destituée de toute qualité vénéneuse, puis bien délayée ; une telle potion rempliroit assez bien notre objet.

2. On emploie les perles, soit en poudre très fine et sans aspérités, soit sous la forme d’une amalgame ou d’une espèce de bouillie, qu’on se procure en les faisant dissoudre dans du suc de citron très acide et très frais. On les administre aussi quelquefois dans une liqueur ou potion. Les perles doivent sans doute avoir quelque affinité avec les écailles auxquelles elles étoient adhérentes : ainsi l’on peut présumer que leurs effets et leurs propriétés ont quelque analogie avec ceux de l’enveloppe écailleuse des écrevisses de rivière.

3. Quant aux pierres précieuses et transparentes, les deux espèces qu’on regarde comme les deux plus puissans cordiaux, sont l’émeraude et l’hyacinthe, qu’on fait prendre sous les mêmes formes que les perles ; avec cette différence toutefois qu’on ne fait point usage de leurs dissolutions. Mais ces pierres transparentes, ayant quelque analogie avec le verre, nous paroissent suspectes à cause de leurs aspérités et de leurs angles tranchans.

AVERTISSEMENT.

Reste à montrer comment et jusqu’à quel point les substances dont nous venons de parler peuvent remplir notre objet et c’est ce qui sera expliqué ci-après.

4. La pierre de Bezoar, comme on s’en est assuré par l’expérience, a la propriété de ranimer les esprits et de provoquer doucement la sueur ; mais la corne de rhinocéros si vantée autrefois, a perdu toute sa vogue ; cependant on la met à peu près au même rang que la corne de cerf, ou encore que cette espèce d’os qu’on trouve quelquefois dans le cœur d’un cerf, ou enfin que l’ivoire et autres semblables substances.

5. L’ambre est éminemment doué de la propriété de calmer et de fortifier les esprits. Quant aux substances comprises dans l’énumération suivante, leurs propriétés étant assez connues, nous nous contenterons de les désigner par leurs noms.

Substances de nature chaude.

Safran,
Feuille indienne,
Bois d’aloès,
Écorce de citron,
Melon,
Basilic,
Clou de girofle,
Fleur d'orange,
Romarin,
Menthe,

Bétoine,
Chardon béni (carduus benedictus).

Substances de nature froide.

Nitre,
Rose,
Violette,
Fraisier,
Fraise,
Suc de limon doux,
Suc d'oranges douces,
Suc de pommes d’une odeur suave,
Bourrache,
Buglosse,
Pimprenelle,
Bois de Sandal,
Camphre.

Comme il est actuellement question des substances et des moyens qui peuvent faire partie du régime habituel, il est nécessaire d’avertir qu’on doit rejeter tous les acides (agens chymiques ou menstrues) trop actifs et trop corrosifs ; substances qui (pour me servir de l’expression de je ne sais quel charlatan, étant sous la planète de Mars, ont une sorte d’activité furieuse et destructive). Il en faut dire autant des substances aromatiques qui ont trop d’acrimonie et de qualité mordicante. Mais il faut tâcher de tirer des substances précédentes des eaux ou liqueurs imprégnées de leurs qualités respectives ; non analogues à celles qu’on obtient par voie de distillation, d’expression ou de filtration, et qui contiennent trop de phlègme : encore moins à ces esprits ardens qu’on en peut extraire par le moyen de l’esprit de vin ; mais des liqueurs plus tempérées, ayant toutefois une certaine force, et d’où s’exhalent des vapeurs suaves, bénignes et restaurantes.

6. Mais de fréquentes saignées peuvent-elles contribuer à la prolongation de la vie ? C’est un point que nous n’oserions décider, et sur lequel il nous reste des doutes. Cependant nous croyons que ce moyen, tourné en habitude, peut être de quelque utilité, pourvu toutefois que les autres parties du régime soient appropriées au même but ; les effets naturels de la saignée étant d’évacuer les vieux sucs, et de les remplacer par de nouveaux.

7. Nous pensons aussi que certaines maladies dont l’effet est de faire maigrir excessivement le sujet qui en est atteint, étant traitées à fond et radicalement guéries, peuvent contribuer à prolonger la durée de la vie ; leur effet propre étant de substituer de nouveaux sucs aux anciens qu’elles ont consumés : car, comme le dit un médecin fameux, être convalescent, c’est rajeunir. Ainsi il faut donner aux sujets dont on veut prolonger la vie, des espèces de maladies artificielles, par le moyen des diètes rigoureuses et amaigrissantes, dont il sera question dans les articles suivans.

  1. Note WS : ce chapitre répond, en fait, au thème de recherche n° 9.