Histoire de Servian/Chapitre06

CHAPITRE VI



L’exil d’Estève de Servian

Après son abjuration à l’abbaye de Saint-Thibéry, Estève de Cervian reprit en vassal l’occupation de son domaine de Cervian. Nous le retrouvons comme témoin dans des actes en faveur de Montfort. Ce joug lui parut-il trop onéreux ? C’est probable. Comme la plupart des seigneurs du Midi, il supportait mal la suzeraineté des barons du Nord ; aussi, ne manquèrent-ils aucune occasion de s’en libérer. Estève avait partie liée avec Trencavel, de Béziers.

En 1219, le cardinal Conrad, évêque de Porto, avait été nommé légat dans la Provence, afin de corriger les abus des réguliers et de lever des subsides pour les affaires de la foi. Il arriva à Béziers vers la Pentecôte de 1220. Les Bitterois s’offusquèrent-ils de ses prétentions ? Trencavel était encore jeune et placé sous la protection de son parent Raymond-Roger, comte de Foix. Ces princes profitèrent du mécontentement des Bitterois et se soulevèrent contre Amaury de Montfort, qui venait de succéder à son père. Ils s’unirent aux habitants et chassèrent le légat qui dut se réfugier à Narbonne, Honorius III défendit son légat, il menaça les princes de l’excommunication et les habitants de la suppression de l’évêché.

Cependant, le roi Louis VIII, sollicité par le Pape, escomptant un agrandissement de ses États, jaloux d’arracher aux barons du Nord les plus belles provinces du Midi, s’était mis en campagne. Ce fut une promenade triomphale dans le Midi : la plupart des seigneurs se soumirent. Raymond Roger et son pupille Trencavel furent de ce nombre. Il abandonna sa vicomté de Béziers, Estève sa seigneurie de Cervian.

Le cardinal Romain de Saint-Ange nomma Pierre, archevêque de Narbonne, et Clarin, évêque de Carcassonne, pour régler un différend entre Bernard, évêque de Béziers, et Adam de Milli, vice-gérant du roi dans la province, en 1230. Il fut convenu que le château de Cervian, ainsi que les autres châteaux qui avaient été confisqués pour fait d’hérésie, demeureraient au roi ; que le château de Cazouls et les autres domaines rendus à l’évêque par Amaury demeureraient à l’évêque de Béziers. Dès lors, Estève cesse de compter parmi les seigneurs de Cervian. Sa famille se confond avec les familles du pays sans exercer d’autorité. Cependant, nous trouvons, en 1372, Mathieu d’Estève, administrateur de l’hôpital, gubernator. Les chefs de la famille se retirèrent à Escoussens, dans le pays d’Albigeois, dans un fief qui avait appartenu à Roger de Béziers. Ils réussirent à se faire oublier en ce pays écarté. En 1539, nous retrouvons à Escoussens Pierre d’Estève avec sa famille et sa descendance à Perpignan et à Servian :

Le mariage de Marie de Rivière avec Bertrand d’Estève avait été négocié par un capucin de Servian, heureux de ramener dans cette ville un de ses plus illustres descendants. Ce mariage fut célébré à Servian comme on peut le constater dans les minutes du notaire Bourhonet, actuellement chez M. Paul Latreille.

La famille d’Estève n’a plus quitté Servian. Nous la retrouvons en 1787. Le roi Louis XVI lui avait accordé le titre de chevalier de Saint-Louis et lui avait donné la Directe de Servian, qu’elle conserva jusqu’à la Révolution. Les armes d’Estève étaient : d’azur au cerf d’or, courant.