Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Moyen Âge/Livre 12/Chapitre 2
CHAPITRE II
La bataille de Gavre eut lieu le 21 juillet ; Talbot avait été tué le 17 en Guyenne. Si cette nouvelle eût pu venir à temps, si les Gantais avaient su que le roi de France était vainqueur, les choses auraient bien pu se passer tout autrement.
Quoi qu’il en soit, la Flandre était soumise, la guerre finie, et mieux qu’à Roosebeke. Gand cette fois avait été vaincue sous ses propres murs, à Gand même. Le duc de Bourgogne était décidément comte de Flandre, sans contestation et pour toujours.
Aussi l’orgueil fut sans mesure[1]. La noblesse crut avoir vaincu, non la ville de Gand, mais le roi et l’empereur ; c’était à eux à se tenir paisibles, à ne plus se mêler de la Flandre ni du Luxembourg, à remercier Dieu de ce que Monseigneur de Bourgogne était homme doux et pacifique.
Et en effet qu’y avait-il désormais de difficile ou d’impossible ? Du côté de l’Orient ou de l’Occident, qui eût résisté ?
La duchesse, qui était Lancastre par sa mère, regardait volontiers du côté de l’Angleterre, alors ouverte par la guerre civile. Elle voulait (et elle en vint à bout plus tard) marier son fils dans la branche d’York, pour unir les droits des deux branches, en sorte que reniant qui viendrait eût fini peut-être par tenir en une même main les Pays-Bas et l’Angleterre (plus que n’eut Guillaume III).
Ces idées, toutes hardies et ambitieuses qu’elles pouvaient être, étaient encore trop sages pour un tel moment. Le Nord brumeux, l’Angleterre, charmait peu l’imagination. Elle se tournait bien plus volontiers vers le Midi, vers les étranges et merveilleux pays dont on faisait tant de contes ; elle voyageait plutôt du côté des terres d’or, des hommes d’ébène, des oiseaux d’émeraude[2]… Il y avait là bien d’autres duchés, d’autres royaumes à prendre. N’avait-on pas vu la singulière fortune des Braquemont et des Béthencourt[3] ? Ce Braquemont de Sedan, qui n’était qu’un arrière-vassal de l’évêque de Liège, ayant passé en Espagne, couru les mers, cherché son aventure, avait fini par léguer à son neveu, au Normand Béthencourt, la royauté des Iles fortunées !… Plus loin encore, les pilotes de Dieppe avaient fait sur la grande terre d’Afrique, parmi les hommes noirs, un Rouen, un Paris[4]. Le propre frère de la duchesse de Bourgogne, don Henri, prince-moine[5], s’était bâti son couvent sur la mer, dirigeant de là ses pilotes, leur traçant la route, et dans sa longue vie fondant peu à peu des forts portugais sur les ruines des comptoirs normands.
Cette patience n’allait pas à un si grand souverain que le duc de Bourgogne, tout cela était lent et obscur. L’Orient seul était digne de lui, l’Orient, la croisade !… Qui devait défendre la chrétienté, sinon le premier prince chrétien ? L’Antéchrist était à la porte, on ne pouvait guère en douter. Nul signe n’y manquait. Le Turc, ses effroyables bandes de renégats habillés en moines, sous leur barbare et burlesque attirail[6], ce monstre, n’était-ce pas la Bête ?…
Les Grecs venaient de succomber, Constantinople avait été prise par Mahomet II, justement deux mois avant la bataille de Gavre. Quel avertissement pour les chrétiens d’en finir avec leurs discordes ! quelle menace de Dieu !… Après Constantinople, que restait-il, sinon de prendre Rome ?… Chaque nouveau sultan qui allait ceindre le sabre à la caserne des janissaires, quand il avait bu dans leur coupe, et la leur rendait pleine d’or, leur disait : « Au revoir, à Rome[7] ! »
Les Italiens, tout tremblants, s’assemblaient et délibéraient ; le pape se mourait de peur, il appelait toute la chrétienté, le grand duc surtout. Pour avoir son secours, il eût tout fait pour lui ; il l’aurait fait roi… Mais si les Flamands prenaient cette fois Constantinople, comme ils l’avaient déjà fait sous leur comte Baudouin, leur comte allait, sans avoir besoin du pape, se trouver encore empereur, et d’un bien autre empire que celui d’Allemagne, lequel est tout simplement électif, tandis que l’empire d’Orient est héréditaire ; tous les jaloux, Allemands et Français, en crèveraient sûrement de dépit.
