Histoire de Jonvelle/Bourbonne


BOURBONNE


Bourbonne, situé dans le Bassigny, sur les limites de la Haute-Saône et des Vosges, est une des villes les plus intéressantes de la Haute-Marne. La corrélation de son histoire avec celle de Jonvelle, sa voisine, demande que nous lui consacrions encore quelques pages, où seront insérés plusieurs détails inédits, qui ne manquent pas d’intérêt.

Nous avons dit[1] que les eaux minérales avaient donné à cette ville une grande importance dans les temps gallo-romains, importance fatale, qui la fit périr avec tous ses monuments sous la trombe des premières invasions germaniques. Ce n’est qu’en 612 qu’elle reparaît comme un castrum, appelé Vervona par Aymoin, annaliste du neuvième siècle. Ensuite ses archives sont muettes jusqu’en 1112. A cette date seulement, Bourbonne commence à sortir de son obscurité, parce que son nom se rattache dès lors à celui des grands personnages qui l’ont possédé à titre de seigneurs. Rappelons quelques souvenirs.

1112. Roscelin de Bourbonne est un des premiers bienfaiteurs de l’abbaye de Morimond, nouvellement fondée.

1145. Hugues, son fils, est témoin d’une donation faite par Cono, seigneur de Choiseul, à la même abbaye. Il eut pour fils Reignier Ier.

En 1173, paraissent dans la même famille Foulques et Geoffroy, et peu après Hugues et Reignier, nommés dans une donation faite aux templiers de Genrupt.

En 1182, Reignier II fait des dons à l’abbaye de Morimond. Pierre, son frère, prend part à la troisième croisade, avec Pierre de Voisey et les sires de Dampierre (1189).

1202. Dame Vuillaume, fille de Reignier, épouse Guy de Trichastel et lui apporte en dot une partie de la seigneurie de Bourbonne. En 1204, elle accorde à ses sujets leurs premières libertés, qui furent confirmées par Louis le Hutin (1313), alors roi de Navarre et comte de Champagne, et par son frère Charles le Bel, roi de France (1323). Dans cet intervalle, Philippe le Long, sur la demande des habitants eux-mêmes (1318), révoqua le droit de commune dont ils jouissaient, et leur quitta les 170 livres de rente qu’ils payaient pour ce droit. Ce corps de bourgeoisie était établi depuis longtemps, car il est mentionné dès l’an 1227, dans une charte de Reignier, seigneur de Choiseul, confirmant à l’abbaye de Cherlieu le don que Foulques, seigneur de Bourbonne, son parent, lui avait fait, du consentement d’Elisabeth, son épouse, et de Reignier et Guy, ses frères ; ce don consistait principalement dans la possession d’un certain Huon, burgensem Borboniœ, et de tout son ténement. Comme le sire de Choiseul ajoute que cet homme était de son fief et qu’il en abandonne la paisible propriété audit couvent, on en peut conclure aussi que ce baron était un membre de la maison de Bourbonne. Il avait épousé Alix de Dreux, dame de Traves et veuve de Gauthier IV, sire de Salins, dont il eut deux fils, Jean et Robert.

Guillaume de Trichastel, seigneur de Bourbonne, fils de Jean et petit-fils de Guy, nommé plus haut, vivait sur la fin du treizième siècle. A cette époque, le comte de Bourgogne, Othon IV, détacha le fief de Bourbonne de ses nombreux domaines, avec Jussey, Contréglise, Amance, Montaigu, Baulay, Faverney, Buffignécourt et Gevigney, pour compléter l’apanage et satisfaire les jalouses réclamations de Jean, son frère. Cet arrangement eut lieu par l’arbitrage de Jean de Montbéliard-Montfaucon et de Jean de Chalon, oncle des parties. Bourbonne se trouvait engagé, pour le moment, au comte de Champagne[2] ; en attendant qu’il devînt libre, Jean de Bourgogne fut nanti des baronnies de Jonvelle, de Scey-sur-Saône, de Thoraise et de Chauvirey (1292, 1293 )[3]. Mais ce fief demeura longtemps sous la main des sires de Champagne, qui s’y faisaient payer douze muids d’avoine par les tenanciers du lieu. Louis le Hutin avait cédé ses droits sur Bourbonne à Renaud de Choiseul, coseigneur du lieu, et à quelques autres nobles. Plus tard, en 1320, cette concession fut révoquée par Philippe le Long[4].

