Hetzel (p. 1-16).
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DEUXIÈME PARTIE



CHAPITRE PREMIER


DANS LEQUEL ON PRÉSENTE SANS CÉRÉMONIE LE TRENTE-SIXIÈME HABITANT DU SPHÉROÏDE GALLIEN.


Le trente-sixième habitant de Gallia venait enfin d’apparaître sur la Terre-Chaude. Les seuls mots, à peu près incompréhensibles, qu’il eût encore prononcés, étaient ceux-ci :

« C’est ma comète, à moi ! C’est ma comète ! »

Que signifiait cette réponse ? Voulait-elle dire que ce fait, inexplicable jusqu’ici, la projection dans l’espace d’un énorme fragment détaché de la terre, était dû au choc d’une comète ? Y avait-il donc eu rencontre sur l’orbite terrestre ? Ce nom de Gallia, auquel des deux astéroïdes le solitaire de Formentera l’avait-il donné, à l’astre chevelu ou au bloc lancé à travers le monde solaire ? Cette question ne pouvait être résolue que par le savant qui venait de réclamer si énergiquement « sa comète » !

En tout cas, ce moribond était incontestablement l’auteur des notices recueillies pendant le voyage d’exploration de la Dobryna, l’astronome qui avait rédigé le document apporté à la Terre-Chaude par le pigeon voyageur. Lui seul avait pu jeter étuis et barils à la mer et donner la liberté à cet oiseau que son instinct devait diriger vers l’unique territoire habitable et habité du nouvel astre. Ce savant, — il l’était à n’en pas douter, — connaissait donc quelques-uns des éléments de Gallia. Il avait pu mesurer son éloignement progressif du soleil, calculer la diminution de sa vitesse tangentielle. Mais, — et c’était la question la plus importante, — avait-il calculé la nature de son orbite, et reconnu si c’était une hyperbole, une parabole ou une ellipse que suivait l’astéroïde ? Avait-il déterminé cette courbe par l’observation successive de trois positions de Gallia ? Savait-il enfin si le nouvel astre se trouvait dans les conditions voulues pour revenir à la terre, et dans quel laps de temps il y reviendrait ?

Voilà tout d’abord les questions que le comte Timascheff s’adressa à lui-même et qu’il posa ensuite au capitaine Servadac et au lieutenant Procope. Ceux-ci ne purent lui répondre. Ces diverses hypothèses, ils les avaient envisagées, discutées pendant leur voyage de retour, mais sans parvenir à les résoudre. Et malheureusement, le seul homme qui pût vraisemblablement posséder la solution de ce problème, il était à craindre qu’ils ne l’eussent ramené qu’à l’état de cadavre ! S’il en était ainsi, il faudrait renoncer à tout espoir de jamais connaître l’avenir réservé au monde gallien !

Il fallait donc, avant toutes choses, ranimer ce corps d’astronome qui ne donnait plus aucun signe d’existence. La pharmacie de la Dobryna, bien pourvue de médicaments, ne pouvait être mieux utilisée qu’à obtenir cet important résultat. C’est ce qui fut immédiatement fait, après cette encourageante observation de Ben-Zouf :

« À l’ouvrage, mon capitaine ! On ne se figure pas combien ces savants, ça a la vie dure ! »

On commença donc à traiter le moribond, à l’extérieur, par des massages si vigoureux qu’ils eussent détérioré un vivant, et, à l’intérieur, par des cordiaux si réconfortants qu’ils auraient ressuscité un mort.

C’était Ben-Zouf, relayé par Negrete, qu’on avait chargé de l’extérieur, et l’on peut être assuré que ces deux solides masseurs firent consciencieusement leur besogne.

Pendant ce temps, Hector Servadac se demandait vainement quel était ce Français, qu’il venait de recueillir à l’îlot de Formentera, et dans quelles circonstances il avait dû se trouver en rapport avec lui.

Il aurait cependant bien dû le reconnaître ; mais il ne l’avait vu que dans cet âge qu’on appelle, non sans raison, l’âge ingrat, car il l’est au moral aussi bien qu’au physique.

En effet, le savant, qui reposait actuellement dans la grande salle de Nina-Ruche, n’était ni plus ni moins que l’ancien professeur de physique d’Hector Servadac au lycée Charlemagne.

