◄ Chapitre II - Examen des corps étrangers développés à la surface ou dans l'intérieur des tubercules. | Chapitre IV - Marche géographique de la maladie. ► |
La prolongation d’un temps pluvieux et froid ayant fait naître, pendant une grande partie de l’été, de vives inquiétudes sur la récolte des céréales, on a pu légitimement attribuer la maladie des pommes de terre à cette même circonstance. La plupart des cultivateurs s’accordent en effet à considérer cette épidémie comme une conséquence naturelle des jours pluvieux ; des brusques abaissements de température et des brouillards que nous avons éprouvés cette année. Plusieurs rapports de sociétés d’agriculture s’expriment nettement à ce sujet. Mais, je me hâte de le dire, cette opinion, quoique appuyée de preuves évidentes dans certaines localités, n’explique peut-être pas seule tous les faits observés jusqu’ici, car nous avons trop peu d’éléments sous les yeux pour qu’on puisse déduire d’observations éparses des conséquences, à l’abri de toute objection.
Voyons cependant si, à l’aide de ces faits rigoureusement exacts, nous pouvons expliquer d’une manière satisfaisante la maladie qui nous occupe. Remarquons, en-passant, avec M. Boussingault, qu’à leur égard c’est moins la quantité moyenne d’eau que reçoit une contrée que la répartition mensuelle de pluie qu’il importe de connaître, puisque en effet de cette répartition résulte parfois le succès ou la non-réussite de telle ou telle culture.
Dans l’opinion de M. Morren, les agents météoriques auraient été cette année sans effet appréciable sur les pommes de terre, et, pour le démontrer, il s’appuie sur les tableaux météorologiques de l’observatoire de Bruxelles.
Voici à ce sujet le résumé publié par M. Quetelet dans le dernier numéro des Bulletins de l’Académie des sciences de Bruxelles.
« Les températures moyennes de chacun des cinq derniers mois, à l’exception de celle du mois de juin, ont été inférieures aux moyennes des températures des mêmes mois pendant les douze années précédentes. Les mois de mai, avril et septembre de cette année peuvent être considérés comme des mois comparativement très froids ; juillet a eu une température un peu basse, tandis que juin est resté dans les limites ordinaires. « Le mois de mai a donné aussi une quantité de pluie qui dépasse sensiblement celle des années précédentes ; les autres mois ne présentent pas d’anomalie à cet égard.
« C’est encore pendant le mois de mai de cette année qu’on a compté le plus grand nombre de jours de pluie ; ce nombre s’est élevé à 25, tandis que, année commune, il ne dépasse pas 14, et il a été tout aussi considérable pendant les mois de juillet et d’août qui ont suivi. » Enfin, d’après les tableaux publiés par l’observatoire de Bruxelles, nous comptons pour le mois de mai 27 jours sombres ou pluvieux, 23 en juillet, en août 18. A Paris, la somme des jours pluvieux ou couverts a été plus forte encore. Ainsi, j’en compte 26 en mai, 30 en juin, 26 en juillet, 25 en août, 20 en septembre.
Je laisse à décider si, d’après ces relevés, il n’est pas permis de faire intervenir les agents météoriques dans la maladie des pommes de terre, et si on doit, comme l’admet M. Morren, la rapporter uniquement au botrytis ?
Pour peu qu’on y réfléchisse, on reconnaîtra que les preuves sur lesquelles on se fonde ici, loin d’être défavorables à l’opinion qui fait intervenir les agents météoriques, conduisent à les reconnaître comme les causes les plus énergiques de l’altération des pommes de terre.
En effet, si les tableaux publiés par les observatoires de Paris et de Bruxelles démontrent que les mois de mai, juin, juillet et août ont été humides et sombres ; si, comme on le sait depuis longtemps, une plante exposée à l’obscurité Cesse de transpirer, et se remplit de sucs qui, n’étant plus élaborés, contiennent une plus grande proportion d’oxygène ; si une plante tenue en permanence pendant quelques jours dans un lieu obscur el, à l’air libre perd également du carbone ; si l’exhalation peut s’arrêter complètement dans un milieu saturé de vapeur ; si enfin la vigueur d’une plante est en rapport avec la quantité d’acide carbonique qu’elle décompose, et, si cette décomposition est en proportion de la lumière solaire que reçoit la plante, est-il donc surprenant de voir un végétal perdre ses feuilles et ses tiges sous l’influence de tels phénomènes ? Ne sait-on pas, en outre, qu’une atmosphère humide accompagnée d’un ciel couvert donnera nécessairement lieu à une altération d’une nature particulière, puisque la plante en cessant de décomposer l’acide carbonique, accumulera des sels qui sous l’influence de la lumière solaire auraient été éliminés par les parties aériennes.
