Heures perdues/Le Souvenir

Imprimerie générale A. Côté (p. 88-92).


LE SOUVENIR


Le ruisseau s’échappant de son obscure source
N’y peut plus revenir ;
Ainsi glissent nos jours sans trêve et sans ressource,
Et nous n’y revenons que par le souvenir.



Le souvenir ! Qui peut revoir sans une larme
Le bord qu’il a laissé,
Et, sans blessure au cœur, n’éprouver que du charme
À rassembler, le soir, les débris du passé !


Le souvenir ! C’est lui qui porte la pensée
Vers les âges lointains,
Y retrouve parfois une ombre délaissée,
Et fait venir aux yeux quelques pleurs clandestins.


Nul n’évoqua jamais de son passé rapide
Les rapides instants
Sans sentir dans son cœur un souvenir perfide
Déchirer sans pitié les fleurs de son printemps !



Tout homme est l’artisan de son bonheur sur terre.
Dieu mit dans tous les cœurs
Auprès des passions, insondable cratère,
La source et le foyer de tous les vrais bonheurs.


Ainsi que fait l’enfant lorsque sa main mutine
Agite les flots bleus,
Nous remuons souvent cette source divine,
Et le bonheur troublé se dérobe à nos yeux.


D’instants nobles et bons composons notre vie
Pour que, dans l’avenir,
Quand nous nous souviendrons, sur la route suivie
Ne se dresse jamais un amer souvenir.



Oui, que la charité, l’amour et l’espérance
Se partagent nos jours.
Le Seigneur bénira nos heures de souffrance
Et d’heureux souvenirs en marqueront le cours.