Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Philippe (LE), harangue d’Isocrate

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 808).

Philippe (LE), harangue d’Isocrate (348 av. J.-C). Elle fut adressée au roi de Macédoine entre la Ire et la IIe Philippique de Démosthène ; c’est un des derniers ouvrages du rhéteur. Il le composa au moment où Philippe venait d’attirer Athènes dans un piège par la paix, négociée avec Eschine. Isocrate engagea le roi à se faire le médiateur entre les États grecs en discorde (le loup médiateur dans les querelles des brebis !) et à marcher ensuite en bonne harmonie avec eux contre les Perses, chose que Philippe avait réellement l’intention d’exécuter, mais avec le titre de général en chef et en réalité comme souverain des républiques grecques. On représente Philippe, dit-il en faisant allusion à Démosthène, comme un prince artificieux, dont le véritable but est d’opprimer la Grèce ; mais de telles imputations lui paraissent dénuées de fondement et de vraisemblance. Il exhorte le roi à convaincre de calomnie ses accusateurs et à démontrer la fausseté de leurs allégations en n’ambitionnant que le titre de pacificateur de la Grèce et de généralissime contre les Perses, leurs ennemis communs.

Isocrate était de bonne foi, puisqu’on prétend qu’il se laissa mourir de faim à la suite de la bataille de Chéronée ; mais il était la dupe du roi de Macédoine, qui aveuglait habilement son patriotisme en flattant sa vanité littéraire. Il suffit, d’ailleurs, pour juger Isocrate, de lire l’interminable préambule de cette harangue. Ce qui préoccupe ce politique à courte vue, c’est la crainte de n’avoir peut-être pas orné son style de tous les agréments que Philippe aimerait à y trouver. Il s’écrie avec une feinte modestie : « Si seulement mon discours était écrit avec cette variété de nombre et de figures dont jadis je connaissais l’usage et que j’enseignais à mes disciples en leur montrant les secrets de mon art ! Mais, à mon âge, on ne retrouve plus ces tours. » Néanmoins, ou trouve dans cette harangue une certaine éloquence et une moins grande exubérance de ces ornements de style qui avaient passionné Isocrate dans sa jeunesse.