Or, si l’accumulation des sucs jointe à l’absence de lumière solaire peut produire seule une altération semblable à celle que nous offrent en automne les parties herbacées des végétaux, sera-t-il donc nécessaire de faire intervenir l’action fort hypothétique soit d’un champignon, soit de l’électricité, pour expliquer les troubles que pourront subir par suite les fonctions vitales d’une plante naturellement aussi aqueuse que l’est la pomme de terre ?
Celle-ci, d’après tout ce qui précède, me paraît avoir absorbé une quantité d’eau considérable, et l’absence de soleil, en rendant son évaporation impossible, aura entraîné l’altération des feuilles, et partant celle des tubercules.
M. Lindley, dont le nom fait autorité, le remarque très judicieusement. « Si la température est basse, et si l’humidité atmosphérique est considérable, la plante cessera de décomposer l’eau qu’elle reçoit, ses parties les plus jeunes se gonfleront, leur altération ne tardera pas à se manifester et sera suivie de l’apparition d’une multitude de champignons microscopiques. »
Ailleurs M. Lindley, plus explicite encore, attribue sans restriction l’altération des pommes de terre à la saison pluvieuse que nous avons éprouvée. « Pendant la première semaine d’août, le froid a été, aux environs de Londres, de deux à trois degrés au-dessous de la température moyenne, et, dit ce savant, des pluies continuelles et l’absence de soleil font que, tout bien considéré, on comprendrait avec peine qu’une suite de circonstances semblables à celles que nous avons ressenties pût avoir un autre résultat. » En effet, si l’exhalation ou l’évaporation des végétaux est en rapport exact avec la quantité de lumière solaire qui tombe sur les feuilles, on concevra que les pommes de terre auront dû absorber cette année une quantité d’eau considérable, et que l’absence de soleil, en rendant son évaporation impossible, aura dû, pour ainsi dire, entraîner leur altération. Ainsi une réunion de circonstances défavorables à la végétation me paraît avoir produit la maladie des tubercules à laquelle, du reste, le tabac, les racines légumières et nos arbres fruitiers ne se sont pas complètement soustraits.
Dans les Pays-Bas, la pomme de terre paraît avoir été prédisposée à recevoir la maladie par la chaleur inaccoutumée du commencement de juillet. à laquelle a succédé tout à coup une longue suite de jours extraordinairement froids, humides et nébuleux. Un hiver long, humide, une terre à peine dégelée au printemps, la chaleur excessive des premiers jours de juin, suivis d’un été froid et sombre, en un mot, un automne en été me paraît, ainsi qu’à la majorité des cultivateurs hollandais, la première cause de la maladie.
Le rapport de la commission de l’institut des Pays-Bas se prononce nettement en faveur de l’influence de l’humidité, et insiste sur l’absence de lumière solaire comme cause de l’affection.
M. Bouchardat, de son côté, attribue le mal initial, la matière brune, à une modification spontanée éprouvée par la matière albumineuse de la pomme de terre, très altérable sous l’influence de l’oxygène. Il fait dépendre cet accident des variations de température, et il s’appuie sur cette observation que dans les environs de Paris c’est vers le milieu du mois d’août que les tubercules ont été atteints et qu’à cette époque des gelées blanches ont été observées dans plusieurs localités.
Dans les environs de Neufchâteau, au dire de quelques cultivateurs, le froid a été si vif pendant une nuit que le lendemain on remarquait dans les champs une sorte de gelée blanche.
Des observations identiques se trouvent consignées dans le Journal de la Société d’agriculture du département des Deux-Sèvres, et par M. Bonjean, dans le Courrier des Alpes du 20 septembre.
Enfin, M. Georges, dans une brochure spéciale, croit pouvoir attribuer presque exclusivement tous les ravages à l’abaissement de la température. Il a constaté, dans les parties élevées du Limbourg liégeois, des variations de température tellement considérables qu’elles auraient déterminé à la surface du sol de véritables couches de glace. Ce fait s’accorde avec le précédent, mais M. le docteur Georges est-il resté dans les strictes bornes de la vérité quand il présente comme des observations générales et dignes de confiance les remarques plus ou moins équivoques qui lui ont été transmises ?
Admettons un fait, celui d’une température automnale pendant l’été.
Cherchons maintenant à démontrer en peu de mots l’influence de l’humidité sur les terrains plus ou moins fumés, et, par suite, son action sur les tubercules.