Le bailli du Comté était alors Vichard de Bourbonne. Une charte donnée à Chissey par ce noble chevalier, le jeudi après l’Apparition (Epiphanie) (12 janvier 1285), porte qu’il est nommé par « comandemenz monsignor li conte de Bourgoingne, por enquérir et por encerchier lez torz faiz par bailli, chastelains, prevotz, maïours et li genz et li gouverneurs qui ont gouverné sa terre de Bourgoingne. » Cette institution des réformateurs, déjà vivement recommandée par saint Louis à son fils, était alors en pleine vigueur dans notre pays. Vichard, qui fut chargé de cette mission confidentielle, avait épousé Agnès, fille de Vuillemin de Bourbévelle et de Marguerite de Betaucourt.

1338. Renard de Choiseul, chevalier, frère de Jean, seigneur de Choiseul, et de Reignier, seigneur d’Aigremont, obtint la seigneurie de Bourbonne par son mariage avec la petite-fille de Guillaume de Trichastel.

1339. Isabeau, leur fille aînée, fît passer la terre de Bourbonne dans l’illustre famille des Vergy, en épousant Guillaume Ier de Vergy, seigneur de Mirebeau et de Fontaine-Française. De cette noble alliance sortirent Jean et Isabeau de Vergy, au nom desquels leur père fît hommage à Philippe de Valois, pour le château de Bourbonne et quatre cents livrées de terres dépendant de la châtellenie. En retour et par grâce spéciale, le prince lui abandonna cent quarante-sept livrées de terre, avec tous les droits et biens qu’il possédait dans la châtellenie de Bourbonne, à l’exception des bois et des fiefs qui devaient rester au domaine royal (1348). Deux années après, Guillaume de Vergy était au service d’Eudes IV, duc de Bourgogne, avec plusieurs autres chevaliers comtois, dans son expédition de Flandres contre Robert d’Artois, son rival. Nommé exécuteur testamentaire du même duc (1346), chargé de défendre les États de Jean, roi de France, contre les entreprises de Renaud de Bar, seigneur de Pierrefaitte (1350), lieutenant général et gouverneur du Dauphiné pour le dauphin Charles (1355), dans toutes ces circonstances il sut justifier, par sa prudence et sa valeur, la confiance dont l’honoraient ces têtes couronnées. Il avait épousé en secondes noces Agnès de Durnay, et en troisièmes noces Jeanne de Montbéliard. Il termina sa carrière en 1360.

Jean de Vergy, son fils unique, lui succéda dans ses seigneuries et fut marié à Isabeau de Joinville, dont il n’eut qu’un fils, appelé Guillaume[5].

1370. Guillaume II de Vergy contracta mariage avec Agnès de Jonvelle, fille de Philippe, seigneur de Jonvelle, et de Guillemette de Charny. Il mourut vers 1374, laissant pour enfants Jean, Marguerite et Jeanne. Les deux premiers moururent adolescents. Pierre de Bard, seigneur de Pierrefort, tuteur de Jean, fit hommage au roi Charles V, au nom de son pupille, pour les châteaux de Coiffy et de Bourbonne (1376). Deux ans auparavant, la veuve de Vergy avait repris sa dot, qui comprenait les forteresses de Bourbonne, de Soilley et d’Epernoux, avec toutes leurs dépendances ; mais Philibert de Bauffremont, son second mari, vendit ces propriétés pour trois cents francs d’or, à Jean de Vergy, seigneur de Fouvent.

