Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Philippe (LETTRES À), par Isocrate
Philippe (lettres à), par Isocrate. Ces lettres sont au nombre de trois ; elles sont longues, étudiées et semblables en tout point à des discours. La première est de la même date que la harangue qui précède et lui sert, pour ainsi dire, d’introduction. Isocrate regrette que son extrême vieillesse l’empêche d’aller présenter lui-même sa harangue à Philippe, Il engage ce prince à la lire avec attention et à y réfléchir mûrement. L’objet en est important et Philippe est assez éclairé pour goûter un bon avis, même donné avec assez de liberté. Les circonstances sont favorables ; c’est le moment d’agir, de marcher contre les Perses, comme le conseille son discours ; l’auteur mérite d’être écouté. Tout cela est fort bien dit ; mais la vanité tient trop de place dans cette lettre, et l’auteur semble plus préoccupé du succès littéraire de son œuvre que de sa réussite politique.
La seconde lettre est démesurément longue. Philippe, après avoir conclu la paix avec les Athéniens, incapable de rester oisif, guerroyait en Thrace, où il courut les plus grands dangers. Isocrate le supplie de modérer son courage et de se ménager ; Il lui prouve par plusieurs exemples historiques qu’il ne doit pas s’exposer témérairement. Il l’exhorte encore à marcher contre le roi de Perse et à conclure avec Athènes une paix solide et durable. « Vous aurez plus de facilité, lui dit-il en terminant, à contenir les peuples qui sont sous votre domination et à soumettre les barbares. »
La troisième lettre revient sur les avis donnés dans la précédente et dans son discours. Les peuples de la Grèce sont disposés à se réunir et à marcher ensemble contre les Perses ; que Philippe se mette sans retard à la tête de l’expédition, qui sera aussi honorable pour lui que profitable pour les Grecs. Un personnage aussi célèbre que lui ne saurait trop faire pour augmenter l’éclat de sa gloire. Or que lui restera-t-il à ambitionner après la défaite du grand roi ? Rien que les honneurs divins dont, sans aucun doute, la Grèce récompensera sa générosité.
Isocrate était dévoué à sa patrie et ne cherchait que le bien public de la Grèce. S’il flatte Philippe, c’est, croit-il, dans l’intérêt d’Athènes, et, loin d’être un des lâches complaisants ou un des traîtres vendus à ce prince ambitieux, il était dupe de sa politique perfide, que la droiture de son caractère l’empêchait de deviner. Un autre reproche que l’on peut adresser à ces lettres, c’est d’être trop parfaites sous le rapport de la forme. Le rhéteur, dans Isocrate, éclipse tout à fait le patriote et peut-être ferait-il plus d’effet s’il cherchait moins à se faire admirer.