Histoire de l’Affaire Dreyfus/T5/5

Eugène Fasquelle, 1905
(Vol. 5 : Rennes, pp. 535–568).

CHAPITRE V

LA GRÂCE

I. Waldeck-Rousseau projette de déférer le jugement de Rennes à la Cour de cassation pour excès de pouvoir, 536. — Opposition de Galliffet ; sa lettre du 8 septembre, 537. — Waldeck-Rousseau confère avec Mornard, 538. — Les juges de Rennes demandent que la dégradation soit épargnée à Dreyfus, 539. — La presse revisionniste et le jugement de Rennes, : 542. — II. Manifestations anti-françaises à l’étranger ; projet de boycottage contre l’Exposition, 544. — Mon article : « Il faut dégager l’honneur de la France ! », 545. — La grâce immédiate ; discussion avec Jaurès et Clemenceau, 546. — III. Mathieu Dreyfus et la grâce ; ma démarche chez Waldeck-Rousseau, 547. — La clause de la surveillance de la haute police, 550. — Millerand conseille le retrait du pourvoi de Dreyfus, 551. — IV. Mathieu Dreyfus chez Millerand, 553. — Ses perplexités : je me prononce pour le retrait du pourvoi, 555. — Discussion avec Jaurès, Clemenceau et Gérault-Richard ; le retrait décidé 558. — V. Mathieu repart pour Rennes ; son entrevue avec son frère, 559. — Conseil des ministres du 12 septembre ; opposition de Loubet à la grâce immédiate ; ajournement de la grâce au 19 septembre, 560. — VI. L’opinion publique et la grâce, 562. — Lettre de Galliffet à Waldeck-Rousseau sur l’amnistie, 563. — Première séance de la Haute Cour, 565. — Loubet signe le décret de grâce ; départ de Dreyfus pour Carpentras ; mort de Scheurer-Kestner, 566.




I

L’acquittement de Dreyfus eût tout terminé, réconcilié l’armée, la nation avec elles-mêmes. La recondamnation, « faute de preuves d’innocence », le jugement peut-être le plus extraordinaire de l’histoire, les circonstances atténuantes pour la trahison, — c’est-à-dire, en apparence, le crime par excellence contre la patrie déclaré excusable par des soldats et, en fait, la fissure où passait, malgré eux, leur doute, l’aveu de leur incertitude ; — une réponse si contradictoire qu’on y peut voir également un verdict déguisé d’acquittement et un crime d’État qui a honte de lui-même, l’absurde autant que l’odieux d’une telle sentence, ce n’était pas une conclusion ; il n’y eut personne qui ne comprît que cette parodie de justice n’était pas le dénouement de la tragédie, et personne qui se flattât qu’un seul des combattants pour la Vérité désarmerait devant un tel défi à la raison et à la conscience.

Le premier sentiment du gros des revisionnistes (pour qui Rennes, toujours en vertu de leurs habitudes de théâtre, devait être « le cinquième acte »), ce fut la stupeur, « la terreur sacrée, dit Zola, de l’homme qui voit l’impossible se réaliser, les fleuves remonter vers leurs sources[1] ». Mais nul découragement.

Voici comment Brisson apprit le verdict de Rennes. Il arpentait fiévreusement, dans son jardin de Montmorency, une petite terrasse qui domine la rue ; un passant, qui retournait de Paris, l’aperçut, cria : « Vive la justice quand même ! »

Le cri de cet inconnu, ce fut celui de tous ceux qui s’étaient jetés dans cette lutte ; il jaillit de leurs cœurs, éclata, affirma sur l’heure, devant l’injustice militaire, la souveraineté du Droit.

L’instinct de justice est le plus ancien, le plus profond de l’homme. Les dieux peuvent mourir, non la justice : elle est la raison d’être du monde. Même vaincue, elle progresse. Deux voix sur sept pour Dreyfus, cinq pour les circonstances atténuantes : donc, « l’iniquité recule[2] ».

C’était exact que l’iniquité reculait ; pourtant elle tenait de nouveau l’innocent, remportait sa proie.

Qu’allait faire le gouvernement ?

On a vu que Waldeck-Rousseau, qui s’attendait à la condamnation, avait annoncé en même temps qu’il en appellerait à la Cour de cassation[3]. Encore une fois, l’intérêt de la loi (le seul que pût connaître le gouvernement), l’intérêt de Dreyfus, c’était tout un. La thèse juridique paraissait très forte : « La Cour de cassation a donné un mandat limité au conseil de guerre ; celui-ci en est sorti sciemment ; la Cour, saisie par le ministre de la Justice[4], fera prévaloir son arrêt, la loi, contre ceux qui ont affecté de n’en pas tenir compte. »

Monis fut du même avis, prêt à marcher. Mais il fallait l’assentiment de Galliffet.

Waldeck-Rousseau s’était cru sûr du général. L’avant-veille du verdict, il lui expliqua ses intentions. Galliffet écouta d’abord sans trop objecter ; puis, à la réflexion, le matin suivant, lui écrivit : « S’il y a condamnation et condamnation à l’unanimité ou presque unanimité, nous ne pourrons pas nous dissimuler qu’il y a dans l’armée un parti pris, et absolument pris, de ne pas vouloir l’acquittement de Dreyfus » ; dès lors, si le gouvernement intervient, « s’il provoque, par les actes du Garde des Sceaux, la cassation du jugement de Rennes pour excès de pouvoir, ce sera le combat contre deux conseils de guerre, le combat contre toute l’armée concentrée dans une résistance morale… N’oubliez pas qu’à l’étranger, partout à l’étranger, la condamnation sera jugée avec une sévérité extrême ; n’oublions pas qu’en France, la grande majorité est antisémite. Nous serons donc dans la posture suivante : d’un côté, toute l’armée, la majorité des Français (je ne parle pas des députés et des sénateurs), et tous les agitateurs ; de l’autre, le ministère, les dreyfusards et l’étranger[5]. »

Il n’y avait que trop de vrai dans cette vue simplifiée et brutale des choses. La lettre, d’une cordialité respectueuse, finissait pourtant sur une vague menace : « Nous n’avons pas été et ne voulons pas être le ministère de l’acquittement… Le gouvernement ne peut entrer en lutte contre les arrêts réfléchis de deux conseils de guerre. »

Le lendemain, une heure après la condamnation, Galliffet était chez Waldeck-Rousseau, parce qu’il n’eût pas été élégant de n’y point paraître, malmenait fort les juges, mais n’en persistait que plus dans son avis.

Plusieurs des autres ministres, notamment Delcassé et Jean Dupuy[6], partageaient ses craintes et, certainement, au Conseil, auraient voté avec lui. D’autres hésitaient. Loubet émit l’opinion (antijuridique) que c’était à Dreyfus, non au gouvernement, qu’il appartenait de déférer l’arrêt de Rennes à la Cour de cassation. Les journaux lui rappelaient son discours de Rambouillet, son imprudente promesse (quand il croyait à l’acquittement) que tout le monde s’inclinerait devant le verdict.