Ce professeur se nommait Palmyrin Rosette. C’était un véritable savant, très-fort en toutes sciences mathématiques. Après sa première année d’élémentaires, Hector Servadac avait quitté le lycée Charlemagne pour entrer à Saint-Cyr, et, depuis lors, son professeur et lui, ne s’étant plus rencontrés, s’étaient ou plutôt avaient cru s’être oubliés.

L’élève Servadac, on le sait, n’avait jamais mordu avec grand appétit aux études scolaires. Mais, en revanche, que de mauvais tours il avait joués à ce malheureux Palmyrin Rosette, en compagnie de quelques autres indisciplinés de sa trempe !

Qui additionnait de quelques grains de sel l’eau distillée du laboratoire, ce qui provoquait les réactions chimiques les plus inattendues ? Qui enlevait une goutte de mercure de la cuvette du baromètre pour le mettre en contradiction flagrante avec l’état de l’atmosphère ? Qui échauffait le thermomètre, quelques instants avant que le professeur vînt, le consulter ? Qui introduisait des insectes vivants entre l’oculaire et l’objectif des lunettes ? Qui détruisait l’isolement de la machine électrique, de manière qu’elle ne pouvait plus produire une seule étincelle ? Qui donc enfin avait percé d’un trou invisible la plaque qui supportait la cloche de la machine pneumatique, de telle sorte que Palmyrin Rosette s’épuisait à pomper un air qui rentrait toujours ?

C’étaient là les méfaits les plus ordinaires de l’élève Servadac et de sa trop joyeuse bande.

Et ces mauvais tours avaient d’autant plus de charmes pour les élèves, que le professeur en question était un rageur de premier ordre. De là, des colères rouges et des accès de rage qui mettaient « les grands » de Charlemagne en belle humeur.

Deux ans après l’époque à laquelle Hector Servadac quitta le lycée, Palmyrin Rosette, qui se sentait plus cosmographe que physicien, avait abandonné la carrière de l’enseignement pour se livrer spécialement aux études astronomiques. Il essaya d’entrer à l’Observatoire. Mais son caractère grincheux, si parfaitement établi dans le monde savant, lui en fit fermer obstinément les portes. Comme il possédait une certaine fortune, il se mit à faire de l’astronomie pour son propre compte, sans titre officiel, et il s’en donna à cœur joie de critiquer les systèmes des autres astronomes. Ce fut à lui, d’ailleurs, que l’on dut la découverte de trois des dernières planètes télescopiques, et le calcul des éléments de la trois cent vingt-cinquième comète du catalogue. Mais, ainsi qu’il a été dit, le professeur Rosette et l’élève Servadac ne s’étaient jamais retrouvés en présence l’un de l’autre avant cette rencontre fortuite sur l’îlot de Formentera. Or, après une douzaine d’années, rien de bien étonnant que le capitaine Servadac n’eût pas reconnu, surtout dans l’état où il était, son ancien professeur Palmyrin Rosette.

Lorsque Ben-Zouf et Negrete avaient retiré le savant des fourrures qui l’enveloppaient de la tête aux pieds, ils s’étaient trouvés en présence d’un petit homme de cinq pieds deux pouces, amaigri sans doute, mais naturellement maigre, très-chauve, avec un de ces beaux crânes polis qui ressemblent au gros bout d’un œuf d’autruche, point de barbe, si ce n’est un poil qui n’avait pas été rasé depuis une semaine, un nez long et busqué, servant de support à une paire de ces formidables lunettes qui, chez certains myopes, semblent faire partie intégrante de leur individu.

Ce petit homme devait être extraordinairement nerveux. On aurait pu le comparer à l’une de ces bobines Rhumkorff, dont le fil enroulé eût été un nerf long de plusieurs hectomètres, et dans laquelle le courant nerveux aurait remplacé le courant électrique avec une intensité non moins grande. En un mot, dans la « bobine Rosette », la « nervosité », — que l’on accepte pour un instant ce mot barbare, — était emmagasinée à une très-haute tension, comme l’électricité l’est dans la bobine Rhumkorff.

