Heures perdues/La fête Nationale

Imprimerie générale A. Côté (p. 45-49).


LA FÊTE NATIONALE


Toutes les cloches réveillées
Au bruit matinal des tambours
Lancent leurs joyeuses volées
Aux extrémités des faubourgs.
Le soleil de ses feux splendides 

Illuminant les Laurentides
Dore les toits de la cité.
La nature en liesse prête
À ce jour unique de fête
Le plus beau jour de son été.


C’est la fête nationale !
Le rendez-vous longtemps rêvé !
Déjà la foule matinale
Circule sur le dur pavé.
Comme un frémissement d’ivresse,
Au vent léger qui les caresse
Mille drapeaux flottent dans l’air,
Et les hallebardes pesantes,
Aux rayons du matin luisantes,
Ont le vif reflet de l’éclair.



La ville est toute pavoisée.
Partout des drapeaux et des fleurs.
Voyez la plus humble croisée
Hisse l’écharpe aux trois couleurs.
De tous les quartiers de la ville
Débouche le peuple tranquille,
D’enthousiasme rayonnant,
Et sous les arches de nos rues
Passent les foules accourues
De tous les points du continent.


Alors défilent les bannières
De tous nos frères réunis ;
Et mille voix mâles et fières
Entonnent nos hymnes bénis.
On se dirige vers les plaines

De grands souvenirs encor pleines,
Et dans ce dernier rendez-vous
Témoin d’une lutte sanglante,
Le prélat d’une voix tremblante
Bénit tout un peuple à genoux !


Québec avec orgueil s’enivre
À ce suprême festival ;
Le vieux Québec se sent revivre
Et songe aux jours du grand Laval.
Adieu, les oisives disputes !
Plus de querelles, plus de luttes.
En ce jour tout est effacé.
Regardez nos gloires naissantes
Viennent s’incliner, frémissantes,
Devant les gloires du passé !



Voici la fête terminée.
La nuit descend sur les faubourgs.
Rapide a passé la journée,
Ainsi que passent les grands jours.
Émue et rêveuse la foule
Religieusement s’écoule
Emportant en elle l’espoir :
Vers la fin d’un jour sans orages
Ainsi l’on voit de blancs nuages
Dispersés par le vent du soir !