Dans cet embarras, Waldeck-Rousseau voulut d’abord consulter Mornard, qui avait suivi les débats de Rennes jusqu’à la fin et qu’il tenait, depuis longtemps, en haute estime. S’il y a des motifs de cassation dans le procès ou dans le jugement, nul ne les aura relevés plus sûrement que Mornard ; d’autre part, si profond que soit son dévouement à Dreyfus, il ne donnera pas un avis qui ne soit motivé en droit ou qui conduirait à un échec.

Ils examinèrent donc tous deux la question dans la journée du lendemain (10 septembre), mais pour se heurter de toutes parts à des difficultés insurmontables ou à des impossibilités légales. Sous réserve des vices de forme que pouvait révéler l’examen plus attentif de l’arrêt lui-même, il y avait bien, selon Mornard, trois moyens principaux de cassation : la reprise du vieil acte d’accusation de d’Ormescheville (malgré l’arrêt des Chambres réunies) ; l’excès de pouvoir commis par le conseil de guerre (pour être sorti du cercle tracé par cet arrêt et avoir méconnu, sur la question des aveux, l’autorité de la chose jugée) ; enfin, l’empiétement des témoins à charge sur les attributions du ministère public. Mais, d’une part, ces moyens, pour sérieux qu’ils fussent, seraient sûrement écartés par le conseil de revision militaire devant lequel Dreyfus s’était déjà pourvu (dès la veille), mais sans espoir ; et, d’autre part, il n’existait pour son client aucun moyen de saisir lui-même la Cour de cassation ; sa requête serait déclarée non recevable ; seul, le ministre de la Justice peut saisir la Chambre criminelle ; seulement son pourvoi ne peut aboutir qu’à l’annulation de l’arrêt du conseil de guerre, — en aucun cas, à une déclaration d’innocence.

Ainsi, alors même que Waldeck-Rousseau se fût décidé à passer outre aux scrupules de Galliffet et de Loubet, la situation, du côté de la loi, était sans issue. Les juges civils, saisis seulement d’une requête en annulation, renverraient Dreyfus à d’autres juges militaires, qui condamneraient à nouveau, donneraient, une fois de plus, raison à Zola : « Comment a-t-on pu espérer qu’un conseil de guerre déferait ce qu’un conseil de guerre avait fait[7] ? »

En fait, Waldeck-Rousseau avait trop présumé de son ministre de la Guerre, du Président de la République et de la Loi elle-même. Il dit alors à Mornard qu’il y aurait peut-être une autre solution, fort différente, dont il avait touché, la veille, quelques mots à Loubet et à Galliffet : À défaut de la justice, la bonté, gracier Dreyfus.

Il sut seulement plus tard quelle avait été la première pensée, la première parole de Scheurer, à la nouvelle que Dreyfus était recondamné : « Loubet le graciera. »

Mornard répondit qu’ayant vu Dreyfus tous les jours dans sa prison, depuis un mois, il était convaincu que le maintenir en état de détention, c’était le condamner à mort à bref délai, et que, si on voulait lui permettre de vivre jusqu’au jour où serait proclamée définitivement la vérité, la grâce s’imposait. « La grâce est possible », lui dit simplement Waldeck-Rousseau ; et l’entretien prit fin sur ces mots[8].

Il y avait des signes assez certains que la mesure ne rencontrerait pas beaucoup de résistance chez les adversaires de Dreyfus. Depuis qu’il était rentré parmi les hommes, l’humanité (sauf chez quelques enragés ou quelques cyniques), la nature reprenait ses droits. On avait eu beau dire, comme Barrès, que le séjour du juif à l’île du Diable avait été une « villégiature[9] », Auffray et Mercier eux-mêmes avaient compris, comme on a vu, que les juges auraient acquitté s’ils n’avaient eu le choix qu’entre un verdict de vérité et l’île du Diable. Les cinq qui avaient condamné ne s’étaient résignés à être injustes qu’à la condition de diminuer l’iniquité par l’abaissement de la peine. Ils volaient l’honneur, mais laissaient la vie. Que des soldats eussent consenti un pareil trafic de justice, rien ne prouvait plus la décadence des sentiments qui faisaient autrefois la noblesse et la beauté de l’esprit militaire. Leur conscience affolée, corrompue, s’était rassurée à la pensée que leur victime souffrirait moins dans sa chair.

Le verdict prononçait la dégradation, parce que la loi le voulait. Mais ils ne purent supporter l’idée, qui réjouissait seulement Drumont et Rochefort, d’une nouvelle parade d’exécution. À la même heure où Waldeck-Rousseau consultait avec Mornard, ils se concertèrent, demandèrent (à l’unanimité) que la dégradation fût épargnée à Dreyfus[10].

Pourquoi, s’il est un traître ? Si ce riche officier d’État-Major a vraiment vendu pour quelques écus les secrets de la défense nationale, lui arracher une seconde fois ses galons est à peine un châtiment.

Ainsi ; ils se condamnaient eux-mêmes, désavouaient eux-mêmes leur sentence, pendant que les plus avisés parmi les nationalistes conseillaient de « sceller un marbre mortuaire sur l’Affaire[11] ».

Mais, précisément, parce que ces malheureux et les misérables, dont ils avaient été les instruments consentiraient volontiers à la grâce, Waldeck-Rousseau s’inquiétait que les militants dans l’autre camp la repousseraient, et l’acquiescement de Mornard ne suffit pas à le rassurer à leur endroit. Ivres d’idéal ou emportés par des passions moins nobles, mais qui se couvraient de justice, la grâce leur apparaîtra, ou ils la dénonceront comme une injure au Droit et à l’innocent. Grâce : remise de la peine que le prince fait à un coupable. « La grâce ?… Pour qui ? Pour les juges ? »

Il n’y avait qu’à lire leurs journaux, plus frémissants, plus tumultueux que jamais, pour redouter que ce fût leur réponse. La douleur, l’indignation y criaient jusqu’au ciel. Même la forme la plus basse de la colère, l’injure, parut, ce jour-là, de l’éloquence. Guyot proposait d’élever un monument à l’infamie des juges[12]. On annonçait une campagne de réunions à travers toute la France, une formidable agitation contre la haute armée, « cette caste insensée ou scélérate qui n’a plus rien de commun avec la nation[13] ». Et des centaines, des milliers de dépêches arrivaient à la prison de Rennes, portaient à Dreyfus l’assurance que la lutte ne cesserait pas, deviendrait plus ardente.

Comment parler d’apaisement à ces passions de guerre civile, de grâce à cette soif intense de justice ? Et cependant c’était le seul parti qui restât, puisque la porte de la Loi s’était refermée.

Ou il fallait appliquer l’inique, le détestable jugement, et le cœur de Waldeck-Rousseau se serrait à cette pensée. Ou il fallait que l’initiative de la grâce fût prise par l’un des hommes qui avaient aidé à déchaîner cette révolte de la Vérité et du Droit.

II

L’idée de la grâce de Dreyfus ne me fut pas seulement dictée par la pitié pour l’homme, l’infortuné, que je devinais dans sa cellule, désespéré, doutant de tout, sauf de lui-même, à bout de forces, s’éteignant loin de sa femme et de ses enfants déshonorés.