Cependant, si nerveux que fût le professeur, ce n’était pas une raison pour le laisser aller de vie à trépas. Dans un monde où l’on ne compte que trente-cinq habitants, la vie du trente-sixième n’est pas à dédaigner. Lorsque le moribond fut en partie dépouillé de ses vêtements, on put constater que son cœur battait encore, faiblement, mais enfin il battait. Il était donc possible qu’il reprît connaissance, grâce aux soins vigoureux qu’on lui prodiguait. Ben-Zouf frottait et refrottait ce corps sec comme un vieux sarment, à faire craindre qu’il ne prît feu, et, comme s’il eût astiqué son sabre pour une parade, il murmurait ce refrain si connu :

Au tripoli, fils de la gloire,
Tu dois l’éclat de ton acier.

Enfin, après vingt minutes d’un massage non interrompu, un soupir s’échappa des lèvres du moribond, puis deux, puis trois. Sa bouche, hermétiquement fermée jusqu’alors, se desserra. Ses yeux s’entr’ouvrirent, se refermèrent et s’ouvrirent tout à fait, mais inconscient encore du lieu et des circonstances où il se voyait. Quelques paroles furent prononcées, qu’on ne put saisir. La main droite de Palmyrin Rosette se tendit, se leva, se porta à son front comme si elle y eût cherché un objet qui ne s’y trouvait plus. Puis alors, ses traits se contractèrent, sa face rougit comme s’il fût revenu à la vie par un accès de colère, et il s’écria :

« Mes lunettes ! Où sont mes lunettes ? »

Ben-Zouf chercha les lunettes réclamées. On les retrouva. Ces lunettes monumentales étaient armées de véritables oculaires de télescopes en guise de verres. Pendant le massage, elles s’étaient détachées de ces tempes auxquelles elles semblaient vissées, comme si une tige eût traversé la tête du professeur d’une oreille à l’autre. Elles furent rajustées sur ce nez en bec d’aigle, leur assise naturelle, et alors un nouveau soupir fut poussé, qui se termina par un « brum ! brum ! » de bon augure.

Le capitaine Servadac s’était penché sur la figure de Palmyrin Rosette, qu’il regardait avec une extrême attention. En ce moment, celui-ci ouvrit les yeux, tout grands cette fois. Un vif regard perça l’épaisse lentille de ses lunettes, et d’une voix empreinte d’irritation :

« Elève Servadac, s’écria-t-il, cinq cents lignes pour demain ! »

Telles furent les paroles avec lesquelles Palmyrin Rosette salua le capitaine Servadac.

Mais, à cette bizarre entrée en conversation, évidemment provoquée par le souvenir subit de vieilles rancunes, Hector Servadac, bien qu’il crût positivement rêver, avait, lui aussi, reconnu son ancien professeur de physique du lycée Charlemagne.

« Monsieur Palmyrin Rosette ! s’écria-t-il. Mon ancien professeur ici même !… En chair et en os !

— En os seulement, répondit Ben-Zouf.

— Mordioux ! La rencontre est singulière !… » ajouta le capitaine Servadac stupéfait.

Cependant, Palmyrin Rosette était retombé dans une sorte de sommeil qu’il parut convenable de respecter.

« Soyez tranquille, mon capitaine, dit Ben-Zouf. Il vivra, j’en réponds. Ces petits hommes-là, c’est tout nerfs ! J’en ai vu de plus secs que lui, et qui étaient revenus de plus loin !

— Et d’où étaient-ils revenus, Ben-Zouf ?

— D’Égypte, mon capitaine, dans une belle boîte peinturlurée !

— C’étaient des momies, imbécile !

— Comme vous dites, mon capitaine ! »

Quoi qu’il en soit, le professeur s’étant endormi, on le transporta dans un lit bien chaud, et force fut de remettre à son réveil les urgentes questions relatives à sa comète.

