Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PULCHÉRIE (Ælia PULCHERIA Augusta), célèbre impératrice d’Orient

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 409).

PULCHÉRIE (Ælia PULCHERIA Augusta), célèbre impératrice d’Orient, née à Constantinople en 399, morte en 453. Elle était fille de l’empereur Arcadius et d’Eudoxie et l’aînée de leurs cinq enfants. Elle avait neuf ans à la mort d’Arcadius ; son frère, moins âgé qu’elle de deux ans et proclamé empereur sous le nom de Théodose II, était trop jeune pour exercer le pouvoir, et la régence fut confiée à Anthémius, qui gouverna jusqu’en 414. À cette époque, Théodose fut déclaré majeur, mais ce fut en réalité sa sœur qui régna sous son nom. Le monarque, élevé en moine, absorbé dans les pratiques d’une dévotion minutieuse, occupé à copier des missels en calligraphe émérite, lui abandonna toute la direction des affaires. Pulchérie était intelligente, habile et ambitieuse. Elle se fit déclarer Augusta, c’est-à-dire impératrice (415), choisit de sa main une femme pour son frère, de façon à n’avoir pas à craindre de ce côté une prépondérance politique, et éleva dans ce but au rang d’impératrice la fille du sophiste grec Léontius, la belle et savante Athénaïs, à condition qu’elle recevrait le baptême. Athénaïs y consentit et reçut le nom d’Eudoxie. La bonne intelligence des deux impératrices dura vingt années et, pendant ce laps de temps, Pulchérie conserva l’empire, sans qu’aucune intrigue de palais réussît à l’écarter. Ce fut elle qui engagea Théodose à faire réunir le fameux corps de droit connu sous le nom de Code théodosien, la seule gloire de son règne ; qui conduisit, du fond de son palais, la guerre contre les Perses, les négociations qui y mirent fin en 423, puis l’intervention de l’empire d’Orient dans les affaires de l’Italie lorsqu’il s’agit d’assurer le trône d’Occident à Valentinien III contre Jean, son compétiteur. Elle eut aussi à s’occuper des Huns, qui ne menaçaient pas encore directement Constantinople, mais dont la situation sur le bas Danube était inquiétante. Jusqu’en 443, son influence sur le faible Théodose II ne fut contre-balancée par personne et, en dehors des affaires de l’État, se livrant à son goût pour la dévotion et pour les discussions religieuses, elle trouva encore moyen de se faire révérer comme une sainte par les Pères de l’Église en combattant les nestoriens et les eutychiens. « Elle fit vœu de rester vierge, dit Gibbon, et sa résolution, adoptée par ses deux sœurs, Arcadie et Marine, fut célébrée par les chrétiens comme le plus sublime effort de la piété. En présence du peuple et du clergé, les trois sœurs d’Arcadius (Flacille, la fille aînée de Théodose, était marte à cette époque) dédièrent à Dieu leur virginité ; ce vœu solennel fut inscrit sur des tablettes d’or, enrichies de diamants, dont les princesses firent publiquement l’offrande dans la cathédrale de Constantinople. Le palais devint un monastère et tous les hommes, excepté ceux qui dirigeaient la conscience des princesses, en furent scrupuleusement exclus. Pulchérie, ses deux sœurs et une suite choisie de filles d’une naissance distinguée formèrent une communauté religieuse et renoncèrent aux plaisirs mondains de la parure. Malgré la frugalité de leur diète ordinaire, elles jeûnaient souvent et employaient aux ouvrages de broderie le temps qu’elles ne passaient point en prières. » À toutes ces pratiques du fanatisme religieux, il faut joindre des libéralités nombreuses. L’histoire ecclésiastique donne le détail des églises magnifiques que l’impératrice fit construire dans toutes les provinces de l’Orient, de ses fondations de bienfaisance en faveur des pauvres et des étrangers, des donations considérables qu’elle fit aux monastères et de ses pieux efforts pour détruire les hérésies opposées d’Eutychès et de Nestorius. Il parait pourtant que sa chasteté n’était pas à l’abri de tout soupçon, car les nestoriens attribuaient l’antipathie qu’elle avait pour eux au blâme qu’ils lui avaient infligé pour ses familiarités indécentes avec Paulin, accusé aussi d’être l’amant d’Eudoxie, et à l’inceste qu’ils lui reprochaient d’avoir commis avec son frère, l’empereur Théodose.

