Guy Mannering, ou l’astrologue
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 6p. 202-209).


CHAPITRE XXIX.

CORRESPONDANCE.


C’est en pension, dans l’innocence de l’âge, Hermia, que nous avons contracté notre amitié ; assises ensemble, sur le même patron nos aiguilles traçaient la même fleur ; nous fredonnions la même chanson ; nous étions dans la même habitation ; nos mains, nos voix, nos mouvements, nos pensées semblaient être les mêmes.
Shakspeare. Songe d’une nuit d’été.


julia mannering à mathilde marchmont.

« Comment pouvez-vous me reprocher, ma chère Mathilde, que mon amitié diminue, que mon affection recherche un autre objet ? Puis-je oublier jamais que vous êtes l’élue de mon cœur, l’amie dans le sein de laquelle j’ai déposé tous les sentiments que votre pauvre Julia ose s’avouer à elle-même ? Votre injustice n’est pas moins grande lorsque vous me reprochez de vous négliger pour Lucy Bertram ; je vous assure qu’elle n’a pas les qualités que je chercherais dans une confidente. C’est une charmante fille, certainement, et je l’aime beaucoup ; j’avoue même que nos occupations du matin et du soir m’ont laissé moins de temps pour exercer ma plume que ne le demande la régularité de notre correspondance ; mais elle est dépourvue de talents aimables ; ce qu’elle sait se borne au français et à l’italien, qu’elle a appris du monstre le plus grotesque que vous ayez jamais vu, et que mon père a pris pour son bibliothécaire afin de montrer, je pense, combien il fait peu de cas de l’opinion du monde. Le colonel Mannering semble s’être fait l’idée que rien de ce qui lui appartient ou de ce qui a des rapports avec lui ne peut être considéré comme ridicule. Je me rappelle que, dans l’Inde, ayant ramassé quelque part un petit chien métis aux pattes tortues, au dos long et aux grandes oreilles traînantes, il fit son favori de ce hideux animal en dépit de tout ce qu’on put lui dire, et qu’un des grands torts qu’il reprochait à Brown fut d’avoir osé critiquer les pattes tortues et les oreilles tombantes de Bingo. Sur ma parole, Mathilde, je crois que la grande estime qu’il porte à cet homme, le plus affreux de tous les pédants, est fondée sur le même motif. Cette créature s’assied à sa table, où elle prononce le benedicite du ton d’un homme qui crie des poissons dans la rue ; jette les mets dans son gosier par pellées, comme un boueur qui charge son tombereau, paraissant ne pas avoir la moindre connaissance de ce qu’il avale ; ensuite il bêle d’un ton aussi peu naturel en prononçant les grâces, sort précipitamment de la salle à manger, pour aller s’enfoncer dans une masse d’énormes in-folio rongés des vers et aussi repoussants que lui ! Je pourrais m’accommoder assez bien de ce monstre, si j’avais quelqu’un avec qui je pusse rire de lui ; mais Lucy Bertram, si j’ai l’air seulement de vouloir me moquer de ce M. Sampson (tel est le nom de ce joli personnage), prend un air si chagrin que cela m’ôte toute envie de continuer ; et mon père fronce le sourcil, se mord les lèvres, me lance un coup d’œil terrible, et m’adresse des paroles dures qui me déconcertent tout-à-fait.

« Ce n’est cependant pas de cette créature que je veux vous parler ; je dirai seulement qu’étant très instruit dans les langues, tant anciennes que modernes, il a essayé d’enseigner les premières à Lucy Bertram ; et si le grec, le latin, l’hébreu même peut-être, ne sont pas au nombre de ses connaissances, il faut en rendre grâces à son bon sens qui le lui a fait refuser. Aussi a-t-elle réellement un grand fonds d’instruction, et je vous assure que je suis journellement surprise du talent qu’elle montre et du plaisir qu’elle semble prendre à se rappeler et à arranger dans sa mémoire le sujet de ses anciennes lectures. Nous lisons ensemble chaque matin, et je commence à aimer beaucoup plus l’italien que lorsque nous étions tourmentées par ce ridicule animal de Cicipici : c’est ainsi qu’on doit écrire son nom, et non Tchitchipitchi. Tous voyez que je suis devenue savante.

