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La maladie est-elle contagieuse ? ce point est le plus important. Les opinions émises à ce sujet doivent se ranger sous deux chefs principaux.
Il importe surtout de ne pas confondre les deux causes d’altération décrites par MM. Morren et Payen, puisqu’il est évident, en effet, que les cryptogames parasites, regardées par ces savants comme cause essentielle du mal, ne présentent aucune analogie.
M. Morren admet que le botrytis apparaît sur les feuilles et détermine la production des taches brunes, en altérant les sucs, et qu’il se propage en répandant des séminules qui, au lieu d’être simples, ne seraient que des capsules renfermant un nombre illimité de corpuscules reproducteurs. Cette manière de voir, si on l’accepte comme vraie, demande cependant à être démontrée, et de plus elle ne rend pas compte de la contagion. Car enfin, que les spores soient des corps simples ou qu’ils en renferment d’autres, pourquoi le botrytis ne se montre-t-il pas sur les tubercules fraîchement arrachés ? pourquoi est-il si rare, si toutefois il existe, sur les pommes de terre avariées, qui se couvrent au contraire de champignons que personne n’a observés sur les feuilles ? pourquoi les hommes les plus exercés aux recherches micrographiques et les cultivateurs les plus éclairés ont-ils vainement cherché à constater sur les tiges la présence du botrytis ? pourquoi des pommes de terre plantées le 7 août entre les touffes de celles qui se sont trouvées détruites ont-elles végété avec vigueur et ont-elles produit aujourd’hui une bonne récolte ? pourquoi des champs couverts de fanes plus ou moins altérées n’ont-ils pas répandu leurs germes infestants sur les tabacs et les tomates que j’ai vus végéter avec vigueur au milieu de ces prétendus foyers d’infection ?
Je le répète encore, mes premières recherches ont été dirigées par l’idée de rencontrer une plante cryptogame sur les tiges détruites et de lui rapporter l’altération ; le même sentiment a guidé les recherches des membres de la commission de la première classe de l’institut des Pays-Bas, et sauf M. Vanhall, MM. Vrolick, Numan, Brants, etc., ont été d’une opinion contraire. Si on veut voir, avec M. Morren, l’effet contagieux du botrytis, qu’on nous explique pourquoi ce même champignon n’engendre de maladie ni dans des champs,) ni même sur des touffes voisines de celles qui se sont trouvées infestées. Tant que cette objection restera debout il sera difficile de vaincre l’incrédulité des botanistes et des agronomes et de leur faire reconnaître dans les botrytis des messagers d’épidémies.
Il faut le reconnaître aujourd’hui, l’opinion de M. Morren, qui a tant contribué à jeter l’alarme parmi les populations, repose sur une erreur d’observation, et les raisonnements les plus subtils n’empêcheront pas que M. Morren, en persévérant dans son hypothèse, ne se trouve complètement isolé.
Il me reste à exposer les expériences entreprises par M. Payen, dans le but de s’assurer si la maladie des tubercules avariés et si la matière brune pouvait se transmettre par le contact immédiat. M. Payen a fait l’expérience suivante :
« Dix tubercules attaqués furent rangés sur un plateau autour de deux tubercules sains d’une autre variété, et dont un était coupé en travers.
« Le plateau fut maintenu sous une cloche dans un air presque saturé d’humidité, à une température de 20 à 28 degrés centésimaux.
« Au bout de huit jours, on n’apercevait aucun signe de transmission.
« Afin de rechercher comparativement si la transmission aurait lieu en dehors de l’influence d’une grande humidité, j’avais entouré trois tubercules sains de la même variété, dont un coupé en deux, avec douze tubercules fortement attaqués, rapprochés des premiers presque jusqu’au contact ; le tout était recouvert de fanes sèches et placé dans un même endroit dont la température varia de 20 à 29 degrés, mais sans ajouter d’eau ; j’avais ménagé au contraire une issue à la vapeur par un léger courant d’air. Après douze et même quinze jours, aucune apparence de végétation cryptogamique ni d’altération quelconque n’apparaissait sur les tubercules sains. »
Cette expérience, comme on le voit, n’a rien que de très rassurant. Elle est loin de s’accorder avec les conseils donnés si malheureusement dans le principe de brûler ou de jeter les tubercules avariés.
Quant à la transmission de la maladie par le contact immédiat des parties brunes dénudées, elle ne doit rien avoir de surprenant, et ne peut rien prouver, selon moi, en faveur de la présence d’un champignon. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler ce qui se passe dans les fruitiers où le contact d’un fruit gâté suffit pour altérer un fruit sain, sans néanmoins qu’on puisse discerner sur le premier soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des tissus, les plus légères traces de champignon. Depuis deux mois je conserve en contact dans un même vase, rempli de terre de bruyère, des tubercules sains et des tubercules très malades, qui conservent chacun leur caractère primitif.