Pendant toute cette journée, le capitaine Servadac, le comte Timascheff, le lieutenant Procope, — qui représentaient l’Académie des sciences de la petite colonie, — au lieu d’attendre patiemment au lendemain, ne purent se retenir d’échafauder les plus invraisemblables hypothèses Quelle était au juste cette comète à laquelle Palmyrin Rosette avait donné le nom de Gallia ? Ce nom ne s’appliquait-il donc pas au fragment détaché du globe ? Les calculs de distances et de vitesses, relevés dans les notices, se rapportaient-ils à la comète Gallia, et non au nouveau sphéroïde, qui entraînait le capitaine Servadac et ses trente-cinq compagnons dans l’espace ? Ils n’étaient donc plus des Galliens, ces survivants de l’humanité terrestre ?

Voilà ce qu’il y avait lieu de se demander. Or, s’il en était ainsi, c’était l’écroulement de tout cet ensemble de déductions laborieuses, qui concluait à la projection d’un sphéroïde, arraché aux entrailles mêmes de la terre, et s’accordait avec les nouveaux phénomènes cosmiques.

« Eh bien, s’écria Hector Servadac, le professeur Rosette est là pour nous le dire, et il nous le dira ! »

Ramené à parler de Palmyrin Rosette, le capitaine Servadac le fit connaître à ses compagnons tel qu’il était, un homme difficile à vivre et avec lequel les rapports étaient généralement tendus. Il le leur donna pour un original absolument incorrigible, très-entêté, très-rageur, mais assez brave homme au fond. Le mieux serait de laisser passer sa mauvaise humeur, comme on laisse passer un orage, en se mettant à l’abri.

Lorsque le capitaine Servadac eut achevé sa petite digression biographique, le comte Timascheff prit la parole et dit :

« Soyez assuré, capitaine, que nous ferons tout pour vivre dans de bons termes avec le professeur Palmyrin Rosette Je crois, d’ailleurs, qu’il nous rendra un grand service, en nous communiquant le résultat de ses observations. Mais il ne peut le faire qu’à une condition.

— Laquelle ? demanda Hector Servadac.

— C’est, répondit le comte Timascheff, qu’il soit bien l’auteur des documents que nous avons recueillis.

— En doutez-vous ?

— Non, capitaine. Toutes les probabilités seraient contre moi, et je n’ai parlé ainsi que pour épuiser la série des hypothèses défavorables.

— Eh ! qui donc aurait rédigé ces diverses notices, si ce n’était mon ancien professeur ? fit observer le capitaine Servadac.

— Peut être quelque autre astronome abandonné sur un autre point de l’ancienne terre.

— Cela ne se peut, répondit le lieutenant Procope, puisque les documents nous ont seuls fait connaître ce nom de Gallia, et que ce nom a été prononcé tout d’abord par le professeur Rosette. »

À cette très-juste observation, il n’y avait rien à répondre, et il n’était pas douteux que le solitaire de Formentera ne fût l’auteur des notices. Quant à ce qu’il faisait dans cette île, on l’apprendrait de sa bouche.

Au surplus, non-seulement sa porte, mais aussi ses papiers avaient été rapportés avec lui, et il n’y avait rien d’indiscret à les consulter pendant son sommeil.

C’est ce qui fut fait.

L’écriture et les chiffres étaient bien de la main qui avait libellé les documents. La porte était encore couverte de signes algébriques, tracés à la craie, qu’on avait eu grand soin de respecter. Quant aux papiers, ils étaient principalement formés de feuilles volantes, zébrées de figures géométriques. Là se croisaient des hyperboles, ces courbes ouvertes, dont les deux branches sont infinies et s’écartent de plus en plus l’une de l’autre ; — des paraboles, courbes caractérisées par la forme rentrante, mais dont les branches s’éloignent également à l’infini ; — enfin des ellipses, courbes toujours fermées, si allongées qu’elles puissent être.

Le lieutenant Procope fit alors observer que ces diverses courbes se rapportaient précisément aux orbites cométaires, qui peuvent être paraboliques, hyperboliques, elliptiques, — ce qui signifiait, dans les deux premiers cas, que les comètes, observées de la terre, ne pouvaient jamais revenir sur l’horizon terrestre, dans le troisième, qu’elles y réapparaissaient périodiquement dans des laps de temps plus ou moins considérables.

Il était donc certain, à la seule inspection de ses papiers et de sa porte, que le professeur s’était livré à des calculs d’éléments cométaires ; mais on ne pouvait rien préjuger des diverses courbes successivement étudiées par lui, car, pour commencer leurs calculs, les astronomes supposent toujours aux comètes une orbite parabolique.

