Histoire de Servian/Chapitre22

CHAPITRE XXII



La Conscription. — Les Réquisitions.

Le service militaire n’était pas obligatoire sous l’ancien régime, aussi le décret du 21 juin 1791, qui l’étendit à tous les citoyens, rencontra-t-il de grandes difficultés. On devait se faire inscrire dans sa municipalité. Or, le 21 août, personne ne s’était présenté à Servian ; le maire gémissait : « Je ne puis voir avec indifférence le peu de patriotisme que nous paraissons avoir, et Servian sera le seul endroit qui ne donnera pas de défenseurs à la Patrie… Que tout ami de la Constitution se fasse inscrire tout de suite ». (Délibérat). Malgré tant d’exhortations, deux citoyens seulement se firent inscrire. Le maire explique, tout en gémissant, cet incivisme : « Le territoire de Servian est peu fertile, le pays peu commercial, les fortunes y sont médiocres ; les jeunes gens y sont occupés à travailler la terre ; ils servent leur patrie, en forçant, par un travail pénible, une terre ingrate à produire des fruits. Nous ne pouvons leur savoir mauvais gré de ne point courir en foule se faire inscrire sur nos registres ». On essayera de les contraindre par un emprisonnement, mais le 20 ventôse, le maire constate avec tristesse : « que les jeunes gens sont sourds à la voix de la Patrie ».

Un peu plus tard, le 17 brumaire, an 7, le président Simon Conneau exhorte les 59 conscrits de Servian à voler à la victoire ; or, le 12 fructidor, pas un ne s’était présenté pour partir : « Ce crime ne restera pas impuni ». Quelques jours après, les soldats n’avaient pu se rendre à l’appel : la plupart détenus dans leur lit malades. Les officiers de santé, Sabatier et Amilhon, durent les visiter à domicile. Enfin, après beaucoup d’atermoiement et de menaces, le conseil de révision se passa, le nombre de soldats fut porté à 28, que l’on trouva exagéré.

On créa aussi une garde civique, et « le commandant Falgas, ancien quartier-maître du régiment, cy-devant Languedoc sera mis à sa tête ».

Plus tard, Barthélemy Estève fut nommé commandant de ces troupes, et après la levée en masse de 1794, le procureur de la commune, Canet, qui jouit de l’estime générale, se mit à la tête de volontaires destinés à repousser les rebelles qui fondent sur le territoire, venant de Murviel.

En même temps, les réquisitions se faisaient sur tout le territoire ; Servian fut taxé en 1794, pour 30 quintaux d’huile, 100 muids de vin blanc, 115 setiers d’eau-de-vie, 40 muids de vin rouge. Or, cette année vit une grande inondation emporter les chaussées des rivières, les pierres du moulin du Coussat, rendre les chemins impraticables. La récolte avait été bien réduite. Tout manquait : charrettes, chevaux, mulets ; tout avait été réquisitionné. Le citoyen Mazel fils reçut un passeport l’autorisant à aller à Genève pour achat de comestibles de première nécessité.

Cependant, afin de ne pas laisser périr les récoltes, les citoyens valides se firent inscrire à la mairie pour travailler dans les champs des citoyens mobilisés. Mais, pratiquement, la politique s’immisça en cela et l’arbitraire présida aux travaux ; des plaintes se firent entendre, mais inutilement.

La levée en masse avait mobilisé les corps de métiers « qui travaillent exclusivement pour les militaires ; les cordonniers de la république fabriquent des souliers de la même forme Cavalié, Cèbe, Cruzet et Martin se mirent à l’œuvre ». Ier nivôse.

La Bégude de Jory, relais de poste dirigé par Mazel, est transformée en fabrique de salpêtre ; le couvent des Capucins en atelier de baïonnettes. Un citoyen est-il condamné à une peine, il fait une journée de travail dans les ateliers nationaux. Ainsi, le 3 floréal, le sieur Louis Bousquet, parent d’émigrés, est condamné à faire des baïonnettes dans la chapelle des Capucins. Les farines manquant, les habitants furent taxés à 50 livres par mois, les boulangers fermèrent leurs boutiques pendant trois mois.

On ne cesse de se plaindre « de la conduite arbitraire du Directoire du District à l’égard des habitants de cette commune, de la part des sociétés montées contre la municipalité, surtout des Amis de la Constitution ».