Je connaissais l’étranger ; pendant toute la nuit qui suivit le verdict, ma pensée se promena de la prison de Rennes aux pays d’outre-Rhin et d’outre-mer, où le cri ne sera pas seulement contre les juges, les faussaires et les faux témoins. Il n’y a pas que la primauté militaire et politique de la France d’autrefois qui ait été insupportable au monde ; elle a été trop orgueilleuse encore de ses croisades et de sa Révolution, d’avoir accompli « les gestes de Dieu » et d’avoir proclamé « les droits de l’Homme » ; et, maintenant, la voici vaincue aussi dans son esprit, tombée à cette déchéance intellectuelle et morale.

Les renseignements qu’on reçut dans cette même soirée et qui furent publiés le lendemain, dépassèrent mes prévisions. Non seulement les journaux du monde entier s’indignaient, sans mesure, déclamaient sur cette défaite de l’armée française, « plus honteuse cent fois que Sedan », et ce crime collectif « auprès duquel pâlissaient tous les autres crimes de notre histoire depuis le Palatinat jusqu’à Napoléon » ; mais, dans vingt villes, à Anvers, à Bruxelles, à Pesth, à Milan, à Naples, à Londres, à New York, des manifestations populaires avaient éclaté ; et il avait fallu que la police intervînt, protégeât les demeures de nos nationaux et les drapeaux de nos consuls contre les injures et les pierres. De toutes parts, on proposait de mettre la France en quarantaine, de décliner son invitation à l’Exposition, qui devait s’ouvrir au printemps prochain, ou d’y aller comme dans un mauvais lieu[14].

Révolte de la conscience universelle ? coalition spontanée de jalousies et de haines ? Contre l’une ou contre l’autre, c’est l’évidence que nul raisonnement, nul plaidoyer ne sera efficace. Tous nous sommes atteints, éclaboussés. « Il faut dégager l’honneur de la France ! »

J’écrivis, sous ce titre, un article qui était le développement, un peu oratoire, de cette formule, et dont la conclusion était que le gouvernement, le pouvoir exécutif, était seul en situation de réparer le mal, qu’un acte immédiat s’imposait, et que cet acte, à défaut d’un pourvoi du ministre de la Justice, c’était la grâce. Ainsi toute solidarité sera rompue entre les cinq juges de Rennes et la France, le peuple français au nom de qui ils ont recondamné un innocent[15].

J’ai écrit plusieurs milliers d’articles ; je n’en ai écrit aucun avec une telle certitude d’être dans le vrai.

La grâce immédiate, cet acte, sans précédent, d’un ministre de la Guerre déchirant un jugement militaire à peine rendu, avant que l’encre en soit sèche, c’est la République elle-même qui déclare Dreyfus innocent et qui libère la France de toute complicité avec l’injustice.

Du coup, les dénigreurs étrangers auront bouche close : quel autre gouvernement, quel autre peuple aura remonté ainsi, d’une telle chute, à une telle hauteur ?

Il y avait de la « poésie » dans cette conception, mais c’est ce qui en faisait la force.

L’article parut le lendemain matin, non sans quelque résistance d’Yves Guyot ; il étonna d’abord, puis émut.

Entre temps (l’après-midi du 10), je me rendis aux bureaux du Radical où je fis part à Clemenceau et à Jaurès de mes réflexions : qu’il ne servirait de rien de déférer le jugement de Rennes à la Cour de cassation et qu’il fallait demander à Waldeck-Rousseau la grâce immédiate de Dreyfus. Clemenceau se récria vivement. Après avoir soulevé tout un peuple pour la Justice, il est immoral de l’inviter à retourner chez lui avec la grâce d’un individu ; Dreyfus remis en liberté, rentré au refuge familial, retrouvant sa femme et ses enfants, les âmes sensibles seront satisfaites ; nous perdons toutes nos troupes ou peu s’en faut ; impossible de continuer plus longtemps la bataille ; c’est la fin de l’Affaire, et quelle fin[16] !

Jaurès parla dans le même sens, mais, selon son tempérament, avec plus d’émotion et moins d’âpreté. Au contraire, Bernard Lazare, qui arrivait de Rennes, et Victor Simond m’appuyèrent[17] ; ils dirent que les militaires s’attendaient à la grâce ; que Carrière, le jugement rendu, avait donné à l’entendre. Sur quoi Clemenceau : « Vous voilà d’accord avec l’État-Major ! »

Ce qu’il y avait d’exact, à mon sens, dans les objections de Clemenceau, c’était que la grâce, en effet, finirait la partie héroïque de l’Affaire et que Dreyfus en prison, puisque les soldats eux-mêmes avaient refusé de le renvoyer à l’île du Diable, toucherait davantage les cœurs que Dreyfus libre et renaissant à la vie parmi les siens. Je convins donc qu’enlever aux polémiques le magnifique argument de la pitié, c’était les affaiblir, parce qu’il faut prendre les hommes comme ils sont ; cependant la tâche, bien que diminuée, n’en restera pas moins très belle, plus haute même et plus grande, car alors passeront à l’épreuve de la pierre de touche l’or pur des amis irréductibles de la justice et le métal plus vulgaire de ceux qui souffraient surtout de la souffrance d’un malheureux. Et quand même nous serons moins nombreux (et nous le serons), de quel droit prolonger nous-mêmes le supplice d’un homme pour que nos discours et nos articles soient plus émouvants et plus sonores ? Arracher Dreyfus à ses bourreaux, c’est arracher une épine du cœur de l’humanité. Elle respirera mieux. L’air pèsera moins sur elle. Tous, nous aurons moins mal à la vie. Enfin, si l’armée et les juges de Rennes doivent accueillir la grâce avec satisfaction, quel aveu que le doute est dans leurs consciences ! S’ils n’avaient pas, eux-mêmes, honte ou peur de leur verdict, se réjouiraient-ils de le voir en morceaux ?

Cependant Jaurès et Clemenceau persistèrent dans leur opinion, mais, déjà, je les sentais ébranlés ; en fait, ni l’un ni l’autre ne tenaient les raisons sentimentales pour méprisables ; surtout, l’argument, où j’insistai, sur les effets de la grâce à l’étranger les toucha au vif. Encore quelques jours, et Clemenceau le reprendra lui-même, s’écriera, à la lecture des journaux anglais et allemands : « La France méprisée, qui aurait pu rêver cette affreuse douleur[18] ? »

III

Le lendemain (11 septembre), à la première heure, Mathieu Dreyfus entra chez moi, la figure ravagée, des « trous » sous les yeux, et, tout de suite, après que je l’eus embrassé, il me dit : « Il faut la grâce, la grâce sans retard, ou mon frère va mourir. »

Il me raconta leur dernière entrevue, de la veille, son frère, sans une plainte, d’une résignation de saint, prêt à tout, même à la dégradation, mais brisé, se traînant à peine, toute sa force vitale épuisée. Depuis son retour, c’était lui-même qui avait exigé que ses enfants fussent tenus encore dans l’ignorance de ses malheurs, alors que d’autres eussent aimé que leur mère les conduisît à sa prison et « qu’ils eussent à jamais dans la mémoire leur père retrouvé là, en plein héroïsme[19] ». Maintenant, il demandait qu’on les lui amenât dans sa cellule, pour les voir une dernière fois, dans le pressentiment qu’il avait de la fin.