Enfin, de tout ceci, il résultait que Palmyrin Rosette, pendant son séjour à Formentera, avait calculé en tout ou partie les éléments d’une comète nouvelle, dont le nom ne figurait point au catalogue.

Ce calcul, l’avait-il fait avant ou depuis le cataclysme du 1er  janvier ? on ne le saurait que par lui.

« Attendons, dit le comte Timascheff.

— J’attends, mais je bous ! répondit le capitaine Servadac, qui ne pouvait tenir en place. Je donnerais un mois de ma vie pour chaque heure de sommeil du professeur Rosette !

— Vous feriez peut-être un mauvais marché, capitaine, dit alors le lieutenant Procope.

— Quoi ! pour apprendre quel est l’avenir réservé à notre astéroïde…

— Je ne voudrais vous enlever aucune illusion, capitaine, répondit le lieutenant Procope ; mais, de ce que le professeur en sait long sur la comète Gallia, il ne s’ensuit pas qu’il puisse nous renseigner sur ce fragment qui nous emporte ! Y a-t-il même connexité entre l’apparition de la comète sur l’horizon terrestre et la projection dans l’espace d’un morceau du globe ?…

— Oui ! mordioux ! s’écria le capitaine Servadac. Il y a connexité évidente ! Il est clair comme le jour que…

— Que.. ? dit le comte Timascheff, comme s’il eût attendu la réponse qu’allait faire son interlocuteur.

— Que la terre a été choquée par une, comète, et que c’est à ce choc qu’est due la projection du bloc qui nous emporte ! »

Sur cette hypothèse, affirmativement énoncée par le capitaine Servadac, le comte Timascheff et le lieutenant Procope se regardèrent pendant quelques instants. Si improbable que fût la rencontre de la terre et d’une comète, elle n’était pas impossible. Un choc de cette nature, c’était l’explication donnée enfin à l’inexplicable phénomène, c’était cette introuvable cause dont les effets avaient été si extraordinaires.

« Vous pourriez avoir raison, capitaine, répondit le lieutenant Procope, après avoir envisagé la question sous cette nouvelle face. Il n’est pas inadmissible qu’un tel choc se produise et qu’il puisse détacher un fragment considérable de la terre. Si ce fait s’est accompli, l’énorme disque que nous avons entrevu dans la nuit, après la catastrophe, ne serait autre que la comète, qui a été déviée, sans doute, de son orbite normale, mais dont la vitesse était telle que la terre n’a pu la retenir dans son centre d’attraction.

— C’est la seule explication que nous ayons à donner de la présence de cet astre inconnu, répondit le capitaine Servadac.

— Voilà, dit alors le comte Timascheff, une nouvelle hypothèse qui semble fort plausible. Elle accorde nos propres observations avec celles du professeur Rosette. Ce serait dès lors à cet astre errant, dont nous avons subi le choc, qu’il aurait donné le nom de Gallia.

— Évidemment, comte Timascheff.

— Fort bien, capitaine, mais il y a cependant une chose que je ne m’explique pas.

— Laquelle ?

— C’est que ce savant se soit plus occupé de la comète que du bloc qui l’emportait, lui, dans l’espace !

— Ah ! comte Timascheff, répondit le capitaine Servadac, vous savez quels originaux sont quelquefois ces fanatiques de la science, et je vous donne le mien pour un fier original !

— D’ailleurs, fit observer le lieutenant Procope, il est fort possible que le calcul des éléments de Gallia ait été fait antérieurement au choc. Le professeur a pu voir venir la comète et l’observer avant la catastrophe. »

La remarque du lieutenant Procope était juste. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse du capitaine fut adoptée en principe. Tout revenait donc à ceci : une comète, coupant l’écliptique, aurait heurté la terre dans la nuit du 31 décembre au 1er  janvier, et le choc aurait séparé du globe terrestre un énorme fragment, qui, depuis lors, gravitait dans les espaces interplanétaires.

Si les membres de l’Académie des sciences de Gallia ne tenaient pas encore l’entière vérité, ils devaient en être bien près.

Palmyrin Rosette pouvait seul élucider tout à fait le problème !