Dans ces derniers temps, tous les cultivateurs ont remarqué que les terrains secs non fumés ont beaucoup moins souffert que les terrains fumés et humides. Cette observation s’accorde avec les recherches scientifiques. En effet, si, d’une part, comme on le sait, un sol maigre et sablonneux contient moins de matières minérales solubles que les terrains humides et chargés d’engrais, et si, d’une autre part, il est constant qu’un végétal qui absorbe en excès des sels ammoniacaux jaunit et perd même assez promptement ses feuilles et ses rameaux, on trouve dans ces faits la cause de l’altération des pommes de terre en faisant intervenir, suivant les localités, l’absence de lumière solaire, les pluies, les brouillards et les brusques changements de température, qui paraissent avoir partout coïncidé avec la production de la maladie.
Mais je manquerais le but que je me suis proposé dans cet opuscule si je n’allais au-devant d’une objection spécieuse.
Ainsi, la pomme de terre, dira-t-on, se cultive dans des pays humides, où la température moyenne est inférieure à celle de nos années les plus désastreuses de 1816, 1829, pendant lesquelles la moyenne a été de 9°,4 et de 90°,1. Sa culture, je le sais, s’est étendue en Islande et à des hauteurs considérables sur les montagnes d’Europe ; mais il suffit de faire remarquer que sous ces climats la température varie peu, à partir d’une époque déterminée, et que les variétés précoces y sont seules cultivées ; j’ajouterai enfin une considération importante, c’est que, selon toute probabilité, des races spéciales ont eu besoin de s’y établir et de s’y acclimater avant d’avoir pu entrer, comme aujourd’hui, dans la culture générale.
Pour renverser une théorie scientifique, il ne suffit pas de la combattre par de puissantes objections ; il faut en outre avoir à lui opposer une théorie plus vraisemblable. C’est ce que j’ai essayé dans ce chapitre, à l’égard de celle qui admet encore le botrytis comme la seule cause de l’affection des tubercules. Je crois pouvoir avancer maintenant que la présence des engrais, jointe à l’absence de la lumière solaire et à l’action de l’humidité, en troublant les principales fonctions des plantes cultivées, peuvent, dans certains cas, déterminer leur altération.
En résumé, ainsi que le fait remarquer M. Royer, et ainsi que j’avais essayé de l’établir antérieurement, ce qu’on présente comme une maladie contagieuse, causée par une espèce particulière de champignon, est une altération chimique des sucs dont on doit accuser, avec les cultivateurs les plus instruits, les temps pluvieux et les intempéries de cette année. En effet, d’après les nombreuses observations publiées jusqu’à ce jour et qui sont en harmonie du reste avec celles des agriculteurs, nous venons de voir que, toutes choses égales d’ailleurs, le dommage a été plus grand dans les bas-fonds et les vallées que dans les terrains élevés et secs. Ainsi, aux environs de Paris, tous les tubercules provenant des plateaux dont le sol est perméable et léger ont à peine souffert, quoique cependant les tiges aient été plus ou moins complétement détruites. Dans les communes de Châtenay, Fontenay-aux-Roses, Aulnay, Montmorency, etc., ce fait a été des plus remarquables. En Angleterre, on sait que les pommes de terre et les haricots cultivés dans les jardins abrités de la vallée de la Tamise sont détruits par des brouillards et des gelées, dont les effets sont insensibles sur les collines basses de Surrey et de Middlesex. Cependant, d’après M. Omalius d’Halloy, le contraire se serait manifesté dans le pays de Liège, où la maladie aurait attaqué de préférence les terres sèches et hautes, au lieu de sévir sur les bords de la Meuse et de l’Ourthe, et de suivre les vallées, comme partout ailleurs. A ces considérations j'ajouterai quelques mots sur l'action qu'on peut attribuer à la nature du terrain.
En voyant ainsi la maladie exercer ses ravages, comme au hasard, on a cru pou voir attribuer l'altération des tubercules à un mauvais mode de culture et à une préparation défectueuse du terrain réservé aux pommes de terre dans la plupart des exploitations rurales. Sans rejeter absolument cette opinion, je pense qu'il est difficile de pouvoir l'étendre à tous les pays qui se sont trouvés ravagés, et moins encore aux cultures soignées de quelques agronomes instruits chez lesquels les récoltes ont été complètement détruites. Je ferai même observer à cet égard que les pommes de terre les plus soignées n'ont pu échapper à l'invasion, et j'en citerai un exemple.