1389. Jeanne de Vergy, fille de Guillaume II de Vergy et d’Agnès de Jonvelle, épousa Henri de Bauffremont, baron de Scey-sur-Saône, conseiller et chambellan du duc de Bourgogne, et fit ainsi passer la seigneurie de Bourbonne à la maison de Bauffremont[6]. Héritière de Jean, son frère, elle reçut encore d’Agnès de Jonvelle, sa mère, la seigneurie de Charny. Elle eut six enfants, entre autres Jean qui va suivre, et Pierre, seigneur de Charny, conseiller et chambellan de Philippe le Bon. Pierre de Bauffremont portait de Bauffremont écartelé de Vergy, sur le tout de Charny. C’est de lui que sont descendus les comtes de Charny, les marquis de Mirebeau et d’autres gentilshommes illustres, dont les noms sont rapportés dans l’histoire de la maison de France. Lieutenant général de Charles le Téméraire, il osa, aidé de son frère, lutter de front, dans l’assemblée des états, contre les entraînements du prince, et lui faire entendre avec énergie la voix du pays. Pierre de Saint-Julien le désigne en ces termes : « le sieur de Jonvelle, qui aussi estoit sieur de Charny. » Les Bauffremont-Charny continuaient à se qualifier de Jonvelle, quoique dépouillés de ce fief[7].

Jean de Bauffremont, frère aîné du précédent, seigneur de Bourbonne, Mirebeau, etc., et marié à Marguerite de Chalon, fut commis par la noblesse à la rédaction des coutumes de Bourgogne (1459).

Anne de Bauffremont, son unique héritière, donna sa fortune et sa main à Pierre de Bauffremont-Senecey, son cousin, sire de Vauvillers, etc. Ils eurent quatre filles, dont l’aînée, Françoise, épousa Bertrand de Livron (1477).

Bertrand de Livron, seigneur de la Rivière, de Wart en Limousin et de Bourbonne par son mariage, grand écuyer du roi et capitaine du château de Coiffy, mourut vers l’année 1505. François Ier de Livron, son fils, eut pour femme Clauda de Roy. François II, son petit-fils, seigneur de Bourbonne, Courtenay, Longepierre, etc., épousa Bonne du Châtelet, fille de Nicole de Lénoncourt et d’Erard du Châtelet, seigneur de Vauvillers, Montureux-sur-Saône, Demangevelle, etc. ; il mourut en 1563.

Erard de Livron, fils du précédent, baron de Bourbonne, chevalier de l’ordre royal du Saint-Esprit, grand-maître d’hôtel du duc de Lorraine et gouverneur de Coiffy, épousa Gabrielle de Bassompierre, dame de Ville-sur-Illon.

Charles de Livron, marquis de Bourbonne, était leur fils. Entré comme son père et ses aïeux dans la carrière des armes, il fut successivement capitaine de cinquante chevaux, enseigne des gens d’armes de Marie de Médicis et maréchal de camp. Jeune encore, il mérita la reconnaissance de son pays et de son roi, par une capture importante, que Macheret raconte ainsi, d’après le Journalier du roy Louis XIII ; «  Faut sçavoir que les princes voisins de France, poussez d’une rage entièrement diabolique, firent contre l’Estat françois une maudite ligue, dont les trois principaux moteurs estoient les roys d’Angleterre et d’Espagne et le duc de Lorraine. Le factum du complot, rédigé et signé à Londres, fut porté à la signature de Madrid par le sieur Milour Montagu, qui le debvoit ensuite présenter au prince Charles. En conséquence, après avoir traversé la Gaule Narbonnoise, le Lyonnois et la Bresse, il fit halte à Besançon, pour illec se rafroichir. Puis, costoyant la Comté et cherchant les chemins les plus asseurez pour entrer en la Vosge et arriver droit à Nancy, il fut prins en un petit village appelé Ruaulx, par le seigneur Charles de Livron, marquis de Bourbonne et seigneur souverain dudit Ruaulx, qui le guettoit et poursuyvoit depuis son entrée en France, sans avoir encore treuvé l’occasion favorable pour se saisir de sa personne. Il le conduisit à son chasteau de Bourbonne, et le mesme soir, après souper, environ les unze heures, il fit assembler les soldats mousquetaires pour le transférer en la citadelle de Coiffy, luy disant : « Monseigneur, vous avez soupe chez moy, mais vous prendrez la peine de venir coucher chez mon maistre le roy, en sa maison de Coiffy. » Six semaines après, suyvant les ordres de Sa Maiesté, et assisté du grand prévost de France, le marquis de Bourbonne conduisit son prisonnier à Paris, en passant par Lengres, le 10 décembre 1627, de la par Grancey, Tonnerre, Nevy et aultres lieux, avec les lettres, chartes et paquets qu’il portoit de la part des souverains ennemis de la France. Or, ceste prinse valut au dit sieur marquis une des quatre lieutenances générales de Champaigne, pour les villes de Chaumont, Vitry, Bar-sur-Aube, Saint-Dizier et aultres[8]. »

