Hallucination (Gilkin)

La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 158-159).
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HALLUCINATION



Quelqu’un a dévissé le sommet de ma tête ;
Mon cerveau rouge luit comme une horrible bête.

Sac vineux d’une pieuvre énorme, il s’arrondit,
Il palpite, il s’agite et tout à coup bondit.

Traînant de longs filets de nerfs tentaculaires,
Il nage, peuplant l’air de suçoirs circulaires.

Il nage éperdument, menaçant, triomphant,
Dans les lieux fréquentés par la femme et l’enfant.

Ses lourds et sombres yeux, tout de braise et de soie,
Brillent hideusement lorsque passe une proie.

Malheur aux jeunes fronts fiers, rêveurs et pensifs /
La bête les enlace en ses nœuds convulsifs.

Elle a faim de la pulpe où saignent les idées
Et son bec dur se plaît aux têtes bien vidées.

Elle dévore tout : rêves, craintes, désirs,
La neige des vertus et le feu des plaisirs.

Et, le repas fini, la monstrueuse bête
Rentre, pour digérer et dormir, dans ma tête.