Heures perdues/Petits voleurs

Imprimerie générale A. Côté (p. 109-111).


PETITS VOLEURS


Septembre fait plier l’arbre sous les fruits mûrs,
Et déjà les enfants escaladant les murs
Où va s’abriter l’hirondelle,
Humant la douce odeur que répand mon verger,
S’avancent dans la nuit doucement, sans songer
À mon chien farouche et fidèle.


Ils approchent, voilà qu’ils ont déjà surgi
Sur la haie où l’épine a bien souvent rougi
Leurs mains petites mais avides.
Eux pourtant si bavards ont cessé leur caquet ;
Ils ont tendu la main, quand mon cerbère au guet
Fond sur eux en deux bonds rapides.

Adieu large festin au pied de l’arbre vert !
Adieu les fruits vermeils ! Le dogue a découvert,
Gardien féroce et taciturne,
Leurs pas lents et furtifs à l’abri des halliers,
Et fait fuir devant lui ces hardis écoliers
Honteux de leur course nocturne.

Parmi ceux que le vol avait là réunis
C’est un sauve-qui-peut à travers prés jaunis.
Comme ils fuient les petits coupables !
Hallali sans pareil, à travers les vallons

Ils courent essoufflés ; mon chien sur leurs talons
Exhibe ses crocs formidables.

Il faut à ces pillards de sévères leçons,
Il faut depuis longtemps à ces vilains garçons,
Qui pillent les vergers sans gêne,
Un chien qui les arrête à leur premier méfait ;
Un invisible argus qui les prend sur le fait
Et qui tambour battant les mène.

Aussi quand l’an prochain l’arbre aura ses fruits mûrs
On ne les verra plus escalader les murs
Où pend le nid de l’hirondelle ;
Moins friands de mes fruits qu’effrayés du danger,
Ils ne reviendront plus visiter mon verger
Que défend un gardien fidèle !