Le 5 mai 1633, Charles de Livron fut créé chevalier de l’ordre royal du Saint-Esprit, avec Henri d’Orléans, le duc de la Trémouille, les cardinaux de Richelieu et de la Valette, les archevêques de Bordeaux, de Narbonne et trente-sept autres[9].

La même année, les jeunes princes de Wurtemberg, ayant mis leur comté de Montbéliard avec leurs seigneuries d’Héricourt, de Châtelot, de Blamont et de Clémont sous la protection de Louis XIII, obtinrent pour ces pays une garnison française, dont le commandement fut confié au marquis de Bourbonne. Il arriva à son poste le 11 septembre, avec cinq compagnies d’infanterie et deux de cavalerie, en tout cinq à six cents hommes. Toute la ville et les paysans des environs s’empressèrent à sa rencontre, enseignes déployées, au bruit des salves d’artillerie. Il amenait avec lui un chapelain, dont la présence et la messe vexèrent beaucoup ces fanatiques luthériens : l’un d’eux écrivait dés le premier jour : « Le marquis at amené un prestre pour faire l’exercice de papisme, chose qui est grandement à contre-cœur à tous. » Mais personne n’enragea plus contre les soldats papistes que la duchesse douairière de Wurtemberg, obligée de passer devant un de leurs corps de garde en allant à la chapelle du château pour le prêche. Néanmoins le fier Livron sut tenir haut, peut-être aussi avec raideur, le drapeau du roi Très Chrétien au milieu de ces hérétiques protégés. Au reste, par les réparations importantes qu’il fit à la place et surtout par sa bonne contenance, le gouverneur de Montbéliard conserva dans la sécurité le pays confié à sa garde. Il écrivait hardiment à la cour de Dole : « Je ne laisseray de me plaindre à vous qu’un Contois vint hier en ceste ville faire mils mauvais discours séditieux… Je vous prie d’empescher, parce que, s’il en vient encor quelqu’un, je le feray prendre et pendre, et puis je vous le manderay[10]. » Cependant Forstner, chancelier des princes, l’appelait dans ses lettres un soldat sans savoir et sans expérience de son métier : homo militiœ et bellorum insolens. Mais il parlait ainsi sans doute par rancune pour les procédés hautains du gouverneur.

Charles de Livron fut remplacé dans son commandement de Montbéliard par Louis de Champagne, comte de la Suze[11], en février 1636, et il revint à Bourbonne, avec ses meubles, par Vesoul et Jonvelle, muni d’une sauvegarde que le roi de France avait demandée pour lui au parlement de Franche-Comté[12]. La guerre éclata bientôt après, et l’épée du marquis de Bourbonne fut souvent occupée contre Jonvelle[13]. Il mourut en 1671, et sa postérité s’éteignit en 1728, dans la personne de Jean-Baptiste-Erard, son arrière-petit-fils.