Il existe dans la province d'Anvers un village nommé Bével où, depuis un grand nombre d'années, le cultivateur jouit du monopole de fournir à une partie des Flandres les tubercules qu'on destine aux plantations ou aux semis. Là, chaque année, vers le milieu du mois de juin, on visite soigneusement les champs; on détruit toutes les plantes dont les fanes ne réunissent pas les caractères d'une entière perfection ; le buttage y est pratiqué régulièrement deux fois pendant l'été, et aucune de nos cultures maraîchères en France ne pourrait nous donner une idée de la propreté avec laquelle sont entretenues celles de Bével. A l’époque de la maturité, on trie encore, parmi les tubercules-semences, ce qu’il y a de plus parfait ; ces tubercules, choisis avec une scrupuleuse attention, se vendent à un prix très élevé, même aux communes environnantes, et souvent on ne peut suffire aux demandes. Eh bien ! ces pommes de terre soignées ont été atteintes comme les autres, malgré leur culture perfectionnée, et peut-être même, selon moi, à cause de cette culture et de la délicatesse de la race qui en est l’objet.
On doit donc le reconnaître franchement, la cause qui a altéré plus ou moins profondément les tubercules à Bével ne peut être attribuée à une mauvaise culture. Le contraire serait plus vrai, à mon avis, du moins pour cette année. Ainsi, je le répète encore, je ne pense pas que l’observation ait démontré, comme le dit M. Royer, que les cultures placées dans les conditions les plus favorables de sol et de préparation aient notablement moins souffert cette année que celles qui se sont trouvées dans des circonstances opposées.
M. Lindley rapporte, à l’appui de cette opinion, un fait curieux et démonstratif qui s’est passé dans un champ d’une étendue assez considérable, dont le terrain a été l’objet d’une attention toute spéciale de la part de ce savant. La pièce de terre se trouvait, l’année dernière, en pâture ; à l’automne, elle fut défoncée à trois {ers de bêche, mais de façon que le gazon ne fût enfoui qu’à la profondeur d’un fer de bêche seulement. Ce champ, situé entre deux grandes routes, fut ensemencé en pommes de terre et reçut comme engrais, dans les parties contiguës à ces deux chemins, une certaine épaisseur de la poussière qu’on y ramassait. Eh bien ! la maladie s’est déclarée uniquement dans cette pièce de terre sur les parties fumées, en épargnant complétement la portion moyenne de la plantation qui ne l’avait pas été. L’action des substances azotées s’est donc manifestée ici comme dans le pied de pomme de terre cité par M. l’abbé Michot, lequel pied, enfoui par mégarde dans un tas de fumier, s’est sphacélé à partir des fleurs jusqu’au collet.
Enfin, le volumineux rapport des États-Unis nous apprend encore que la maladie a sévi avec plus d’intensité dans les terrains anciennement cultivés et fumés que dans les terres nouvellement défrichées.
Ainsi tous ces faits infirment les remarques de M. Royer, et viennent corroborer mon opinion, d’après laquelle les dégâts considérables des tubercules s’expliqueraient par la présence du fumier déposé au pied des pommes de terre, tandis que des cultures moins soignées auraient présenté ces dégâts à un bien moindre degré. Un agronome distingué des environs de Gand, M. Blanquaert, invite même les cultivateurs à diminuera l’avenir la quantité d’engrais qu’ils accordent à leurs tubercules.
J’ai reconnu moi-même, dans une foule de localités très humides de la Brie, des champs entiers de pommes de terre épargnés par le fléau, et qui n’avaient positivement reçu aucun fumier.
La même remarque peut s’étendre aux variétés cultivées au Muséum dans un terrain rapporté, calcaire, mais très perméable à l’humidité.