Et déjà, quelque part que soit le duc de Bourgogne, à Dijon, à Bruges, là est le centre du monde chrétien. Qu’il dresse sa tente dans une forêt de la Comté, les ambassadeurs des princes y viendront de l’Orient et de l’Occident, les princes eux-mêmes, les légats du Saint-Siège. Où trouver le roi, l’empereur ? à grand’peine on pourrait le dire ; dans quelque obscur manoir apparemment, Charles VII à Mehun. Le rendez-vous de la chevalerie, l’hostel de toute gentillesse, la coin-. c’est la cour du duc de Bourgogne ; l’ordre, c’est son ordre, l’ordre galant et magnifique de la Toison d’or. Personne ne se soucie de celui qu’a fondé l’empereur, de l’ordre de la Sobriété ; triste empereur, qui, lorsqu’il pleut, remet ses vieux habits. Notre Charles VII, Charles de Gonesse[8] comme disaient les Flamands, n’était guère plus splendide ; il montait ordinairement « un bas cheval trottier d’entre deux selles ». Son serment doux et modeste était : Sainct-Jean ! Sainct-Jean ![9]. Le duc de Bourgogne jurait militairement, à l’anglaise : Par Sainct-George !
Pour mieux préparer la guerre, on fit à Lille une fête qui coûta autant qu’une guerre, fête nombreuse, immense et fabuleux gala, d’une dépense telle que ceux qui en avaient fait l’ordonnance en frémirent eux-mêmes.
Ces grandes fêtes flamandes de la maison de Bourgogne ne ressemblent guère à nos froides solennités modernes. On ne savait pas encore ce que c’était que de cacher les préparatifs, les moyens de jouissances, pour ne montrer que les résultats ; on montrait tout, nature et art, et tout art mêlé, tout plaisir. On jouissait, non pas tant de la petite part que chacun prend en une fête, mais bien plus de l’abondance étalée, du superflu, du trop-plein. Ostentation, sans doute, lourde pompe, sensualité barbare et par trop naïve… Mais les sens ne s’en plaignaient pas.
Dans ce prodigieux gala les intervalles des services étaient remplis par d’étranges spectacles, chants, comédies, représentations fictives mêlées de réalités ! Parmi les acteurs, il y en avait d’automates, il y avait des animaux, par exemple un ours chevauché par un fol, un sanglier par un lutin. A un poteau l’on voyait, bien tenu par une chaîne, un lion vivant qui gardait une belle figure de femme nue, vêtue de ses cheveux par derrière, par devant enveloppée « pour cacher où il appartenoit d’une serviette déliée… escripte de lettres grecques[10]… » Cette figure de femme jetait de l’hypocras par la mamelle droite.
Trois tables étaient dressées dans la salle : « Sur la moyenne, une église croisée, verrée, de gente façon, où il y avoit une cloche sonnante et quatre chantres… Il y avoit un autre entremets d’un petit enfant tout nu qui pissoit eau rose continuellement[11]. » Sur la seconde table, qui devait être prodigieusement longue, on voyait neuf entremets ou petits spectacles avec leurs acteurs ; l’un des neuf entremets était « un pasté, dedans lequel avoit vingt-huit personnages vifs, jouant de divers instruments. »
Le grand spectacle mondain fut celui de Jason, conquérant de la Toison d’or, domptant les taureaux, tuant le serpent, gagnant sa bataille de Gavre sur les monstres mythologiques. Cela fait, commença l’acte pieux de la fête, « l’entremets pitoyable », comme l’appelle Olivier de La Marche.