Mathieu ajouta que son frère ne savait rien de la démarche qu’il me priait de faire auprès des ministres ; l’impénitent soldat qu’il était s’y serait opposé, mais Mathieu n’avait pas le droit de le laisser mourir, inutilement, dans sa prison. Pour son pourvoi, il était de pure forme, et Mornard avait même hésité à le lui faire signer. Que Galliffet convoque le conseil de revision pour le lendemain ; aucun avocat ne s’y présentera ; la condamnation devenue alors définitive, la grâce pourra être aussitôt signée.

Depuis deux ans que je voyais Mathieu presque tous les jours, je le connaissais comme moi-même. Je sentis tout ce qu’il souffrait à demander la grâce après tant d’efforts vers la justice ; mais, s’il s’y fût refusé, il eût préféré son orgueil à son frère.

On enseigne aux enfants que le devoir est doux. C’est à tort. Le devoir est presque toujours amer. S’il n’était amer, il serait moins noble. Dans le doute entre deux partis, le plus pénible, c’est le devoir. La plupart choisissent l’autre — et déclament.

Mathieu ne s’étonna point que Jaurès et Clemenceau fussent hostiles à l’idée de la grâce ; il l’eût été lui-même il y a trois jours, mais m’assura qu’il les persuaderait. Victor Simond, qui survint vers la fin de l’entretien, lui promit le concours de ses amis et m’accompagna au ministère.

Au premier mot que je dis à Waldeck-Rousseau, son visage s’éclaira. Malgré mon article du matin et la formule : « Il faut dégager l’honneur de la France » qui l’avait frappé, il ne s’attendait point à tant de sagesse. Il nous dit aussitôt qu’il était décidé, pour sa part, à la grâce, mais que, cependant, il prévoyait des difficultés, Loubet inquiet, l’armée qu’il fallait préparer à ce désaveu des juges de Rennes ; ne pourrait-on pas attendre quelques semaines ?

Je me récriai vivement : « Dans un mois, la grâce ne sera qu’une mesure de pitié. Il faut que la grâce d’un tel innocent ait une autre signification. Je ne vous demande pas la grâce, mais la grâce immédiate. Toute la vertu de la mesure est là, dans la réponse immédiate du gouvernement de la République au conseil de guerre. Hier encore, en Angleterre, en Suisse, en Norvège, jusqu’en Amérique, les manifestations hostiles, injurieuses, se sont renouvelées. Il faut agir sans retard, déchirer tout de suite, au nom de la France, ce jugement qui la déshonorerait si elle l’acceptait. »

Il résista encore quelque temps, puis consentit, s’engagea, et nous remercia d’un mot simple, comme il savait le faire, douloureux comme ces jours troublés et le grand acte qui allait s’accomplir.

Les autres ministres, qu’il vit lui-même ou qu’il nous pria de voir, se rangèrent à son avis, la plupart avec empressement, deux ou trois, parce que la grâce les engageait directement, après un peu de défense. Galliffet, avec l’arrière-pensée de l’amnistie, fut aussi chaud pour la grâce qu’il avait été opposé au pourvoi en cassation ; il dit qu’il prendrait lui-même l’initiative de la mesure au prochain Conseil, qu’il n’en laisserait l’honneur à personne et qu’il répondait de l’armée.

Les choses marchaient ainsi à souhait quand Millerand, avec son habitude des affaires de justice, découvrit tout à coup l’obstacle le plus inattendu.

On a vu que Mornard avait hésité à faire signer par Dreyfus son pourvoi devant le conseil de revision, qu’il n’en attendait rien et que Mathieu avait décidé de ne pas le soutenir. Or, le pourvoi ne pouvait point ne pas être admis, parce que les juges de Rennes, dans leur trouble, avaient négligé de se prononcer sur la surveillance de la haute police après l’expiration de la peine. La mention : « qu’il a été délibéré de la réduction ou de la dispense », étant prescrite par le Code à peine de nullité, le conseil de revision se trouvait tenu de casser le jugement de Rennes, sans que le commissaire du gouvernement pût s’y opposer. Mais la cassation ne sera que partielle, c’est-à-dire que le corps du jugement subsistera et que le nouveau conseil de guerre aura seulement à se prononcer, et sans débats, sur la question accessoire de la surveillance de la haute police[20]. Ainsi le pourvoi en revision n’aura eu d’autre résultat que d’aggraver la peine et le malheur de Dreyfus ; il aura été jugé par trois conseils de guerre ; la mauvaise foi des partis exploitera que le troisième l’aura condamné à l’unanimité, et le bénéfice du partage des voix à Rennes sera compromis ou perdu. D’où Millerand tirait cette conclusion : que Dreyfus renonce à son pourvoi, le jugement de Rennes « passera en force de chose jugée » et, dès demain, la grâce pourra être proposée par Galliffet et signée.

Dès que Millerand m’eût rappelé les textes, qui ne laissaient aucune place à la discussion, je lui dis que, pour ma part, je proposerais certainement à Mathieu Dreyfus le retrait du pourvoi, parce que je mettais au premier rang le désaveu immédiat du jugement de Rennes par le gouvernement de la République, mais que ceux de nos amis qui étaient opposés à la grâce allaient trouver dans cet incident imprévu un redoutable argument. « Ce n’est plus, me diront-ils, le gouvernement qui déchire de sa propre initiative un jugement inique, c’est Dreyfus qui demande grâce et invoque qu’il a trop souffert après avoir tant déclaré qu’il revendique seulement son honneur. » Et les adversaires impénitents de la revision, jésuites de toutes robes et faux patriotes, trouveront mieux : « Dreyfus, en retirant son pourvoi, est convenu qu’il a été justement condamné. »

Millerand admit que Dreyfus, en retirant son pourvoi, consentirait un sacrifice ; quelle duperie cependant, après tant de véritable héroïsme, que d’attacher son honneur à une troisième condamnation automatique ! Elle ne le grandira pas dans l’estime des hommes, ne le rapprochera pas de la justice définitive et rendra plus difficile la grâce, cette grâce qui ne sera pas seulement libératrice pour lui.

Je cherchai, nous cherchâmes ensemble une objection qui ne serait pas de la rhétorique. Tant d’événements tragiques, après nous avoir divisés jusqu’au duel, puis réconciliés dans la même bataille pour la Justice, nous avaient fait alors les mêmes yeux. Mais réussirais-je à persuader Mathieu Dreyfus ?

Millerand se rendit alors chez Waldeck-Rousseau, qui lui dit que Loubet consentait à la grâce et que Galliffet en ferait la proposition au conseil du lendemain, si, d’ici là, le pourvoi était retiré.

IV

Quand j’arrivai, vers cinq heures, aux bureaux du Radical, j’y fus mal accueilli. Jaurès et Clemenceau, déjà informés par Victor Simond, se prononçaient résolument contre le retrait du pourvoi, et s’étonnaient ou, plus exactement, s’indignaient que j’en fusse d’avis. Ils répétaient : « C’est la honte ! c’est le déshonneur ! » Tout ce que j’essayai de leur dire ne fit que les irriter davantage. Simond fut seul à m’appuyer, Sigismond Lacroix inclinait au maintien du pourvoi, et Ranc, encore perplexe, gardait le silence.

