Grammaire et exercices de la langue internationale Esperanto/Exercice 38

38e EXERCICE
Suffixes marquant la durée, adle lieu affecté à, ejce qui porte, renferme, ujl’objet dans lequel on introduit, on insère, ing.
(Voir pages 32 à 37).

En la daŭro de kelke da minutoj mi aŭdis du pafojn. — La pafado daŭris tre longe. — Mi eksaltis de surprizo. — Mi saltas tre lerte. — Mi saltadis la tutan tagon de loko al loko. — Lia hieraŭa parolo estis tre bela, sed la tro multa parolado lacigas lin. — Kiam vi ekparolis, ni atendis aŭdi ion novan, sed baldaŭ ni vidis, ke ni trompiĝis. — Li kantas tre belan kanton. — La kantado estas agrabla okupo. — La diamanto havas belan brilon. — Du ekbriloj[1] de fulmo trakuris tra la malluma ĉielo. — La domo, en kiu oni lernas, estas lernejo, kaj la domo, en kiu oni preĝas, estas preĝejo. — La kuiristo sidas en la kuirejo. — La kuracisto konsilis al mi iri en ŝvitbanejon. — Magazeno, en kiu oni vendas cigarojn, aŭ ĉambro, en kiu oni tenas cigarojn, estas cigarejo. — Skatoleto aŭ alia objekto, en kiu oni tenas cigarojn, estas cigarujo ; tubeto, en kiun oni metas cigaron, kiam oni ĝin fumas, estas cigaringo. — Skatolo, en kiu oni tenas plumojn , estas plumujo, kaj bastoneto, sur kiu oni tenas plumon por la skribado, estas plumingo. — En la kandelingo estis brulanta kandelo. — En la poŝo de mia pantalono mi portas monujon, kaj en la poŝo de mia surtuto mi portas paperujon ; pli grandan paperujon mi portas sub la brako. — La Rusoj loĝas en Rusujo kaj la Germanoj en Germanujo.

surprizi surprendre.
laca las, fatigué.
trompi tromper.
fulmo éclair.
ŝviti suer.
bani baigner.
magazeno magasin.
vendi vendre,
cigaro cigare.
tubo tuyau.

fumo fumée.
ing marque l’objet dans lequel se met ou mieux s’introduit… ex. : kandelo chandelle — kandelingo chandelier.
skatolo boîte.
pantalono pantalon.
sidi siéger, être fixé.
brako bras.

Ad.

Ce suffixe indique toujours une durée quelque peu longue, ou même très longue, dans l’acte ou l’idée exprimés par la racine. Ainsi avec pafo (coup de fusil) le tireur produit un seul acte presque sans durée, tant il passe vite ; avec pafado (fusillade) on produit une série d’actes répétés qui exigent nécessairement une durée beaucoup plus longue.

Par conséquent, les mots kantado, desegnado, skulptado, pentrado, dancado, legado, skribado signifieront non pas un acte, un exercice momentané, mais une pratique habituelle ; ils nommeront donc l’art du chant, du dessin, de la sculpture, de la peinture, de la danse, de la lecture, de l’écriture. La kanto est un court exercice et kantado une assez longue pratique, par conséquent le nom même de l’art du chant. Si un homme a chanté une romance, je dirai : li kantis ; mais, si ce même homme a chanté pendant longtemps, je dirai : li kantadis.

La faculté de penser, de vouloir, d’entendre, de sentir, etc., se rendra par pensado, volado, aŭdado, flarado, etc. Mais l’exercice momentané de cette faculté ne sera que penso, volo, aŭdo, flaro, etc. — Exemples : Comme tous les hommes j’ai reçu la pensée (la faculté de penser pensado). — Ma pensée (actuelle, du moment penso) est que vous feriez bien, de

On voit donc déjà la différence qui existe entre progreso et progresado, movo et movado, parolo et parolado. Mais les phrases suivantes la montreront encore mieux : L’invention (elpenso) des chemins de fer a été un progrès (progreso) très remarquable dans le progrès (progresado) de l’humanité. — L’extension du bras et l’élévation du pied sont des mouvements (movoj) ; par conséquent ce sont des exercices momentanés du mouvement (movado), Sa parole (parolo) claire et chaude a beaucoup plu aux auditeurs de son discours (parolado).