Un éléphant entra dans la salle, conduit par un géant sarrasin… Sur son dos s’élevait une tour, aux créneaux de laquelle on voyait une nonne éplorér, vêtue de satin blanc et noir ; ce n’était pas moins que la sainte Église. Notre chroniqueur Olivier, alors jeune et joyeux compère, s’était chargé du personnage. L’Église, dans une longue et peu poétique complainte, implora les chevaliers, et les pria de jurer sur le faisan qu’ils viendraient à son secours. Le duc jura, et tous après lui. Ce fut à qui se signalerait par le vœu le plus bizarre ; l’un jura de ne plus s’arrêter qu’il n’eût pris le Turc mort ou vif ; l’autre de ne plus porter d’armure au bras droit, de ne plus se mettre à table les mardis. Tel jura de ne pas revenir avant d’avoir jeté un Turc les jambes en l’air ; un autre, un écuyer tranchant, voua impudemment que s’il n’avait pas les faveurs de sa dame avant le départ, il épouserait au retour la première qui aurait vingt mille écus. Le duc finit par les faire taire.
Alors commença un bal où dansèrent avec les chevaliers douze Vertus, en satin cramoisi ; c’étaient les princesses elles-mêmes, les plus hautes dames. Le lendemain, le jeune comte de Charolais ouvrit un tournoi. Ces exercices, innocents dans un siècle où les armures étaient assez parfaites pour rendre l’homme invulnérable[12], inutiles aussi à une époque de grandes armées et déjà de tactique, étaient pourtant fort encouragés par la maison de Bourgogne. Quoique le spectacle fût peu dangereux, il n’en était pas moins une occasion de vives émotions, plus sensuelles qu’on ne croirait. Au moment même du choc, quand, les trompettes se taisant tout à coup, les chevaux lancés se heurtaient, quand les lances fragiles se brisaient sur l’impénétrable armure, le coup frappait ailleurs encore, les dames se troublaient et devenaient vraiment belles… Que s’il n’y avait rien de fait, s’il fallait recommencer, si le cavalier revenait à la charge, plus d’une ne se connaissait plus ; il n’y avait alors plus de ménagement, de respect humain… On jetait, pour encourager celui qu’on croyait en péril, gant, bracelet, tout ; on aurait jeté son cœur[13]…
Il y avait aussi des fêtes politiques, plus graves, mais non moins brillantes, les assemblées de la Toison d’or. Aux chapitres solennels de l’ordre, le duc de Bourgogne apparaissait comme chef de la noblesse chrétienne. Qui n’en eût pris cette idée, à l’assemblée de 1446, par exemple, lorsque dans l’église de Saint-Jean, majestueusement tapissée, parmi les triomphantes peintures de Van Eyck et la musique d’Ockenheim, le noble chapitre fut reçu par le clergé, et que chaque chevalier alla s’asseoir sous le large tableau où brillait son blason en vives couleurs ? Les tableaux vides ou noirs indiquaient les morts ou les expulsés, les sévères justices de l’ordre. Un ciel de drap d’or marquait la place d’un membre éminent, du roi d’Aragon.
Le tableau commun de l’ordre de la Toison, son symbole, était sur l’autel, l’Agneau de Jean Van Eyck[14], qu’on venait voir des plus lointaines contrées. Le grand peintre et chimiste[15], qui fut pour la peinture un Albert-le-Grand, qui seul entre les hommes eut, dit-on, la puissance d’infuser dans ses couleurs les rayons du soleil, avait laissé là l’inachevable Cologne, le vieux symbolisme, la rêverie allemande, et dans le plus mystique des sujets, dans l’Agneau même de saint Jean, l’audacieux génie sut introniser la nature. Ce tableau, ce grand poème, qui date si bien le moment de la Renaissance, est gothique encore dans sa partie supérieure[16], mais tout moderne dans le reste. Il comprend un nombre innombrable de figures, tout le monde d’alors, et Philippe-le-Bon, et les serviteurs de Philippe-le-Bon, et les vingt nations qui venaient rendre hommage à l’agneau de la Toison d’or. De cette toison vivante, de l’agneau placé sur l’autel partent des rayons qui vont illuminer la foule pieuse ; par un bizarre allégorisme, les rayons touchent les hommes à la tête, les femmes au sein ; leur sein semble arrondi[17], fécondé du divin rayon[18].
