Heures perdues/L’Horloge

Imprimerie générale A. Côté (p. 105-107).


L’HORLOGE


i

Lombre tiède du soir était lente à venir
Et, pensif, je disais ô jour, vas-tu finir ?
Horloge, que fais-tu, que ton aiguille noire
Se traîne lentement sur ton cadran d’ivoire ?
Précipite ta marche et ramène la nuit,
La nuit qu’aime le rêve et que le sommeil suit.

Mais elle, doucement loquace et familière,
Me dit : J’ai poursuivi ma course journalière
D’un pas toujours le même et, par d’égaux instants,
Marqué comme toujours le cours fatal du Temps.
Ne te plains pas de moi, car, fidèle à ma tâche,
Dans mon cycle restreint j’ai couru sans relâche ;
Et s’ils t’ont paru lents les coups que je sonnais,
Toi seul est le coupable, ami, car tu flânais !

ii

Horloge, que fais-tu ? Comme un coursier numide
Pourquoi voler si vite ? Allons, sois moins rapide.
Ne marque plus ainsi par sauts précipités
Les douze coups que l’homme en pleurant t’a comptés.

Mais elle, doucement loquace et familière,
Me dit : J’ai poursuivi ma course journalière,
Et de même qu’hier j’ai par d’égaux instants
Marqué sans me presser le cours fatal du Temps.
Ne te plains pas de moi, car tu serais injuste ;
Souviens-toi que courbé sur le travail auguste,
Inconscient du temps qui sans merci fuyait,
Le cœur battait plus vite et l’esprit travaillait !