« Mais peut-être j’aime miss Bertram plus pour les perfections qui lui manquent que pour les connaissances qu’elle possède. Elle ne sait rien en musique, et elle ne connaît de la danse que ce qui est commun ici aux plus minces paysans, qui, par parenthèse, dansent avec beaucoup d’ardeur et de feu. Aussi je deviens maîtresse à mon tour, et elle reçoit avec une grande reconnaissance les leçons de clavecin que je lui donne ; je lui ai même montré quelques pas de La Pique, et vous savez qu’il me regardait comme une écolière qui promettait.

« Le soir papa fait une lecture, et je vous assure qu’il lit les vers mieux que tous ceux que vous ayez jamais entendus. Il n’a rien de commun avec ceux qui, ne faisant pas de distinction entre la lecture et la déclamation, froncent le sourcil, contractent leur visage, et gesticulent comme s’ils étaient en costume sur un théâtre. La manière de mon père est tout-à-fait différente : il lit comme un homme bien élevé, qui produit de l’effet par le sentiment, le goût, les inflexions de voix, et non par le geste ou les grimaces. Lucy Bertram monte très bien à cheval, et je puis maintenant l’accompagner ; l’exemple m’a rendue hardie : aussi nous promenons-nous souvent en dépit du froid. Vous voyez bien dès lors que je n’ai pas tout-à-fait autant de temps pour écrire que j’en avais autrefois.

« Je me servirai encore, ma chère, de l’excuse de tous les correspondants paresseux, c’est que je n’ai rien à dire. Mes espérances, mes craintes, mes inquiétudes au sujet de Brown, sont moins vives, puisque je sais qu’il est en liberté et qu’il se porte bien. Je dois convenir aussi que je suis un peu piquée de ne recevoir de lui aucune nouvelle. Notre correspondance était peut-être imprudente, mais il ne serait pas flatteur pour moi que M. Van Beest Brown fût le premier à découvrir cela, et à rompre tout-à-coup. Je puis assurer que nous ne différons pas beaucoup d’opinion sous ce rapport : car j’ai souvent pensé que je m’étais conduite très follement dans cette affaire. Cependant j’ai une si bonne opinion du pauvre Brown, que je ne puis m’empêcher de croire qu’il y a quelque chose d’extraordinaire qui l’oblige au silence.

« Pour en revenir à Lucy Bertram, ma chère Mathilde, croyez bien qu’elle ne peut rivaliser et ne rivalisera jamais avec vous à mes yeux : ainsi votre jalousie n’a aucun fondement. C’est une fille charmante, très sensible, très affectueuse ; il y a peu de personnes auprès de qui je chercherais plus volontiers des consolations dans les maux réels de la vie ; mais ces maux arrivent rarement, et on a besoin d’une amie qui compatisse aux peines du cœur. Le ciel sait, et vous savez aussi, ma chère Mathilde, que ces peines ne réclament pas moins vivement les consolations de l’amitié que les chagrins d’une nature plus sérieuse. Lucy Bertram, sachez-le bien, n’a rien de cette amicale sympathie, rien du tout, ma chère Mathilde. Si je suis malade de la fièvre, elle passera nuit sur nuit pour me soigner, avec la patience la plus résignée ; mais pour la fièvre du cœur, que ma chère Mathilde a calmée si souvent, elle n’a pas plus de sympathie que son vieux tuteur.

— Autre chose encore me contrarie : la petite dissimulée a un amant, et leur mutuelle affection, car je suis sûre qu’elle est mutuelle, a quelque chose de romanesque et d’intéressant. Elle devait hériter d’une grande fortune, je crois vous l’avoir dit ; mais elle a été ruinée par la prodigalité de son père et par la scélératesse d’un coquin en qui il avait confiance. Un des plus jeunes et des plus jolis gentilshommes du pays s’est attaché à elle ; mais comme il est l’unique héritier d’une riche famille, elle refuse son amour à cause de la disproportion de leur fortune.