Quoi qu’il en soit, la légende rapporte que sa piété fut agréable au Seigneur et qu’elle obtint, en retour, le don de connaître l’avenir et de découvrir les corps saints. Quarante-cinq martyrs avaient été inhumés dans un jardin de Constantinople, et depuis on avait construit près de cet ossuaire un monastère de religieux macédoniens, mais les reliques étaient totalement oubliées ; Pulchérie en reçut avis en songe, dirigea les fouilles et les corps furent trouvés juste à l’endroit indiqué par elle. L’Église célébra le fait en grande pompe et en fit un miracle.

Jusqu’alors Pulchérie avait été la véritable souveraine de l’empire d’Orient sous le nom de Théodose II ; vers 443, son influence baissa devant celle de l’impératrice Eudoxie. Les deux femmes étaient jalouses l’une de l’autre, ce qui tenait peut-être à ce qu’elles avaient le même amant, le beau Paulinus. Pulchérie profita de l’ascendant qu’elle avait sur son frère, habitué à signer, sans les lire, les actes qu’elle lui soumettait, et lui fit signer un contrat par lequel il déclarait vendre sa femme. L’empereur trouva la plaisanterie un peu forte et, se rapprochant d’Eudoxie, lui confia la direction des affaires (443-450). Eudoxie, aidée de l’eunuque Chrysaphius, grand maître du palais, s’ingénia surtout à détruire l’œuvre religieuse de sa rivale, fit exiler le patriarche de Constantinople qu’elle protégeait, rappela Eutychès, banni comme hérésiarque, et obtint enfin l’exil de Pulchérie (447). Celle-ci avait conservé un grand nombre de-partisans ; les querelles religieuses s’étant exaspérées à la suite du concile tenu à Constantinople par les eutychiens (449), l’empereur exila Eudoxie, qui se retira à Jérusalem, et rappela Pulchérie ; il mourut, du reste, l’année suivante, laissant sa sœur impératrice d’Orient. Pulchérie partagea aussitôt le pouvoir avec un vieux sénateur, Marcien, qui lui succéda comme empereur à sa mort, en 453. « Cette princesse, dit Voltaire, après la mort de Théodose le Jeune, épousa un vieux militaire, aussi peu fait pour gouverner que Théodose ; elle en fit son premier domestique sous le nom d’empereur. C’était un homme qui n’avait su se conduire ni dans la guerre ni dans la paix. Il avait été longtemps prisonnier de Genséric, et, quand il fut sur le trône, il ne se mêla que des querelles des eutychiens et des nestoriens. On sent un mouvement d’indignation quand on lit dans la continuation de l’Histoire romaine de Laurent Echard le puéril et honteux éloge de Pulchérie et de Marcien : « Pulchérie dont les vertus, dit l’auteur, avaient mérité la confiance de tout l’empire, offrit la couronne à Marcien, pourvu qu’il voulût l’épouser et qu’il la laissât fidèle à son vœu de virginité. »

« Quelle pitié ! il fallait dire, pourvu qu’il la laissât demeurer fidèle à son vœu d’ambition et d’avarice : elle avait cinquante ans et Marcien soixante-dix. »

Il y a quelques erreurs dans ce jugement, trop peu favorable à Marcien ; il était moins âgé que ne le fait Voltaire et il montra de l’habileté dans l’administration de l’empire. Pulchérie mourut fort attachée à l’Église orthodoxe ; elle avait pris la plus grande part à la convocation du concile d’Éphèse, qui condamna la doctrine de Nestorius, et, à cette occasion, elle fit ériger une basilique dédiée à la Mère de Dieu ; beaucoup d’autres églises furent encore fondées par elle, ainsi que des hôpitaux et des monastères. L’Église, pour la récompenser, l’a honorée du titre de Gardienne de la foi, de Nouvelle Hélène, et l’a mise au nombre de ses saintes ; on célèbre sa fête le 11 septembre.