Charles de Livron II, son petit-fils, fut abbé d’Ambronay, et vendit la terre de Bourbonne à Colbert du Terron (vers 1680), qui la fit passer au prince de Carpagna son gendre. Celui-ci la vendit, en 1711, à Nicolas Desmarest, marquis de Maillebois, neveu du grand Colbert et contrôleur général des finances.

C’est vers ce temps qu’arriva l’incendie général de Bourbonne. Le feu prit dans une maison de la rue Vellone, le 1er mai 1717. Excité par un vent impétueux il enveloppa bientôt toute la ville et dévora, en moins de trois heures, cinq cents maisons, l’église paroissiale le presbytère, le château, le couvent des capucins, les halles, l’auditoire, les moulins et presque toutes les archives publiques ou privées. Quarante-deux maisons seulement furent épargnées. On ne peut lire sans la plus vive émotion la relation de ce désastre adressée au prince de Talmont par M. Charles, alors curé de Bourbonne « Les pierres sont toutes calcinées par le feu, dit-il ; pas un pan de mur, pas un vestige de poutre qui puisse bien servir. Les caves sont la plupart enfoncées, le vin répandu ou gâté par la chaleur du feu. Les vignes, les arbres des jardins, les chariots, pressoirs, fours banaux et couvertures des puits, les provisions en fourrages, grains farines et viandes, les fonds de boutiques, les outils des ouvriers, etc., tout est consumé. On n’a pu rien sauver des différents bureaux du roy, dont les receveurs estoient en campagne ; presque rien des greffes peu de papiers des maisons particulières ; peu d’argenterie, de linge et de meubles, en quoy consistoient principalement les facilitez des habitants de Bourbonne, a cause de leurs chambres garnies pour recevoir une multitude de malades étrangers, qui y venoient depuis Pasques jusqu’à la Toussaint. »

Desmarest profita de sa haute position sociale pour procurer à ses concitoyens, soit avant, soit après cette terrible catastrophe, des grâces et des exemptions extraordinaires. Il fit décharger les habitants de Bourbonne, pendant dix ans, de la capitation et des autres impôts, outre les arrérages, et réduire les tailles à cinq sols par personne, à condition qu’on résiderait dans la ville et que les maisons seraient rétablies dans l’espace de quatre années.

Nicolas Desmarest mourut en 1721, laissant la seigneurie de Bourbonne à son fils Jean-Baptiste-François, marquis de Maillebois, maître de la garde-robe du roi, grand d’Espagne, enfin maréchal de France. Le fief de Bourbonne fut vendu par ce dernier, vers 1734, à François-Gabriel-Bénigne de Chartraire, président à mortier du parlement de Dijon, et passa successivement à Marie-Antoine-Renaud-Claude de Chartraire (1740), au comte de Mesmes d’Avaux, par son mariage avec demoiselle Reine-Claude de Chartraire, ensuite au comte Regoley d’Ogny (1783), à M. Lahérard (1822), enfin à M. Tonnet, ancien sous-préfet, propriétaire actuel. Le château moderne a remplacé l’ancienne forteresse des sires de Bourbonne, et il reste à peine quelques vestiges de celle-ci, pour rappeler la puissance des maîtres qui l’ont construite ou habitée.


Quoique ville du Bassigny, Bourbonne était du diocèse de Besançon, comme les paroisses des environs. Son église, dédiée à l’Assomption de Notre-Dame, est du douzième siècle. Malgré les dégradations que l’injure des siècles lui a fait subir, elle présente encore dans son ensemble un aspect imposant et digne de l’attention des archéologues. Jadis elle était desservie par un vicaire perpétuel, au nom de l’abbé de Saint-Vincent, de Besançon. Le patronage des chapelles de Saint-Nicolas et de Sainte-Barbe appartenait au seigneur du lieu. La famille de Livron avait droit de sépulture dans celle du Rosaire.

