Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abattoir s. m. (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 6).

* * ABATTOIR s. m. — Encycl. Les abattoirs publics, rangés, par ordonnance du 15 avril 1838, dans la première classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, ont été maintenus dans cette classe par le décret du 31 décembre 1866. Un décret du 1er août 1864 a, par son article 1er, remis aux préfets le soin de statuer sur les propositions tendant à établir des abattoirs et décidé que les taxes d'abatage seraient calculées de façon à ne pas dépasser les sommes nécessaires pour couvrir les frais annuels d'entretien et de gestion, et pour assurer le payement de l'intérêt et l'amortissement du capital engagé dans l'opération. L'article 6 de ce décret porte que, si des circonstances exceptionnelles nécessitaient des taxes supérieures à celle de 0 fr. 02 par kilogramme de viande de toute espèce, l'imposition de ces taxes ne pourrait être autorisée que par décret rendu en Conseil d'Etat. Une ordonnance, qui peut être considérée comme type, et qui au reste a guidé les municipalités de province dans la réglementation des abattoirs, a été prise, le 20 août 1879, par le préfet de police.

Cette ordonnance interdit tout abatage des animaux de boucherie ou de charcuterie en dehors des abattoirs spécialement créés et autorisés à cet effet. Elle impose aux conducteurs de bestiaux l'obligation d'être munis d'une médaille, qui doit être portée d'une façon apparente et fixe le nombre d'animaux que chacun d'eux peut conduire. Elle règle les conditions dans lesquelles les animaux morts en route seront abattus ; elle décide que les inspecteurs de la boucherie devront être présents à l'abatage et à la préparation de ces animaux, qui ne pourront être livrés à la consommation que sur permis spécial délivré à cet effet. Les mêmes précautions sont prises en ce qui concerne les animaux déclarés suspects de maladie par l'inspection ad hoc. L'abatage des veaux de moins de six semaines est formellement interdit. Toutes les viandes provenant des animaux abattus seront visitées par les inspecteurs de boucherie. Toutes celles qui seront reconnues insalubres ou impropres à la consommation seront saisies. Au cas où leur propriétaire protesterait contre la saisie effectuée sur l'ordre de l'inspecteur, un expert sera chargé de statuer. Toute viande saisie ou consignée par les inspecteurs de la boucherie restera à leur disposition et ne pourra être enlevée ou détruite que par leur ordre. Le soufflage des viandes et toute autre manœuvre ayant pour but de donner à la viande une apparence de nature à tromper l'acheteur seront passibles des peines portées par la loi du 27 mars 1851. Les chapitres IV et V de l'ordonnance dont nous donnons ici un court résumé, sont relatifs aux fondoirs et aux ateliers de triperie. Le chapitre VI est relatif aux mesures concernant la sécurité des abattoirs et porte notamment interdiction de fumer dans les bouveries, bergeries, écuries et greniers. Le chapitre VIII interdit l'entrée des abattoirs aux marchands, musiciens, chanteurs ambulants, saltimbanques, crieurs et distributeurs d'imprimés, ainsi qu'à tous individus qui exercent ordinairement sur la voie publique. Le préfet de police se réserve d'accorder, par permission spéciale, l'entrée des abattoirs aux industriels qui s'occupent de l'entretien ou de la réparation des outils employés par les ouvriers d'abattoirs. Tout individu en état d'ivresse sera immédiatement exclu, sans préjudice des poursuites qui pourront être exercées contre lui. L'article 55 porte que tous mauvais traitements envers les animaux seront punis conformément à la loi du 2 juillet 1850. Enfin, et c'est par ce point que nous terminerons ce résumé, il est interdit d'employer dans les abattoirs des garçons ou fllles âges de moins de seize ans, sous les peines prévues par la loi du 19 mai 1874.

Le nombre des abattoirs s'est singulièrement accru en France depuis une dizaine d'années ; toutes les villes de quelque importance se sont décidées à créer ces sortes d'établissements, qui seuls peuvent permettre une surveillance sérieuse des viandes livrées à la consommation.

Dans le rapport qu'il adressait au ministre de l'agriculture et du commerce en 1880, le comité consultatif d'hygiène publique de France appelait tout particulièrement l'attention du ministre sur les conditions défec-


tueuses des tueries particulières, établies même dans des villes d'une certaine importance, et demandait le remplacement de ces tueries par des abattoirs publics. Le 22 mars 1881, le ministre de l'agriculture adressait aux préfets une circulaire dans laquelle il rappelait que la santé publique est particulièrement intéressée à ce que l'état de choses signalé par le comité consultatif, prit fin ; il disait : « La création d'abattoirs publics, dans lesquels s'exerce une surveillance intelligente et active, est le meilleur moyen à employer pour sauvegarder la santé publique et la seule garantie utile qu'on puisse donner à la consommation. » La circulaire ministérielle invitait en conséquence les préfets à intervenir activement auprès des communes pour les décider a étudier la question «  On pourra, ajoutait le ministre, objecter le défaut de ressources nécessaires mais l'expérience a démontré qu'une ville est loin de compromettre ses finances en créant ces sortes d’établissements. Elle ne tarde pas, au contraire, à trouver dans leur fonctionnement une source de revenus qui lui permet de pourvoir à d'autres besoins. »

Enfin la circulaire se terminait par une invitation aux préfets d'avoir à dresser par arrondissement la liste des tueries particulières existant dans leur département. Les propriétaires de tueries non autorisées étaient mis en demeure de réclamer cette autorisation, et partant, de se soumettre aux règlements qui régissent la matière.

Plusieurs communes se rendirent à l'invitation de l'administration préfectorale. Il faut regretter, néanmoins, encore aujourd'hui, que bien des villes de plus de trois mille habitants se soient abstenues, et qu'on ne puisse espérer qu'elles prennent bientôt les seules mesures propres à conserver en bon état les viandes destinées à la consommation, à moins qu'elles n'y soient contraintes par une loi.

Si les communes françaises se sont montrées en assez grand nombre peu disposées à créer des abattoirs publics, il nous sera permis de constater ici que la question est encore bien moins avancée sur un grande nombre de points en Europe. C'est ainsi qu'à Berlin, en 1876, il n'existait encore que trois abattoirs, tandis qu'on y comptait neuf cents tueries particulières. Une loi du 18 mars 1868 avait bien décidé que, dans les communes pourvues d'un abattoir public, la municipalité pourrait exiger la fermeture des tueries particulières, mais il faut croire que ces municipalités ne se pressèrent pas de se conformer au désir du législateur, car en 1879, à la suite d'une épizootie grave, de nombreuses pétitions vinrent solliciter du chancelier de l'empire la modification de la loi de 1868. Au mois de janvier 1880, un projet de loi fut déposé à la Chambre des députés de Prusse, projet de loi qui imposait aux bouchers l'abatage dans les abattoirs publics et créait un sérieux service d'inspection.