Arrive Mathieu Dreyfus, à qui Jaurès raconte les derniers incidents et qui s’écrie aussitôt : « Non ! Jamais je ne conseillerai à mon frère de retirer son pourvoi ! Il mourra en prison ; sa mort sera sur la conscience des ministres ! — Ah ! voilà qui est parler, s’écrie Clemenceau, en lui serrant chaleureusement la main ; vous êtes un brave, je n’attendais pas moins de vous ! »

Je fus assez maître de moi pour ne prononcer aucune parole imprudente. Plus cette effervescence verbale se répandait en écume, plus je sentais le roc solide sous mes pieds. Si j’étais allé jusqu’à l’extrémité de ma pensée, j’aurais dit à Clemenceau que je le trouvais plaisant de condamner Dreyfus à une nouvelle condamnation et à une prison mortelle pour garder une matière à déclamation et un sujet abondant d’articles ; que j’étais fier de ne pas pratiquer ce genre de courage aux dépens des autres ; qu’en tout état de cause, il me paraissait imbécile de tout sacrifier, dans le présent, sous prétexte de recouvrer tout l’avenir ; et que, dans l’espèce, on allait tout sacrifier pour une attitude, pas même pour l’ombre d’un principe. Pourtant, je n’en dis rien et je fis bien, parce qu’il y aurait eu de l’injustice dans cette brutalité simpliste, comme chaque fois qu’on méconnaît la complexité des hommes ou celle des choses. Je me contentai de prier Mathieu de réfléchir.

À ce moment, Millerand fit téléphoner à Victor Simond de lui amener Mathieu au ministère, mais Simond me pria d’y aller moi-même, ce que j’acceptai aussitôt : « Oui, dit Jaurès à Mathieu, allez au ministère ; dites à ces gens-là ce qu’ils méritent enfin d’entendre. »

Ranc, toujours silencieux, me jeta un regard que je compris : il me donnait raison et me demandait d’avoir raison jusqu’au bout.

Pendant que ma voiture roulait par les rues, Mathieu, encore tout tremblant, me dit son angoisse. La prison, pour son frère, c’est la mort ; l’honneur permet-il le retrait du pourvoi ?

Quand on n’a pas vécu la lâcheté ambiante de cette époque, on ne se doute pas de ce qu’il fallait de courage tranquille à Millerand pour nous recevoir au ministère, le frère du « traître » et moi, le chef du « Syndicat », et pour traiter avec nous d’une affaire d’État.

Je résume à Millerand la discussion qui vient d’avoir lieu ; il expose à Mathieu la question juridique : « Regardez les choses en face, ne soyez pas dupe des mots. Voici ce que je suis autorisé à vous dire. Vous partirez ce soir même pour Rennes. Une lettre, déjà écrite, que je vous remettrai, du général de Galliffet au général Lucas, vous ouvrira aussitôt les portes de la prison. Vous conférerez seul à seul avec votre frère. Si vous me téléphonez demain matin qu’il a retiré son pourvoi, j’en informerai le conseil des ministres et la grâce sera signée. Le soir même, demain soir, vous emmènerez votre frère où il vous plaira. Toutes les mesures, toutes les précautions seront prises. On apprendra à la fois sa grâce et sa mise en liberté. »

Mathieu se roidit, répète quelque chose de ce qu’il a entendu tout à l’heure de Clemenceau et de Jaurès. Je dis à Millerand : « Supposez que vous soyez l’avocat du capitaine Dreyfus, le gardien de son honneur. En votre âme et conscience, lui donnerez-vous le conseil de retirer son pourvoi ? » Millerand : « Oui, sans hésiter. » Moi à Mathieu : « J’ai le devoir de vous déclarer que je suis entièrement de l’avis de Millerand. » Mathieu, la voix pleine de sanglots : « Je ne puis pas me décider sans avoir consulté à nouveau Jaurès et Clemenceau. » Millerand : « Bien, je leur fais dire de venir immédiatement. »

En attendant, je conduis Mathieu dans le jardin du ministère. La nuit tombait, une belle nuit claire et douce de septembre.

Je lui parlai avec la conscience à la fois de ne rien dire que devrai et déjouer le rôle du tentateur : « Dans deux jours vous pouvez, si vous le voulez, être au loin, avec lui, dans quelque coin tranquille ; il y retrouvera sa femme, les enfants, un peu de bonheur avant de s’en aller, peut-être la santé, la force de vivre jusqu’à la revision… » — Ou j’évoquais « l’autre solution » : « Vous serez le grand homme de l’Aurore, le contraire des politiciens de mon espèce, mais pour combien de temps ? Si votre frère vit jusqu’au 1er  janvier, il sera gracié tout de même, avec trois ou quatre cents condamnés de droit commun, dans le tas… »

Je sais que je lui fais mal. Il cherche encore à écarter le bonheur à portée de sa main, mais faiblit cependant, répète : « S’il m’a dit qu’il voulait voir les enfants dans la prison, c’est qu’il se sait perdu. »

Un long silence, puis, tout à coup, fiévreusement, il se met à raconter ses impressions de Rennes. Il voudrait relire les lettres qu’il m’a écrites, si pleines de noirs pressentiments dès le début. Ce nouveau calvaire de son frère a été horrible. Lui, Mathieu, dans la salle, quand Alfred entrait, il n’osait pas le regarder, fermait les yeux. Et puis, le dernier jour, cette dernière audience qui, si elle n’avait pas été interrompue après le plaidoyer de Demange, aurait pu tourner à la victoire ! Il ne récrimine contre personne ; pourtant, quelles fautes on a commises !

C’est vrai, mais quelle faute plus grande encore, plus cruelle, il va commettre s’il se range à l’avis de Clemenceau et de Jaurès !

Clemenceau, surtout, l’hypnotise ; il a pris sur lui l’ascendant des hommes de fer et d’acier sur les âmes sensibles. Je lui dis : « Jamais il n’a eu plus de talent, jamais son éloquence n’a été plus nerveuse, sa logique plus pressante ; seulement, c’est, avant tout, un artiste. Ainsi, avant-hier, pendant que nous attendions les nouvelles de Rennes, il pronostiquait la condamnation : « Il le faut, ce sera plus beau. » Eh bien, non : les hommes en chair et en os, ce ne sont pas des marionnettes de théâtre ou des pions en ivoire ou en bois sur un échiquier, surtout ceux dont on se plaît à raconter le martyre en style dantesque, en des phrases bien faites qui font crever les yeux pleins de larmes. Taisez-vous, ne troublez pas mes nuits avec ces cauchemars, ou bien convenez que l’humanité, la pitié, la bonté, ce ne sont pas simplement des mots. »

Cette lutte de Mathieu contre lui-même était poignante. N’en pouvant plus, il se laissa tomber sur un banc du jardin et toute sa détresse éclata.

Enfin, Millerand nous rappelle ; Clemenceau et Jaurès viennent d’arriver avec du renfort, pensent-ils, leur ami Gérault-Richard.

