Heures perdues/Bon voyage !

Imprimerie générale A. Côté (p. 51-53).


BON VOYAGE !


à ma sœur corinne, le jour de son départ pour ottawa

Partir pour Bytown, autrefois,
C’était aller au bout du monde.
L’adieu faisait trembler la voix
Et l’angoisse, en larmes féconde, 
Suivait le hardi voyageur.

Pensant aux dangers des rapides,
La pauvre mère, au front songeur,
Priait pour ses fils intrépides.
Ému, plus d’un gars en partant
Recevait, poitrine oppressée,
L’aveu d’un cœur tout palpitant,
Le baiser d’une fiancée.
Oh ! que de mots pleins de douceur !
« Pense à moi ! » sanglotait la mère.
« Reviens-nous ! » murmurait la sœur ;
« Sois un homme ! » disait le père.


Aujourd’hui, sans regrets l’on part,
On se sépare sans angoisse.
On ne cause par son départ
Aucun émoi dans la paroisse ;

Car la distance disparaît ;
Car le convoi qui nous emporte
Jette, rapide comme un trait,
Tous les pays à notre porte !
On sait que le convoi qui part
Avec l’être aimé qui nous quitte
Au but l’emporte sans retard
Et nous le ramène aussi vite !
Un bon baiser, un mot du cœur
Ont remplacé la larme amère………
— « Bon voyage, petite sœur ! »
— « Au revoir et merci, mon frère ! »