« Néanmoins, malgré cette modération, cette délicatesse, cette modestie, et tout ce que vous voudrez, Lucy est une petite rusée : je suis sûre qu’elle aime le jeune Hazlewood, qu’il le sait, et qu’il s’expliquerait ouvertement si mon père et Lucy voulaient lui en donner l’occasion. Mais il faut que vous sachiez aussi que le colonel a toujours lui-même, pour miss Bertram, ces attentions qui fournissent à un amant les meilleures occasions de se déclarer. Je voudrais que mon cher papa fît attention à ne pas se laisser prendre au piège, comme il arrive à tant de gens qui se mêlent des affaires des autres. Je vous assure que, si j’étais Hazlewood, je ne verrais pas sans quelque petit soupçon ses compliments et ses saluts, le soin qu’il a d’arranger son manteau et son châle, et son empressement à lui offrir la main. Hazlewood me paraît quelquefois en concevoir de la jalousie. Imaginez la sotte figure que fait votre pauvre Julia dans de semblables occasions ! D’un côté mon père qui fait l’agréable avec mon amie, de l’autre le jeune Hazlewood attentif à chaque parole qui sort des lèvres de Lucy, à chaque mouvement de ses yeux, tandis que je n’ai pas, moi, la satisfaction d’intéresser un être humain ; non, pas même ce monstre exotique de ministre, qui, assis la bouche béante, ne cesse de fixer sur miss Bertram ses yeux ronds et de travers, assez semblable à une statue.

Cela me donne parfois des crispations de nerfs, et parfois aussi ajoute à ma malice. J’étais tellement vexée, l’autre jour, de voir que mon père et les amants me mettaient en dehors de leurs pensées et de leur société, que je dirigeai contre Hazlewood une attaque à laquelle il ne pouvait sans impolitesse se dispenser de répondre. Insensiblement il s’échauffa en se défendant, et je vous assure, Mathilde, qu’il est aussi spirituel que joli homme ; je ne me rappelle pas l’avoir jamais vu sous un jour aussi avantageux : mais voilà qu’au milieu de notre conversation animée, un soupir étouffé de miss Lucy vint frapper mon oreille. J’étais trop généreuse pour pousser plus loin ma victoire, quand même je n’eusse pas craint papa. Heureusement pour moi, il était alors engagé dans une description détaillée des usages et des manières d’une certaine tribu d’Indiens qui vit dans le haut pays, et il en donnait des illustrations[1] sur les modèles de broderies de miss Bertram, dont il gâta les trois plus beaux en y introduisant des dessins de costumes orientaux ; mais je crois que, dans ce moment, elle ne pensait pas plus à sa robe qu’aux turbans et colifichets indiens. Cependant il fut heureux pour moi que mon père n’ait pas vu tout le succès de ma petite manœuvre, car il a la vue aussi perçante qu’un faucon, et il est l’ennemi juré de l’ombre même de la coquetterie.

« Eh bien, Mathilde, Hazlevood entendit aussi ce soupir à moitié étouffé ; il se repentit alors d’avoir un moment prodigué ses attentions à un objet qui en est aussi peu digne que votre Julia, et ce fut avec une expression comique de repentir qu’il s’approcha de la table à ouvrage de Lucy. Il fit quelques observations futiles ; la réponse de Lucy fut telle, qu’il ne fallait rien moins que l’oreille exercée d’un amant ou d’un observateur aussi curieux que moi, pour y remarquer quelque chose de plus froid et de plus sec qu’à l’ordinaire ; mais elle équivalait à un reproche pour mon héros, qui s’accusait lui-même ; aussi demeura-t-il consterné. Vous devez bien penser que ma générosité me porta à jouer le rôle de médiatrice. Je me mêlai donc à la conversation, du ton calme d’une personne qui n’a rien vu et tout-à-fait désintéressée, et je les ramenai au ton ordinaire d’un entretien familier. Après avoir ainsi, pendant quelque temps, servi comme de canal de communication pour transmettre les paroles de l’un à l’autre, je les fis s’asseoir devant un échiquier, et j’allai, selon ma coutume, tourmenter papa qui s’amusait encore à dessiner. Les joueurs d’échecs, il faut que vous le sachiez, étaient placés près de la cheminée, les coudes appuyés sur une petite table à ouvrage sur laquelle étaient l’échiquier et les pions ; le colonel, à l’extrémité opposée du salon, était près d’une table chargée de livres et de deux flambeaux : cette salle, selon l’ancienne mode, est très grande, peu régulière, et garnie d’une vieille tapisserie représentant un sujet que l’artiste lui-même aurait eu grand’peine à expliquer.