Ce fut Clemenceau qui soutint, contre Millerand et contre moi, presque tout le poids de la discussion, une heure durant, avec une force de dialectique et des emportements incroyables, « naturellement féroce », comme dit Saint-Simon de Barbézieux, mais si merveilleusement habile à jongler avec les principes qu’on avait beau le connaître dans le tréfonds, il vous faisait passer le frisson des vérités impitoyables et éternelles. Quand, fonçant sur moi, il me reprochait de faire dévier dans les sables la plus grande affaire du siècle, je lui ripostais que son hautain idéalisme n’était qu’une façade, puisqu’il ne proposait d’autre solution que la continuation indéfinie des polémiques et des discordes, en attendant qu’on découvrît, un jour ou l’autre, le fait nouveau qui permettrait de rentrer dans la vérité par la loi ; mais toute l’amertume de la grâce, après cette soif ardente de justice qui m’avait dévoré bien avant lui, m’empoisonnait le gosier. On peut résumer ainsi, ou à peu près, les arguments durs, parfois violents, que nous avons échangés : « Vous sacrifiez la cause de tous les opprimés à un intérêt particulier. — Vous faites d’une créature vivante un bélier contre des institutions militaires ou politiques. — Vous humiliez la République devant le sabre. — Vous rivez la France et la République au jugement de Rennes. — Vous n’avez pas au cœur l’amour de la justice. — Vous, vous avez surtout l’amour de la guerre civile. » Et tout le temps : « C’est son honneur que vous demandez à Dreyfus… », alors que, lui-même, il allait écrire à la réflexion : « La grâce était inévitable ; le gouvernement devait effacer par la grâce immédiate les effets d’une condamnation inique contre laquelle a protesté la conscience de l’univers civilisé[21]. »

Millerand le poussa avec sa vigueur ordinaire : « Avez-vous un moyen de saisir utilement la Cour de cassation ? Quel intérêt avez-vous à faire de nous les geôliers d’un innocent ? » Jaurès le soutint mollement, déjà vaincu à demi par les objurgations de Millerand et les miennes, par le silence de Mathieu et par sa propre bonté.

Ce fut pourtant Gérault, qu’on avait amené contre nous, qui vint le premier de notre côté. Ce débat, juridique, philosophique, passait un peu au-dessus de sa tête. Il avait beaucoup de bon sens, de belle humeur et la fibre populaire : « Le peuple, dit-il, verra seulement que Loubet n’a pas voulu garder un innocent en prison[22]. » Jaurès se rendit alors, accepta que Dreyfus retirât son pourvoi.

« Mathieu, dit Clemenceau, vous avez la majorité. — Non, reprit Mathieu, il ne s’agit pas de majorité. Si vous persistez à déconseiller le retrait du pourvoi, je n’y consentirai pas. »

Clemenceau, après une longue minute de silence : « Eh bien, si j’étais le frère, j’accepterais. »

Aucun de nous n’essaya de lui en tirer davantage.

Jaurès : « Il est bien entendu que Dreyfus et Mathieu, après la grâce, continuent la lutte. » Moi : « En doutez-vous ? » Ni Jaurès ni Clemenceau n’en doutaient. Mathieu vivement : « Je vous demande d’écrire ici, vous-mêmes, tout de suite, la déclaration qu’il publiera en sortant de prison. » Jaurès s’assied au bureau de Millerand ; nous rédigeons ensemble :

Le gouvernement de la République me rend la liberté. Elle n’est rien pour moi sans l’honneur. Dès aujourd’hui, je vais continuer à poursuivre la réparation de l’effroyable erreur judiciaire dont je suis encore victime. Je veux que la France entière sache, par un jugement définitif, que je suis innocent. Mon cœur ne sera apaisé que lorsqu’il n’y aura plus un Français qui m’impute le crime qu’un autre a commis.

Millerand remet à Mathieu la lettre de Galliffet au général Lucas ; il sera introduit chez son frère dès qu’il arrivera à Rennes.

Cependant, une crainte, sinon un soupçon, vient à Clemenceau : « Millerand, dit-il, vous êtes bien sûr que la grâce sera prononcée demain… », et Mathieu appuie. Millerand, se tournant vers Mathieu : « Je vous donne ma parole d’honneur, monsieur Dreyfus, que si la grâce n’est point accordée demain, je donnerai ma démission. »

V

Mathieu prit le train du soir, arriva à l’aube, courut chez son frère qui ne s’attendait à rien de tel et qui résista longtemps. Il s’était, si l’on peut dire, « dématérialisé », avait conscience d’être devenu un symbole. Il eût voulu le rester. L’idée qu’il aurait l’air, que la mauvaise foi lui reprocherait d’avoir demandé grâce, lui fut odieuse. En 1894, il eût pu faire annuler sa première condamnation en se pourvoyant contre la fausse qualification du crime dont il était faussement accusé. Ce n’était pas de haute trahison, mais d’espionnage qu’il eût fallu l’inculper. Il s’était refusé alors à soulever ce moyen, avait préféré l’île du Diable. Mathieu, pendant plus d’une heure, reprit les arguments que Millerand et moi nous avions fait valoir contre Jaurès et Clemenceau et contre lui-même. Enfin il céda, succomba à la pensée de sa femme et de ses enfants, signa le retrait de son pourvoi, sur l’assurance que c’était avec l’assentiment de ses principaux défenseurs. Mathieu téléphona aussitôt à Millerand (12 septembre).

Mais ils avaient compté sans Loubet. Après que Galliffet eut proposé lui-même, avec beaucoup de force, la grâce immédiate de Dreyfus, et que tous les ministres se furent prononcés dans le même sens, Loubet dit qu’il y consentait de grand cœur, toutefois qu’il serait politique d’attendre à la semaine suivante, quand l’opinion et l’armée y auraient été préparées, et après la réunion de la Haute Cour, le 18. Elle était, en effet, convoquée à cette date pour entendre les réquisitions du procureur général dans l’affaire du complot et rendrait ce jour-là son premier arrêt (sur l’instruction qu’elle aurait à faire elle-même). La grâce, dans huit jours, sera encore une réponse très claire au verdict de Rennes, mais elle ne paraîtra pas dictée par la colère, et il y aurait intérêt à laisser nouer le procès des royalistes et des césariens.

Waldeck-Rousseau combattit cette opinion par les raisons qui avaient décidé les amis de Dreyfus à accepter sa grâce, et Galliffet insista après lui, presse qu’il était d’en finir et répondant que l’armée ne broncherait pas ; mais il avait déjà répondu que Dreyfus serait acquitté. Au contraire, Delcassé appuya Loubet qui tint bon.

Millerand fut ainsi amené à raconter comment il avait engagé sa parole d’honneur à Mathieu Dreyfus que, si la grâce n’était pas immédiatement signée, il donnerait sa démission. Apparemment, comme Loubet le lui fait observer, il a eu tort, puisque la grâce est une prérogative du chef de l’État ; mais il n’a qu’une parole ; si le Président persiste dans son refus, il n’a, lui, qu’à se retirer.

Waldeck-Rousseau, puis Galliffet, se tenant pour également engagés, en raison des assurances qu’ils avaient données à Millerand, déclarèrent que sa démission entraînerait la leur.

Une telle crise, si inattendue, presque impossible à justifier devant l’opinion, au lendemain de la défaite de Rennes et à la veille de la réunion de la Haute Cour, eût été désastreuse. Loubet, les autres ministres pressèrent Millerand. Il consentit à en référer à Mathieu : il va le prier de rentrer d’urgence, lui fera part des objections de Loubet à la grâce immédiate, lui affirmera, s’il y est autorisé, que le décret sera signé le 19, et le frère de Dreyfus décidera. Si Mathieu ne le dégage pas de sa parole, Millerand remettra sa démission au président du Conseil.