Un des agronomes les plus éclairés de la Belgique, M. Berckmans, auquel je m’étais adressé pour obtenir quelques renseignements au sujet de l’affection des pommes de terre, m’écrivait : « J’ai assisté à l’invasion du fléau qui s’est déclaré vers la fin de juin, et cependant il m’est impossible de vous dire d’une manière certaine si la maladie a commencé par les feuilles, ou si les feuilles n’ont fait que subir le résultat du dépérissement des racines. Le mal me paraît cependant avoir commencé par les feuilles, quoique ce ne soit pas le cas ordinaire pour nos végétaux des grandes cultures. Les centaines de plantes que j’ai fait arracher sous mes yeux m’ont offert des racines saines, tandis que les fanes étaient plus ou moins affectées. J’ai fait couper les tiges de quelques carrés rez terre, et j’ai vu de nouveaux bourgeons se développer sur les tiges mutilées. Mes cultures sont largement fumées. On a fait, à mon avis, jouer un rôle trop exclusif à l’humidité. Quoique les pluies aient été abondantes, la quantité d’eau tombée chez moi a été comparativement faible ; elle n’a pas suffi à détremper la terre à une profondeur suffisante. En effet, à l’époque de la plus grande violence du mal, la terre n’était humectée que jusqu’à 2 décimètres. Les premiers jours de mai avaient été si arides que la terre était desséchée à une profondeur considérable ; et, depuis cette époque, les alternatives d’un soleil brûlant et de pluie ont, pour ainsi dire, laissé au sol ce même état de sécheresse. Chez moi, je puis vous l’affirmer, les terres légères n’étaient pas suffisamment humectées et les terres fortes ne l’étaient pas trop. La végétation était exubérante vers le milieu de juin. Nous eûmes alors deux ou trois jours d’une chaleur excessive ; mais, à partir de cette époque, l’air a, pour ainsi dire, constamment élé chargé d’électricité et le ciel couvert d’un brouillard dense et fétide. C’est à la suite de ces perturbations atmosphériques que j’ai remarquésur les fanes les premières atteintes du mal, attribuées par les uns au feu électrique, par les autres au brouillard, mais que tous les campagnards assimilaient à une brûlure, comparable en effet à l'altération que présentent en outre les parties herbacées d'une foule de plantes. Quelques nuits remarquablement froides ont suivi ces chaleurs vives et ces brumes. »
Nous trouvons donc encore ici une preuve de l'action des agents météoriques sur des cultures largement fumées.
En général, les variétés hâtives ont produit la récolte d'une bonne année, et, à leur égard, les évaluations de M. Royer me paraissent l'expression de la vérité pour les environs de Paris ; on verra plus loin qu'il n'en est plus de même en Hollande et en Belgique. Ainsi, dans certaines localités, la maladie s'est bornée aux tiges sans atteindre les tubercules ; dans d'autres au contraire, après avoir frappé les fanes et avoir épargné pendant quelques semaines les tubercules, elle semble être revenue sur elle-même pour frapper ce qui d'abord avait échappé comme n'offrant pas un état de développement assez avancé.
En Belgique, toutes les variétés ont successivement fini par être atteintes, mais les tubercules destinés au bétail ont succombé les derniers; les grosses patraques, au contraire, les Rohan, ont été les premières à s’altérer sur quelques points des environs de Paris.
Deux variétés, celles dites des Cordilières et de Lima, n’ont absolument rien produit dans un terrain bien soigné où, année commune, un des agronomes des plus éclairés des environs de Gand, M. Blanquaert, récoltait 7 ou 8 hectolitres.
Les pommes de terre bleues, communément cultivées en Belgique, ont été presque totalement perdues ; à peine en est-il resté un douzième d’une récolte ordinaire, et encore n’était-on point certain de leur conservation.
Aux environs de Paris et dans la Brie, les segonzac, les moussons roses, les fine-peau, les patraques jaunes, ont souffert à une époque où les vitelotes, les pommes de terre bleues et violettes se conservaient en parfaite santé.
Des observations analogues ont été faites en Hollande. Ainsi des champs de la variété rouge-pâle, enclavés au milieu d’autres champs de pommes de terre, se sont conservés jusqu’au 5 septembre. Ailleurs, la maladie épargnait l’early-kidney, l’ananas dans les cultures du baron Barneveld, et les frappait chez d’autres cultivateurs.
M. Numan, dans son rapport au gouvernement des Pays-Bas, indique les pommes de terre jaunes de la Frise comme la race qui aurait été partout attaquée la première, puis les blanches et les bleues du même pays ; les rouges les blanches-rosées, puis enfin les rouges de Zélande.
Enfin, ce qui vient appuyer encore mon opinion sur l’acclimatation des races, c’est qu’une variété nommée westlanders (des terres de l’ouest), les westbergers (des montagnes de l’ouest), les peruviennes, les cordilières, les kidneys les coblentz, ainsi que plusieurs autres variétés ou races nouvellement introduites, ont complétement été ravagées et n’ont même produit aucun tubercule en Hollande.
Je conclus des observations rassemblées dans ce chapitre :
Qu’au point de vue physiologique, l’absence de lumière solaire, jointe à l’humidité de l’atmosphère, peut rendre compte de la maladie des pommes de terre ;
Que, sous ces mêmes influences, les terrains humides et fumés auront concouru plus que les terres maigres à favoriser l’extension de la maladie;
Que les races nouvellement introduites dans un pays peuvent avoir besoin de s’y acclimater avant de supporter des causes d’altération auxquelles résistent les races anciennes.