Histoire de Servian/Chapitre21

CHAPITRE XXI



Le Clergé de Servian, sa noble attitude
en face de la Constitution civile

Le 5 août 1792, le Maire de Servian disait en pleine séance du Conseil municipal : « Je mets sur le bureau un arrêté du département que j’ai reçu au sujet de la déportation des prêtres. Si quelqu’un n’a point prêté le serment dans les huit jours, il doit être, à la diligence du procureur de la commune, arrêté et conduit de brigade en brigade au premier port de mer pour être embarqué ».

Séance tenante, s’est présenté Louis Amilhon, clerc tonsuré, ci-devant bénéficier du ci-devant Chapitre de Saint-Nazaire de Béziers, qui a demandé à prêter le serment civique. Ouï le procureur de la commune, le Conseil a loué le civisme d’Amilhon. Son cousin, Pierre Amilhon, frère Capucin, l’imita et fut nommé instituteur à Servian.

Plauzolles, curé de Margon, prêta aussi serment ; il se rétracta bientôt après et devint, après le Concordat, curé de Coulobres, puis de Cabrerolles, où il est resté légendaire.

Bournohnet, curé de Vic, ancien Capucin, prêta aussi le serment et devint curé assermenté de Paulhan. Les municipaux allèrent le recevoir avec le dais, mais les fidèles lui rendirent la vie si dure qu’il se retira à Servian, se maria et eut une nombreuse famille. Pressé de remords, après la Révolution, il fit amende honorable au Pape Pie VII, qui l’admit à la communion laïque ; le rescrit est conservé dans les archives de la paroisse.

Nous avons vu le P. Marcellin Aiguesvives prêter le serment pour devenir curé de Servian. Contraint de s’exiler, il passa en Italie, où on perd sa trace.

Un de ses parents, nommé Jean-Baptiste Aiguesvives, prêta le serment et devint curé intrus de Magalas ; il se rétracta et fut nommé par Mgr Fournier curé de Péret et Lieuran.

Prêtèrent aussi le serment deux frères convers Capucins : Servienne et Jacques Galançon.

Pour quelques prêtres qui prêtèrent le serment, le plus grand nombre demeura fidèle à l’Église, préférant l’exil à la trahison. Nous avons déjà vu l’abbé Augié, curé de Servian, et son vicaire Vabre, partir pour l’exil.

L’abbé Espic se distingua par son zèle. Nommé curé de Servian en 1804, le 15 mars ; il mourut en 1805, le 15 avril, âgé de 68 ans ; plus usé par l’exil que par le ministère. Il est enseveli dans les fonds baptismaux, sous l’ancienne porte d’entrée de l’église, comme le demande son testament. Il avait laissé 50 francs de rentes aux pauvres ; lors de la séparation, le bureau de bienfaisance s’est attribué cette somme et doit la répartir chaque année, aux nécessiteux de Servian.

La plupart des prêtres du voisinage durent comparaître devant le Directoire de Servian ; ce furent, d’après la liste conservée dans nos registres :

Alexis Coste, curé d’Abeilhan, déporté à Nice sur la tartane de Pailloux, d’Agde ; Barre, curé de Coulobres, eut le même sort, ainsi que Villebrun, curé de Bassan ; Belmont, curé de Thézan, avait été exilé à Bologne, il revint se cacher à Servian pour y exercer son ministère. Dénoncé le 9 vendémiaire, an VI, il reçut un passeport pour l’Espagne, fut arrêté à Montpellier et emprisonné ; plus tard, il devint curé de Lignan. Alexis Bellonet fut déporté en Espagne ; le Concordat le nomma curé de Valros ; Saint-Peyre était son domaine.

Les deux frères Bousquet, de Saint-Adrien, Joseph et Louis, bénédictins, furent exilés à Bologne ; Joseph revint et, quoique aveugle, il remplit le rôle de vicaire de Servian. Pierre Boyer, curé de Corneilhan, reçut à Servian, le 9 vendémiaire, an VI, un passeport pour l’Espagne. Au retour, il devint curé de Portiragne. L’abbé Arnal, dont le nom est resté en vénération à Servian, était alors curé d’Alignan ; déporté à Nice sur la tartane de Pailloux, d’Agde, il revint sous un déguisement ; il fut dénoncé au Directoire. « Ce scélérat prêche la résistance aux lois. Sa résidence n’est fixée nulle part ; la plupart des citoyens sont fanatisés par lui. Lunas, Alignan, Servian sont ses champs d’action ». Reg. 1795.

Jacques Tindel, bénéficier de Saint-Nazaire, malgré sa jeunesse, fut exilé en Espagne. Comme on peut en juger par cette courte énumération, les libéraux prodiguaient avec libéralité les sentences d’exil aux meilleurs citoyens du pays.

Les registres de l’Évêché, consultés par M. le chanoine Saurel, ajoutent à ces noms ceux de Roque et de Combal, comme originaires de Servian et exilés pour leur foi.

Nos renseignements sont très abondants sur les Capucins de Servian, grâce aux travaux du P. Apollinaire.

Au moment de la tourmente révolutionnaire, le monastère de Servian se composait du P. Chrysostome comme supérieur ; du P. Armand, de son nom de famille Louis Falgas, de Servian ; du P. Marcellin Aiguesvives, du P. Bounhonnet, du P. Chérubin, de son nom Adrien Cabanel. Au service de ces Pères, étaient attachés comme frères lais : Casimir Cervienne, Amilhon, Joseph Scarron, Galançon, ces trois derniers de Servian.

Le P. Chrysostome dut quitter Servian pour être exilé en Italie.

Le P. Armand Falgas venait d’être nommé vicaire du Couvent du Vigan ; il avait 32 ans et dut revenir à Servian pour y comparaître devant la municipalité, où il reconnut bon nombre de ses parents. Requis de prêter le serment, il dit : « J’ai passé dans l’ordre des Capucins 14 ans révolus et je suis parfaitement résolu de remplir jusqu’à l’extinction de ma vie, les engagements que j’ai contractés, en quelque lieu qu’il plaise à la Providence de me colloquer ».

Il fut jeté sur la tartane du capitaine Laurent Reclus, d’Agde, en partance pour Nice. Il tenta de rentrer pour exercer son ministère, mais il dut regagner l’Espagne le 30 septembre 1797. Après la tourmente, il revint à Servian où il fit fonction de vicaire, desservant la chapelle dés Pénitents. Il y mourut le 12 décembre 1822, et M. Arnal fit de lui un très bel éloge, conservé dans les registres de la Confrérie.

Le P. Chérubin Cabanel, né en 1757, avait refusé le serment et s’était retiré à Bologne ; il revint à Servian, prêta son concours au curé et mourut à 60 ans, le 24 octobre 1832. En somme, sauf quelques rares exceptions, les Capucins de Servian eurent une belle attitude à ce moment.