Les choses ainsi entendues, Millerand demanda Mathieu au téléphone, lui dit que l’affaire était en bonne voie, qu’elle subissait pourtant un temps d’arrêt, qu’il l’attendait le soir même au ministère. Mathieu alla d’abord prévenir son frère. Rien qu’à le voir rentrer dans sa cellule, le visage décomposé, Dreyfus comprit ; mais quelque cruelle que fût la déception, après la courte joie de la liberté entrevue, il n’en fit rien paraître et remercia seulement Mathieu de son inlassable dévouement.

Entre temps, deux des ministres, Leygues et Lanessan, après m’avoir raconté les incidents de la matinée, me prièrent d’obtenir de Mathieu qu’il dégageât Millerand. Je me montrai moins résigné que Dreyfus (parce que je n’avais vécu ses épreuves que par l’esprit), et, comme j’étouffais, je me soulageai par quelques paroles acerbes sur la sagesse timorée du Nestor de Montélimar et sur l’incapacité des républicains à mettre un peu de poésie dans la politique. Mais je n’avais aucun doute que Mathieu rendrait sa parole à Millerand sans marchander et j’aurais pensé lui faire injure en acceptant d’intervenir. Je me rendis ensuite chez Millerand, à qui je tins le même langage. Cependant Jaurès envoya Viviani au devant de Mathieu qui le rassura, sans y mettre même une pointe d’ironie, et alla de la gare au ministère, où il dégagea Millerand.

Picquart, que je vis au cours de la journée, me dit « qu’il ne fallait jamais croire au succès de ce qui était conçu en beauté ». Je lui répondis que nous vivions, en effet, à quelques-uns, depuis deux ans, dans un monde « wagnérien », et que nous y avions un peu perdu la notion des réalités. Je m’excusai aussi de l’avoir laissé en dehors de nos négociations et j’exprimai les mêmes regrets à Trarieux ; mais le temps nous avait emportés dans son tourbillon.

Trarieux se réjouit de la grâce imminente, et Picquart s’y résigna.

VI

Avec le recul des années, ce retard de huit jours disparaît. En fait, au chronomètre, la grâce ne fut pas signée immédiatement après le verdict ; mais ces quelques heures ne sont qu’une seconde pour l’histoire.

Les journalistes, toujours à l’affût, avaient signalé ma présence, le 11, au matin, chez Waldeck-Rousseau[23] ; le brusque départ de Mathieu, dans la soirée, pour Rennes et son retour, le lendemain, après avoir été introduit dans la prison de son frère, sur l’ordre de Galliffet, ces indices suffirent à orienter les esprits. Le troisième jour, il n’y eût plus personne qui ne fût certain que Dreyfus ne ferait pas sa peine, qu’il allait être remis en liberté. La grâce sortait des choses. Il résulta de cette prévision un soulagement soudain. C’était la fin de l’orage. Tout à coup, les vents se calment, la pluie devient plus rare, le ciel s’éclaircit.

Les jours suivants, on sut que le professeur Delbet avait visité Dreyfus et adressé au gouvernement un rapport sur l’état de santé du prisonnier, et que sénateurs et députés républicains, Brisson en tête, se succédaient chez Loubet pour le presser. Loubet leur dit qu’il était résolu à gracier l’innocent, mais qu’il faudrait aussi amnistier les coupables. Cependant il n’en fit pas une condition. Presque tous inclinaient déjà à l’amnistie, surtout par lassitude.

Un député radical, Codet, réclama, dans une lettre publique, la convocation des Chambres, tant il avait hâte de déposer une proposition d’amnistie[24]. Galliffet, de son côté, écrivit à Waldeck-Rousseau : « J’ai recueilli l’impression de beaucoup de mes camarades de l’armée… Aujourd’hui que tout le monde s’est incliné devant le verdict du conseil de guerre, chacun est envahi par la pitié… » Cependant la grâce « en faveur du condamné Dreyfus ne serait pas comprise de tous, s’il n’était pas résolu, en principe, de mettre pour toujours hors de cause les officiers généraux ou autres qui ont été mêlés à cette malheureuse affaire ; il faut leur ouvrir les portes de l’oubli[25]. » Mais ni Mathieu ni moi ne fûmes avisés de cette rançon.

Des deux côtés, les journaux parlèrent tout de suite de la grâce comme d’un fait acquis, les plus enragés des nationalistes et des antisémites protestant à peine, pour la forme. Ils sentaient la fragilité de leur victoire. Leur amour-propre sauf, Mercier et les généraux sauvés, ils n’avaient plus aucun intérêt à prolonger la guerre.

Rien de moins exact que cette rhétorique de Clemenceau : « Nous plions sous le soldat qui voit dans la vérité, dans la justice, des insurgés ; nous sommes aux pieds du prêtre qui se réjouit du mensonge vainqueur et chante l’hosannah du crime triomphant[26]. » Au contraire, ils ne parlaient que d’apaisement, d’oubli, devenaient idylliques ; déjà le mot d’ordre était de dénoncer les perturbateurs, les mauvais citoyens à qui la grâce ne suffisait pas, qui osaient écrire : « Quand on aura fait droit à la pitié, il restera la justice à satisfaire[27]. »

Le grand effort que j’avais fait pour la grâce m’imposait le devoir de déclarer publiquement ce que j’avais dit à Jaurès et à Clemenceau, à savoir que, pour ma part, je ne renonçais pas à toute la justice. Je n’avais pas voulu que la France portât devant le monde le poids du verdict de Rennes ; je ne voulais pas davantage « qu’elle restât débitrice envers un innocent d’une parcelle de son honneur ». Mon article du 17 (Prométhée enchaîné) ne laissa nulle place à l’équivoque :

Cette dette, cette toute petite dette en apparence, au poids où l’on pèse les denrées et les marchandises, c’est celle qui constitue non pas tant l’honneur d’un homme que l’honneur même d’un peuple, c’est-à-dire le Droit lui-même, le Droit immortel et absolu, sans lequel toutes les inscriptions qui s’étalent sur les monuments publics ne sont que des mensonges, sans lequel il ne vaut pas la peine de vivre, en l’absence duquel il vaudrait mieux pour les hommes retourner aux cavernes des troglodytes. C’est le Droit enchaîné qu’il va falloir délivrer sur son Caucase.

Le même jour, comme l’agitation anti-française continuait au dehors, le cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, blâma à la fois le jugement de Rennes et tout ce bruit ; il écrivit au Times : « Si je déteste la sentence rendue par cinq officiers je dis aussi qu’il est extravagant de voir les étrangers s’exalter comme ils le font avant même que ce jugement ait été soumis à l’autorité suprême de l’État. »

Le tapage cessa ; on peut dire que tous les peuples attendaient la parole libératrice de Loubet, le geste qui ouvrirait la prison de Rennes.

Le 18, la Haute Cour se réunit, entendit le réquisitoire du procureur général Bernard, et décida, par plus de 200 voix[28], le renvoi du dossier à sa commission d’instruction.

Le lendemain, qui était le dixième jour depuis la condamnation, Loubet signa le décret de grâce qui était précédé d’un rapport de Galliffet[29].