En 1654, Notre-Dame de Bourbonne reçut l’honorable visite de l’archevêque Claude d’Achey, alors en tournée pastorale. Après y avoir donné la confirmation, il y conféra les ordres sacrés et mineurs aux ordinands du diocèse de Langres, le samedi des quatre-temps, 19 septembre. L’évêque de Langres avait été empêché par la maladie de faire lui-même cette ordination. De là, Claude d’Achey s’en alla mourir en son château de Gy, le 6 octobre suivant.

Cependant, malgré l’intérêt archéologique et religieux qu’elle inspire, l’antique église de Bourbonne appelle une reconstruction : l’exiguïté de l’édifice, le voisinage insalubre et tumultueux de la place publique, et surtout le manque de solidité, ne permettent plus de conserver désormais ce monument, vénéré, qui a vu tant de révolutions et survécu à tant de désastres. Pour le relever, de louables efforts ont été tentés par M. Boileau, curé de la paroisse, et par le conseil de fabrique. Économies, quêtes, souscriptions, loteries, associations de prières, rien n’a été épargné pour cette œuvre, à la fois paroissiale et artistique. Il est réservé à l’administration municipale, dont la sollicitude intelligente n’est sans doute pas moindre pour les intérêts religieux et moraux que pour les intérêts civils et matériels de la cité, de mettre la dernière main à l’entreprise, et de donner enfin satisfaction aux besoins et aux vœux de toute la population.

Sur le plateau qui touche à l’établissement thermal, se trouvait le prieuré de Saint-Laurent. Ce bénéfice fut donné, en 1140, par l’archevêque Humbert à l’abbaye de Saint-Vincent, avec l’église paroissiale et la chapelle du château, auxquelles furent attachées plus tard toutes les dîmes seigneuriales (1250). Les papes Alexandre III (1179) et Luce III (1184), les archevêques Guillaume d’Arguel (1250) et Aymon (1364), confirmèrent les bénédictins dans la possession de ces droits. Enfin Honore-François de Grimaldi, de la maison princière de Monaco, autorisé par Benoît XIII, Louis XIII et Gaspard de Grammont, évêque d’Aréthuse et abbé de Saint-Vincent, unit définitivement le prieuré à la mense abbatiale de ce monastère (4 août 1727). A dater de cette époque il cessa d’être conventuel par la démission de dom Constant Guilloz, dernier prieur régulier, et devint un simple prieuré rural, dont les revenus furent perçus désormais par un religieux délégué à cette fin. La chapelle de Saint-Laurent possédait une image de la Vierge, devant laquelle les malades accouraient pour obtenir leur guérison. Un prêtre était chargé d’y célébrer la messe tous les dimanches.

Bourbonne avait aussi un hôpital fondé avec l’autorisation d’Antoine-Pierre de Grammont (1737), et une commanderie de religieux antonins, pour le service des malades et des pèlerins, remplacée plus tard par un couvent de capucins.

  1. V. première époque
  2. C’est à ce titre que Guy III de Jonvelle lui fit hommage pour ce qu’il tenait à Bourbonne (1294). (M. JOLIBOIS, La Haute-Marne ancienne et moderne.)
  3. Cartulaire de Bourgogne, fol. 454, 460 ; GOLLOT, livre VII, chap. 81.
  4. Cartulaire de Bourgogne, fol. 482, verso
  5. Le blason de Bourbonne, à cette époque, était écartelé un et quatre d’azur à la croix d’or tréflée : deux et trois d’argent, au croissant de gueule. (M. JOLIBOIS, La Haute-Marne ancienne et moderne.)
  6. V. page 100
  7. V. page 108
  8. Journal de Macheret, fol. 3
  9. Ibidem, fol. 8
  10. Documents inédits de l’Académie de Besançon, II, 349 à 464
  11. Celui-ci mourut le 27 septembre suivant et eut pour successeur Jacques Rouxel, comte de Médavy de Grancey, alors maréchal de camp, qui devint lieutenant général en 1641, et maréchal de France en l651
  12. Archives du Doubs, corresp. du parlem., B, 777, 2 février, lettre à la cour
  13. V. page 287 et suivantes