Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Abd-ul-hamid ii (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 11).

* ABD-UL-HAMID II, sultan de Turquie.-La guerre turco-serbe ayant fourni à la Russie un prétexte d’intervention dans les affaires ottomanes, Abd-ul-Hamid II résolut de prévenir l’immixtion de l’étranger en prenant l’initiative des réformes. Se rapprochant du parti de la jeune Turquie, il remplaça le grandvizir Ruschid par Midhat-Pacha, et dix jours après (£3 décembre 1876), alors que les puissances se réunissaient à Constantinople pour délibérer sur les affaires d’Orient, un hatli impérial promulgua une constitution portant : indivisibilité de l’empire, irresponsabilité du sultan, égalité devant la loi de tous les sujets de l’empire et admissibilité des chrétiens eux-mêmes aux emplois publics, inviolabilité de la liberté individuelle et du domicile, abolition de la confiscation, de la corvée, de la torture et de la question, liberté de l’enseignement, indépendance des tribunaux ; réforme du budget, décentralisation provinciale, sous réserve des intérêts supérieurs du pouvoir central. ■ Le système représentatif, dit M. de la Jonquière, prenait triomphalement sa place en Turquie par l’institution d’un Sénat, dont les membres étaient nommés à vie par le sultan, et d’une Chambre des députés élue pour quatre ans, au scrutin secret, à raison d’un député pour 50.000 Ottomans. Les Chambres avaient droit de contrôle sur tous les actes du gouvernement, et les ministres étaient responsables devant elles ; mais l’initiative des lois appartenait au gouvernement seul, et le sultan, en vertu de l’article 44, était libre d’avancer ou de retarder l’époque de l’ouverture, de prolonger ou d’abréger les sessions. Midhat ne jouit pas longtemps de sa victoire et ne vit pas fonctionner l'œuvre qu’il avait créée ; le 5 mars 1877, il était renversé par une intrigue de palais, arrêté, jeté à bord d’un vaisseau, exilé sans jugement. Il faut dire aussi qu’il avait profondément blessé le sultan par ses allures autoritaires et l’espèce de tutelle qu’il prétendait lui imposer. En outre, certains familiers du sultan, intéressés à la chute de Midhat-Pacha, ne cessaient de le représenter comme regrettant Mourad V et ne cherchant qu’une occasion de le remettre Bur le trône. > Il est certain que le sultan déchu conservait de nombreux partisans, qui ne craignaient pas, au mois de décembre 1877, d’afficher, dans plusieurs quartiers de Stamboul, des placards demandant la démission du Mahmoud-Pacha, beau-frère et favori du sultan, et que ce personnage avait tout intérêt à maintenir Abd-ul-Hamid dans une sorte de terreur constante pour assurer sa propre influence. Depuis ce temps, Abd-ul-Hamid renonça, sous l’empire de lu peur, aux mesures libérales qui avaient signalé le début de son règne. Le parlement turc, dont le fonction


nement avait pourtant été satisfaisant, fut bientôt dissous et l’on revint aux antiques traditions de l’empire (14 janvier 1878), c’est-à-dire qu’au lieu de songer uniquement a la Turquie, le sultan se considéra comme le chef spirituel du monde musulman : de là son attitude en Tunisie, en Égypte, partout, en un mot, où se trouvèrent aux prises l’islam et la chrétienté. À l’extérieur, la guerre d’Orient (v. Tcrquiis) fut défavorable à la Porte, qui vit son territoire démembré et son prestige amoindri parle traité de Berlin (v r^j mot). Abd-ul-Hamid II aurait pu faire de grandes choses et continuer l'œuvre d’Abd-ul-Medjid ; mais il n’eut pas l’énergie nécessaire pour résister k son entourage et persévérer dans ses premières intentions. C’est en se mettant à la tête du parti de la jeune Turquie, qu’il aurait enrayé, peut-être, la décadence de l’empire fondé en Europe par les armes de Mahomet II.