Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abattoir s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 13).

ABATTOIR s. m. (a-ba-toir — rad. abattre). Établissement dans lequel les bouchers sont tenus de faire abattre et préparer les animaux destinés à la consommation : Les abattoirs ont fait disparaître ces tueries infectes qui compromettaient la santé des grandes villes. (Bouillet.) Jamais le boucher ne marqua avec plus d’autorité le bétail qu’il fait conduire à l’abattoir. (F. Soulié.) || Se dit aussi des établissements où se fait l’abattage des chevaux, ânes, chiens, etc. : Les abattoirs de chevaux n’ont pas rendu moins de services que les abattoirs de boucherie, en remplaçant les équarrissages qui ensanglantaient et infectaient la capitale. (Bouillet.) Je me servirai si bien du palefroi, qu’il aura à peine la force, lorsque je le rendrai, d’aller des écuries de monsieur le comte à l’abattoir. (G. Sand.)

Droit d’abattoir. Droit que l’on paye pour les animaux tués dans un abattoir.

— Fig. S’est dit d’un champ de bataille et de tout pays ensanglanté par les luttes politiques : Le champ de bataille était un véritable abattoir de chair humaine. La Pologne est un abattoir où les soldats russes font l’office de bouchers. (Edm. Texier.) Aujourd’hui la barbarie russe tend à transformer la patrie de Kosciusko en un abattoir humain. (A. de La Forge.)

— Cellule de la Conciergerie, à Paris, qui reçoit plus particulièrement les accusés de crimes pouvant entraîner la peine de mort. || On s’est servi également de ce mot en parlant de certaines autres prisons : Une noble femme, accourue des extrémités de la France sur la grève de Belle-Ile, pour y embrasser son mari, frappa en vain pendant six mois aux portes de cet abattoir politique. (Sarrans.)

— Par ext. La guillotine :

C’est là, malgré Gilbert et son vers immortel,
Que l’on court voir encor mourir un criminel,
……………………
Là que l’on a dressé l’abattoir social.
A. Barbier.

Encycl. Avant la création des abattoirs, les bestiaux étaient tués dans l’intérieur des villes où les bouchers possédaient des tueries ou des écorcheries particulières. On conçoit les graves inconvénients que devait présenter un tel usage dans une ville comme Paris. Au danger de voir les animaux s’échapper furieux, après un coup mal assuré, se joignait celui des miasmes putrides qui s’exhalaient des matières animales répandues autour des échopes de bouchers, et du sang des victimes coulant au milieu de la fange des ruisseaux. Les abattoirs offrent des avantages immenses pour la sûreté et la salubrité des villes. La surveillance facile qu’y exerce l’autorité ne permet pas d’y abattre et de livrer à la consommation des bestiaux malades ou malsains. On peut, en outre, se demander avec Jean Reynaud, si les mœurs publiques n’ont point à gagner quelque douceur à être ainsi rendues complètement étrangères aux pernicieux exemples de ces scènes cruelles : « Sans doute, dit-il, c’est une impérieuse condition de notre nature qui nous force à égorger les animaux pour entretenir notre chair avec la leur, mais il est humain et profitable de laisser tomber un voile sur le tableau des meurtres, il faut qu’ils demeurent relégués dans le silence de l’enceinte où l’utilité publique le commande. » Ajoutons enfin que les abattoirs permettent de recueillir et d’utiliser diverses substances animales telles que les os, les cornes, les sabots, le sang, qui se perdaient presque toujours dans les tueries particulières, et de faire une économie notable sur le travail d’abattage en le concentrant en un seul lieu.

La ville de Paris possède cinq abattoirs, trois sur la rive droite de la Seine : celui de Montmartre près de la barrière Rochechouart, celui du Roule près de l’ancien parc Monceaux, et celui de Ménilmontant près de la barrière des Amandiers ; deux sur la rive gauche : l’abattoir de Villejuif près de la barrière d’Italie, et celui de Grenelle près de la barrière des Paillassons. Chaque abattoir, outre les cases destinées à l’abattage et construites de telle façon que la viande puisse s’y conserver fraîche, et qu’il soit facile d’y recueillir le sang, contient des écuries, un abreuvoir, une cour dallée, dite voirie, où l’on jette les matières tirées de l’estomac et des intestins, des fonderies de suif, des échaudoirs où sont lavées à l’eau chaude et préparées les issues destinées aux tripiers. La construction des abattoirs de Paris est très-récente ; elle fut ordonnée sous le premier empire par le décret du 10 novembre 1807 ; mais elle ne fut exécutée que longtemps après ce décret, et c’est seulement en 1818 qu’elle fut terminée. Aujourd’hui, il est question de démolir les abattoirs pour les rejeter hors de l’enceinte de Paris. Beaucoup de villes de province possèdent aussi des abattoirs. — Par une ordonnance du 15 avril 1838, les abattoirs sont rangés dans la première classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Toute demande en création d’abattoir est soumise aux formalités d’affiches et d’enquête de commodo et incommodo. Faite par délibération du conseil municipal, elle doit être transmise par le préfet au ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, où on l’examine au point de vue de l’emplacement et des dispositions projetées ; elle passe ensuite au ministère de l’intérieur pour la question des voies et moyens et revient au premier ministère, qui donne l’autorisation.