Ce rapport, quand il fut publié, mécontenta beaucoup de revisionnistes, parce qu’il y était seulement question de « clémence », de « haute humanité » et d’« apaisement », et qu’il annonçait l’amnistie. En effet, Loubet avait exigé que le rapport fit connaître son intention « d’effacer toutes les traces d’un douloureux conflit », et Waldeck-Rousseau y avait consenti.

Le mot de « clémence » ne trompa personne ; chacun savait que si le gouvernement graciait Dreyfus, c’est qu’il le savait innocent.

Dans la nuit qui suivit, le directeur de la Sûreté vint prendre Dreyfus à la prison et le conduisit en voiture à une gare de campagne, où ils montèrent dans un train pour Nantes. Mathieu l’y attendait, pour le mener de là, par Bordeaux et Avignon, à Carpentras, chez leur sœur aînée, qui possédait, à quelques cents mètres de la petite ville, une jolie maison, entourée d’un grand jardin.

Ma première pensée, quand je fus informé que la grâce était signée, fut pour l’annoncer à Scheurer ; mais j’appris au même instant, comme j’achevais de rédiger ma dépêche, qu’il était mort dans la matinée.

  1. Le cinquième Acte, dans l’Aurore du 11 septembre 1899.
  2. Clemenceau : Vers la Victoire, dans l’Aurore du 10. — Zola : « La vérité vient de faire un pas de géant. »
  3. Voir p. 520.
  4. Article 441 du Code d’instruction criminelle.
  5. Lettre du 8 septembre 1899. — Voir Appendice IV.
  6. Son journal, le Petit Parisien, écrivit : « On doit considérer l’arrêt de Rennes comme la vérité légale. »
  7. Lettre à Félix Faure. (La Vérité en marche, 86.)
  8. Récits de Waldeck-Rousseau et de Mornard.
  9. Voir p. 283.
  10. Libre Parole du 11 septembre 1899. — « Ce recours va être transmis au général Lucas, qui se chargera de le faire parvenir au Président de la République, » (Agence Havas du 12.)
  11. Barrès, dans le Journal du 10. — De même Judet : « Si nous n’en parlions plus ! »
  12. « Les cinq juges qui ont commis ce crime judiciaire et que ce monument a pour but de vouer au mépris et à l’exécration de chacun sont le colonel Jouaust, le lieutenant colonel Brogniart, les commandants de Bréon, Profilet et Merle… » (Siècle du 10 septembre 1899.) — On fut longtemps à connaître les noms des deux juges qui s’étaient prononcés pour l’acquittement. « Un faux bruit se répandit que Profilet et Beauvais étaient les deux traîtres à l’armée. » (Barrès, 218.) Selon la Lanterne, c’étaient Beauvais et Bréon.
  13. Jaurès, dans la Petite République ; l’article est intitulé : Défi et Lâcheté.
  14. Dépêches de l’Agence Havas, avec des extraits des journaux de la veille (éditions du soir). — « Les feuilles étrangères continuent à déborder de fiel et d’outrage… Dans tous les pays du monde, on a mis la France à l’index. » (Éclair du 12 septembre 1899.) — Le 14, les gouvernements italien et allemand firent savoir officiellement qu’ils désapprouvaient le mouvement de boycottage contre l’Exposition. (Note Havas.) — À Indianapolis, le drapeau français fut brûlé sur la place publique. (Times du 11.) — La Reine d’Angleterre télégraphia au lord chief-justice, à Rennes, « qu’elle avait appris avec stupeur l’affreux verdict et qu’elle souhaitait que le pauvre martyr en appellerait à de meilleurs juges ».
  15. Siècle du 11 : « Notre plus douloureuse pensée va à l’armée éclaboussée, à la France atteinte dans le plus pur d’elle-même, dans toutes les gloires de son passé, dans tout ce qui faisait d’elle la plus grande personne morale qui fût au monde… Si notre bataille a pu suffire, jusqu’à présent, à sauver devant le monde l’honneur de la France, il faut avoir le courage de reconnaître qu’aujourd’hui, après le crime de Rennes, le Non des républicains restés fidèles à l’idéal impérissable de la République ne suffit plus à désolidariser la Nation d’avec les cinq hommes qui ont, au nom du peuple français, condamné un innocent. C’est le gouvernement de la République, c’est lui seul qui peut rompre, briser en morceaux, détruire cette solidarité. C’est son devoir strict, absolu, envers la France, envers tout son passé historique, envers la France de demain comme envers la France d’hier… Le devoir, l’impératif catégorique est là… Ce verdict, le gouvernement de la République n’a pas le droit de l’accepter, sous le prétexte qu’il y a été étranger, sans s’en rendre complice ; ce verdict, il a le devoir absolu de le déchirer ; cette solidarité, il faut qu’elle soit répudiée… Soit que le ministre de la Justice défère à la Cour de cassation un jugement rendu en violation des prescriptions formelles de la loi, soit que le ministre de la Guerre propose au Président de la République la grâce immédiate de l’innocent… » etc. — Je précisais, en terminant, que la grâce serait acceptée seulement « comme une mesure de transition, la préface de la réhabilitation ».
  16. Je notais, chaque soir, les incidents de la journée. Le récit qu’on va lire est rédigé presque entièrement d’après ces notes.
  17. Les principaux rédacteurs du Figaro (Rodays, Cornély, Calmette) se prononcèrent de même pour la grâce. Ce fut également l’opinion d’Hébrard. (Temps du 13 septembre 1899.)
  18. Aurore du 14 septembre 1899.
  19. Zola, lettre à Mme Dreyfus.
  20. Code pénal, article 47 : « Si l’arrêt ou le jugement ne contient pas de dispense ou de réduction de la surveillance, mention sera faite, à peine de nullité, qu’il en a été délibéré… » Cour de cassation, arrêts des 4 avril 1874, 2 février 1875, 17 janvier 1878 : « La cassation de l’arrêt ne confère, en pareille circonstance, à la cour de renvoi que la mission de statuer sur la question de réduction ou de dispense de la surveillance et de faire mention, au cas où il n’y aurait ni réduction ni dispense, qu’il en a été délibéré. » — Pressensé, qui avait signalé le cas de nullité dans l’Aurore, avait cru d’abord « que tout était à recommencer… La nullité est radicale. » (11 et 12 septembre 1899.) Le 13, le rédacteur judiciaire du journal expliqua qu’il n’en était rien : « Les nouveaux juges, sans entendre de témoins et sur le simple réquisitoire d’un nouveau Carrière, n’auront qu’à réparer l’omission faite par leurs camarades de Rennes. Inutile d’ajouter qu’ils feront bonne mesure. Ce serait une iniquité de plus. »
  21. Aurore du 24 septembre 1899 : « Il l’a fait et je l’en félicite. Il l’a mal fait, et je l’en plains. »
  22. C’est ce qu’il écrivit dans la Petite République du surlendemain.
  23. Soir et Éclair du 12 septembre 1899, Écho du 14, Intransigeant du 15, Presse du 19, etc.
  24. 14 septembre 1899.
  25. Voir Appendice IV.
  26. Aurore du 16 septembre 1899.
  27. Aurore du 15. — De même Jaurès, Ranc, Lacroix, Yves Guyot, L.-V. Meunier, Viviani.
  28. 234 voix contre 14.
  29. Voir Appendice V.