Histoire de Servian/Chapitre05

CHAPITRE V



Prise de Servian — Abjuration d’Estève

Les Croisés venant de Montpellier et marchant sur Béziers, mirent le Siège devant Servian, le 21 Juillet 1209. Il paraît que le peuple, pris de terreur, avait fui. L’armée de Simon de Montfort était considérable. Que pouvait contre elle la petite garnison de Servian ? Profitant de la grande sécheresse, Montfort s’arrêta sur les bords de la Lêne, alors très basse. Il attaqua en cet endroit le rempart et y ouvrit une large brèche. Impossible de résister. Estève de Cervian se rendit avec ses vassaux. Arnaud de Citeaux signala aussitôt ce succès à Innocent III : « La veille de Sainte Marie-Madeleine, nous avons pris le château-fort de Servian, bourg important, d’où dépendent d’autres châteaux et places. »

L’histoire n’a pas gardé le souvenir de déprédations opérées dans Servian par les Croisés, ni de représailles contre les habitants. La ville prise, les Croisés se dirigèrent sur Béziers qui tomba le lendemain en leur pouvoir.

D’après les ordres d’Innocent III, la Croisade constituait un châtiment contre des sujets rebelles, elle ne devait pas tourner en conquête. Si les croisés oublieux de la question religieuse, se détournèrent du but poursuivi et pratiquèrent une politique d’intérêt personnel, eux seuls en doivent porter la responsabilité devant l’histoire. D’ailleurs, le fait d’abjurer l’erreur suffisait pour conserver ses possessions, avec cette sanction féodale que le chef de la Croisade devenait suzerain à la place de celui qui était déchu pour fait d’hérésie. Ainsi le vaincu tenait son fief de la générosité du vainqueur. Ce fut le cas d’Estève de Servian.

Au mois de février 1210, il dut se rendre à l’Abbaye de Saint-Thibéry pour y faire son abjuration en présence de l’abbé de Citeaux, légat du pape, des évêques de Béziers, d’Agde, de Maguelone, des abbés de Valmagne, de Fontcaude, de Saint-Thibéry : « Aujourd’hui repentant et corrigé, reconnaissant tous mes péchés et les confessant, désirant rentrer dans le sein de notre sainte Mère l’Église, j’abjure toute secte et toutes les hérésies connues, n’importe sous quel nom ; j’abjure aussi tous les hérétiques. Je serai soumis aux ordres du Pape et observerai tout ce qui me sera commandé par lui ou par les siens et par ses légats, et si, dans 30 jours, après le premier avertissement, je n’obéis pas, je veux que toutes mes possessions, mes biens et tout ce qui m’appartient, appartienne au Seigneur de la terre ». Estève donna pour caution de son serment Pons d’Olargues, son neveu, qui s’engagea pour 30 marcs d’argent.

L’abjuration faite, Simon de Montfort remit à Estève ses biens en fief et non en franc alleu, comme Estève les avait possédés jusque-là : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen. L’an 1210, au mois de mars, moi, Simon, comte de Leicester, Seigneur de Montfort et, par la grâce de Dieu, comte de Béziers, etc., je donne par libéralité présentement et je cède à toi, Estève de Cervian, Cervian avec toutes ses dépendances et tout ce que tu avais perdu pour la défense des hérétiques. Je te le cède, ne retenant pour moi et pour mes héritiers que la justice criminelle. Je te donne à toi et aux tiens l’honneur qui doit t’être rendu dans ton fief, que tu me rendras à moi quand je l’exigerai et le demanderai. Pour ce don, toi et les tiens, vous serez mes fidèles vassaux à perpétuité, vous défendrez mes terres, ma personne, ma famille, et vous combattrez mes ennemis… Sur cette terre et sur ces domaines et pour chaque feu vous payerez 3 deniers de la monnaye ayant cours, au Pontife de Rome, au premier avertissement de l’évêque de Béziers ou des légats ». Estève fit alors son serment de vassalité entre les mains de Simon de Montfort, devenu son Suzerain.