« Les échecs sont-ils donc un jeu si intéressant, papa ? — On le dit, » me répondit-il sans m’honorer d’un regard.

« Je le pense aussi, d’après l’attention que M. Hazlewood et Lucy y mettent. »

« Il leva la tête avec promptitude, et suspendit un moment son dessin. Apparemment qu’il ne vit rien qui excitât ses soupçons, car il se remit tranquillement à achever les plis du turban d’un Maratte ; je l’interrompis de nouveau. « Quel âge a bien miss Bertram ? — Comment le saurais-je, miss ? à peu près votre âge, je suppose. — Elle est plus vieille que moi, je le pense ; vous êtes toujours à me dire qu’elle fait bien mieux les honneurs de la table à thé que moi. Mon Dieu, papa, si vous lui donniez une fois pour toutes le droit d’y présider ? — Ma chère Julia, répondit mon père, ou vous êtes une grande folle, ou vous êtes plus disposée à la malice que je ne l’avais encore pensé. — mon cher papa ! prenez-le du meilleur côté ; je ne voudrais pour rien au monde être considérée comme folle. — Alors pourquoi parlez-vous comme une folle ! — mon Dieu ! je suis sûre qu’il n’y a pas tant de folie dans ce que je viens de dire. Chacun sait que vous êtes un bel homme (à ces mots il sourit), c’est-à-dire pour votre âge (il fronça le sourcil) qui n’est pas avancé, et je ne sais pourquoi vous ne feriez pas ce qui peut vous rendre heureux. Je sens bien que je ne suis qu’une fille étourdie ; et si une compagne plus grave pouvait faire votre bonheur… »

« Mon père me prit la main avec un mélange de déplaisir et de gravité amicale : c’était un sévère reproche pour moi d’avoir plaisanté avec ses sentiments.

« Julia, dit-il, j’ai toujours supporté votre légèreté naturelle, parce que je pense qu’elle provient un peu de ce que je n’ai pas surveillé votre éducation d’assez près ; mais je ne vous permettrai pas de vous y abandonner sur un sujet si délicat. Si vous ne respectez pas les sentiments de votre père et la mémoire de celle que vous avez perdue, ayez au moins égard aux droits sacrés du malheur ; et sachez que la plus légère plaisanterie sur un tel sujet qui parviendrait aux oreilles de miss Bertram, la ferait renoncer à l’asile qu’elle occupe aujourd’hui, et la rejetterait, sans protecteur, dans le monde qu’elle a déjà quitté et où elle n’avait pas un ami. »

« Que répondre à cela, Mathilde ? Mon cœur fut ému, je pleurai, je demandai pardon, et promis d’être une bonne fille à l’avenir. Ainsi je suis neutralisée, car je ne puis, en toute sûreté de conscience, tourmenter la pauvre Lucy, malgré le peu de confiance qu’elle a en moi, en agaçant Hazlewood ; et je ne puis non plus, après la sévère réprimande de papa, plaisanter avec lui sur une matière si délicate. Aussi je passe mon temps à faire des découpures que je m’amuse ensuite à brûler ; des esquisses de têtes de Turcs avec des cartes de visite dont je brûle le bout, et qui me tiennent lieu de crayon, et je vous assure que j’ai réussi à faire hier au soir un superbe Hyder-Aly ; je frappe sur mon malheureux clavecin ; je prends un livre sérieux et je commence à le lire par les dernières pages en remontant vers le commencement.