Cette flamboyante couleur de Van Eyck éblouit l’Italie elle-même ; le pays de la lumière s’étonna de trouver la lumière au Nord. Le secret fut surpris, volé par un crime[19], le secret, mais non le génie. Aussi les Médicis aimèrent mieux s’adresser au maître lui-même. Le roi de Naples, Alphonse-le-Magnanime, âme poétique, qui, dit-on, consumait ses jours dans la pure contemplation de la beauté[20], pria le magicien des Pays-Bas de lui doubler son plaisir, de lui reproduire une femme, les longs et doux cheveux surtout[21] que les Italiens ne savaient peindre, la toison d’or de ce beau chef, la fleur de cette fleur humaine.
Quel charme pour l’heureux fondateur de la Toison d’or, pour le bon duc, si tendre aux belles choses, d’avoir à lui[22] justement celui qui savait les saisir dans le mouvement de la vie, et les empêcher de passer ! celui qui le premier fixa l’iris capricieuse qui nous flatte et nous fuit sans cesse…
Dans l’empire de ce roi de la couleur et de la lumière, venaient se pacifier les teintes voyantes, les oppositions de figures, de costumes, de races, que présentait l’hétérogène empire de la maison de Bourgogne. L’art semblait un traité dans cette guerre intérieure de peuples mal unis. La grande école flamande des trois cents peintres de Bruges, avait pour maître Jean Van Eyck, un enfant de la Meuse. Et c’était tout au contraire un Flamand, Chastellain, qui, portant dans le style la violence de Van Eyck et de Rubens, domptait notre langue française, la forçait, sobre et pure qu’elle était jusque-là, de recevoir d’un coup tout un torrent de mots, d’idées nouvelles, et de s’enivrer, bon gré, mal gré, aux sources mêlées de la Renaissance.
- ↑ Et cet orgueil alla jusqu’à la folie, si l’on en juge par le fait suivant. Le duc, ayant été obligé, par une maladie, de se faire raser la tête, fit « un édict, que tous les nobles hommes se feroyent raire leurs testes, comme lui ; et se trouvèrent plus de cinq cents nobles hommes, qui, pour l’amour du duc, firent comme luy ; et aussi fut ordonné messire Pierre Vacquembac et autres, qui prestement qu’ils veoyent un noble homme, lui ostoient ses cheveux. » (Olivier de La Marche.)
- ↑ Voy. au musée de Bruges, l’Offrande de la perruche à l'enfant Jésus, un des tableaux les plus originaux de Van Eyck. Plusieurs intermèdes du Banquet du faisan (1454) indiquent aussi que les imaginations étaient fort préoccupées des contrées nouvellement découvertes.
- ↑ App. 158.
- ↑ Vitet.
- ↑ Grand maître de l’ordre d’Avis. Il avait pris pour devise ces paroles françaises que les Portugais gravèrent dans tous leurs établissements : Talent de bien faire.
- ↑ Je parle surtout du corps qui fit la force réelle des armées turques, des janissaires ; ils étaient, comme on sait, affiliés aux Derviches, ils en portaient à peu près le costume. De plus, comme commensaux du sultan, ils avaient sur la tête des cuillers au lieu de plumets ; le palladium de chaque corps était sa marmite, les chefs s’appelaient cuisiniers, faiseurs de soupes, etc.
- ↑ « Nous nous reverrons à la Pomme rouge. » C’est ainsi que les Ottomans nomment la ville de Rome. (Hammer.)
- ↑ C’est le nom dérisoire qu’ils donnaient quelquefois à nos rois.
- ↑ App. 159.
- ↑ Tout ceci est d’Olivier de La Marche, qui fui un dos principaux acteurs de la fête, qui fit les vers, etc.
- ↑ Tout le monde connaît le Mannekenpiss, chéri des gens de Bruxelles comme le plus vieux bourgeois de la ville. App. 160.