Après tout, je commence à être bien tourmentée du silence de Brown. S’il avait été obligé de quitter le pays, je suis sûre qu’il m’aurait au moins écrit. Mon père aurait-il intercepté ses lettres ? oh, non ! ce serait tout-à-fait contraire à ses principes. Il n’ouvrirait pas une lettre qui m’arriverait le soir, cela dût-il m’empêcher de décamper par la fenêtre le lendemain au point du jour. Quelle expression ai-je permis à ma plume de tracer ! J’en ai honte, Mathilde, quoique ce soit à vous seule que je puisse écrire une telle plaisanterie. D’ailleurs j’aurais tort de me faire un mérite d’agir comme je dois le faire, car M. Van Beest Brown n’est pas un amant assez ardent pour entraîner l’objet de son affection dans des démarches inconsidérées ; il donne tout le temps de réfléchir à ce qu’on doit faire. Cependant je ne le condamnerai pas sans l’avoir entendu, et je ne veux pas mettre en doute la fermeté de caractère d’un jeune homme dont je vous ai souvent parlé avec admiration. S’il était capable de crainte, de faiblesse ou d’inconstance, j’aurais peu à le regretter.

« Et pourquoi, me direz-vous, quand j’attends une fidélité et une constance si inaltérable de la part de mon amant, m’occupé-je de ce que fait Hazlewood et des soins qu’il prodigue à une autre ? Je me fais la même question cent fois par jour, et je ne peux trouver que cette sotte réponse, que, sans vouloir encourager une infidélité sérieuse, on n’aime pas à être négligée.

« Je vous écris toutes ces folies, parce que vous dites qu’elles vous amusent, et cependant je m’en étonne. Je me rappelle que dans nos voyages à la dérobée dans le pays de la fiction, vous admiriez toujours le sublime et le romanesque ; les chevaliers, les nains, les géants, les jouvencelles persécutées, les devins, les visions, les spectres menaçants et les mains sanglantes obtenaient tout votre intérêt, tandis que moi je préférais les intrigues embrouillées de la vie privée, où, au surplus, je n’admettais le surnaturel que par l’influence d’un génie oriental ou d’une fée bienfaisante. Vous auriez aimé à promener le vaisseau de votre vie sur le vaste Océan, avec ses calmes et ses tempêtes mugissantes, ses gouffres tourbillonnants et ses vagues hautes comme des montagnes, tandis que moi j’aurais aimé à laisser voguer ma nacelle sur un lac ou dans une baie dont les eaux fussent agités par un vent assez vif pour exiger quelque adresse du navigateur, mais non pour lui inspirer des craintes sérieuses. Ainsi donc, tout bien considéré, Mathilde, je pense que vous auriez dû avoir pour père le mien, avec l’orgueil de ses armes et de ses ancêtres, son point d’honneur chevaleresque, ses hautes connaissances, ses études abstraites et mystérieuses ; et pour amie Lucy Bertram, qui compte des aïeux dont le nom est aussi difficile à retenir qu’à orthographier, et maîtres jadis de tout ce pays romantique ; Lucy dont la naissance arriva, comme on me l’a dit confusément, au milieu de circonstances d’un intérêt profond et particulier. Vous auriez dû aussi avoir notre habitation d’Écosse, entourée de montagnes, et nos promenades solitaires dans les ruines. Moi j’aurais eu en échange les plaines, les bosquets, les cabinets de verdure, les serres de Pine-Park, avec votre bonne, douce et indulgente tante, sa chapelle le matin, sa méridienne après dîner, sa partie de whist le soir, sans oublier ses chevaux de carrosse bien gras et son cocher plus gras encore. Faites attention cependant que Brown n’est pas compris dans l’échange proposé ; sa bonne humeur, sa conversation animée, sa galanterie franche, conviennent à mon plan de vie, aussi bien que ses formes athlétiques, ses beaux traits et son esprit élevé s’accorderaient avec le caractère d’un héros de chevalerie. Mais puisque nous ne pouvons changer notre sort, je pense que nous devons nous contenter de ce que nous sommes. »

  1. Anglicisme, pour explications. a. m.