- ↑ Il est curieux de voir combien il y a peu de blessures et combien légères dans les interminables histoires de tournois que fait Olivier de La Marche. — Tout cela commençait à paraître assez puéril. Le pauvre Jacques de Lalaing, dernier héros de cette gymnastique, avait peine à trouver des gens qui voulussent le délivrer de son emprise. Son fameux pas d’armes de la Dame de pleurs auprès de Dijon, à la rencontre des routes de France, d’Italie, etc., et dans l’année du Jubilé, lui fournit peu d’adversaires : « Personne n’a pitié de la Dame de plours, et n’y veut toucher. » Le Bâtard de Saint-Pol a beau suspendre près de Saint-Omer l’écu de Tristan et de Lancelot-du-Lac, son pas de la Belle pèlerine est peu fréquenté. — Le dernier fol en ce genre, comme il est juste, est un lord anglais, qui va se poster au pont de l’Arno, pour forcer les pacifiques Toscans de se battre avec lui ; cet Anglais est à peu près contemporain de Cervantes.
- ↑ Ces déchirantes voluptés de la peur ont été observées de tout le monde en Espagne dans les combats de taureaux. Mais elles ne sont nulle part exprimées de façon plus naïve et plus charmante que dans le roman de Perceforêt, qui est ici une histoire : « A la fin du tournoi, les dames se trouvoient quasi nues de leurs atours ; elles s’en alloient leurs cheveux d’or flottant sur leurs épaules, de plus, les cottes sans manches ; elles avoient jeté aux chevaliers guimpes et chaperons, mantel et camise… Quand elles se virent en ce point, elles en furent toutes honteuses ; puis, chacune s’apercevant que la voisine étoit de même, elles se mirent à rire de leur aventure ; elles n’avoient plus songé qu’elles alloient se trouver nues, tant elles donnoient de bon cœur ! »
- ↑ App. 161.
- ↑ Peu importe que Van Eyck ait trouvé la peinture à l’huile. La gloire appartient à celui qui s’est emparé, par le génie, d’une chose jusque-là inutile et obscure.
- ↑ Ce sont trois figures immobiles avec leurs auréoles d’or ; mais dans cette immobilité rayonne déjà la vie moderne. Elle éclate dans la partie inférieure du tableau, la vie, la nature, la variété ; c’est un vaste paysage et trois cents figures habilement groupées. Ainsi l’harmonie commence dans la peinture, presque en même temps que dans la musique ; le moyen âge n’avait connu que l’unisson monotone, ou la mélodie individuelle. Voy. la note sur la musique mu moyen âge. (Réforme, 1855.)
- ↑ Ceci est favorisé par le costume du temps, dont les modes du nôtre se sont un moment rapprochées.
- ↑ C’est la pensée même de la Renaissance. Dans la femme, dans la Vierge-Mère, le moyen âge a surtout honoré la virginité, le quinzième siècle, la maternité ; la Vierge alors est Notre-Dame. Voy. Introduction à la Renaissance (1855).
- ↑ Tout le monde connaît l’histoire, ou le conte, d’Antonello de Messine qui, ayant vu un tableau de Van Eyck, court à Bruges, sous le costume d’un noble amateur, et tire de lui le secret de la peinture à l’huile. De retour en Italie, ce furieux Sicilien, jaloux comme on l’est en Sicile, poignarda celui qui eût partagé avec lui sa maîtresse chérie, la peinture.
- ↑ C’est à un pape que nous devons le souvenir de ce pur et poétique amour. Pie II raconte que la dernière passion d’Alfonse fut une noble jeune fille, Lucrezia d’Alagna. En sa présence, il semblait hors de lui-même ; ses yeux étaient toujours fixés sur elle, il ne voyait, n’entendait qu’elle ; et néanmoins cette ardente passion ne coûta rien à sa vertu.
- ↑ « Capillis naturam vincentibus. » (Keversberg.)
- ↑ Il semble que Philippe-le-Bon ait montré Van Eyck aux nations étrangères comme Philippe IV leur montrait Rubens dans les ambassades : parmi les personnes attachées à l’ambassade qui alla chercher l’infante de Portugal, se trouvait Jehan Van Eyck, « varlet de chambre de mondit seigneur de Bourgoingne, et excellent maistre en art de peinture, » qui peignait « bien au vif la figure de l’infante Isabelle ».