A l’aide du suffixe ad nous distinguerons facilement fumo, verko, traduko, etc., de fumado, verkado, tradukado, etc. Nous dirons avec les premiers : Si vous vous mettez ici vous recevrez la fumée de la locomotive. — Il existe déjà beaucoup d’ouvrages sur la langue internationale Esperanto. — Cette traduction de… n’est pas bonne. Et nous dirons avec les seconds : Fumer entrave la croissance des enfants. — Pendant la traduction de ce long livre, je me suis reposé de temps en temps. — La composition de cet ouvrage l’a fatigué à l’excès.

Remarque. — L’Esperanto n’emploie pas ad sans raison, pour le seul plaisir de l’oreille, mais uniquement dans les limites indiquées plus haut.

Uj.

Ce suffixe veut dire qui porte, renferme. Il est donc tout naturel, au point de vue de la généralisation logique, qu’il serve pour tous les noms d’arbres ou d’arbustes fruitiers et pour les noms de pays, de nations portant, renfermant tel ou tel peuple particulier, telle ou telle race. En effet, pour celui qui ne s’arrête pas à la surface, mais va au fond des choses, la France (Francujo), l’Angleterre (Anglujo) par exemple, portent aussi vraiment les Français et les Anglais que le pommier (pomujo), ou l’oranger (oranĝujo), voire même le sucrier (sukerujo) ou le vinaigrier (vinagrujo) portent et renferment les pommes, les oranges, le sucre et le vinaigre.

Uj a donc comme sens propre et intime cette idée : qui porte, qui renferme, c’est le suffixe du contenant naturel (pomujo, Francujo) ou du contenant par usage (vinagrujo, sukerujo).

Ej.

Signifie toujours : lieu affecté à… Ex. : Preĝejo lieu affecté à la prière, église ; ĉevalejo lieu affecté aux chevaux, écurie ; vinberejo lieu, terrain affecté au raisin, vigne ; herbejo lieu, terrain affecté à l’herbe, pré, prairie ; rizejo lieu, terrain affecté au riz, rizière ; rozejo lieu, terrain affecté aux roses, roseraie ; pomejo lieu, terrain affecté aux pommes, pommeraie.

Ce dernier mot marque bien la différence très grande qui existe, pour le sens, entre les mots affectés du suffixe ej et ceux qui sont affectés du suffixe uj. En effet pomujo signifie pommier et pomejo pommeraie. Supposons qu’une guerre réunisse, comme la récente campagne de Chine, une armée internationale et que nous ayons à désigner le terrain, le territoire affecté aux Anglais, aux Allemands, aux Français y combattant, nous aurions Anglejo, Germanejo, Francejo le quartier affecté aux Anglais, aux Allemands, aux Français, évidemment très différent de Anglujo l’Angleterre, Germanujo l’Allemagne, Francujo la France,

Par une conséquence naturelle de ce que nous venons de dire, tabakejo lieu, terrain affecté au tabac, désignera une plantation de tabac, comme florejo une plantation, un parterre de fleurs. S’il s’agissait de désigner le lieu affecté à la vente du tabac ou des fleurs, nous dirions tabakvendejo, florvendejo ou vendejo de tabako, vendejo de floroj. Cigarejo sera donc le lieu affecté aux cigares. Nous pourrons donc nous en servir pour désigner la chambre ou le magasin ayant un dépôt de cigares. Mais si nous voulions distinguer entre le dépôt proprement dit (tenejo) et la boutique où se vendent les cigares nous dirions cigartenejo, cigarbutiko ou tenejo de cigaroj, butiko de cigaroj. Avec tabac nous aurions donc tabakejo plantation de tabac, tabakvendejo ou vendejo de tabako lieu de vente du tabac, boutique ou autre, tabaktenejo ou tenejo de tabako dépôt de tabac, enfin tabakbutiko boutique, bureau de tabac. Tabakujo est un pot, une boîte ou une blague à tabac, voire même une tabatière.

Le tenejo s’applique à tout endroit où l’on tient, où l’on conserve, où l’on met en dépôt ceci ou cela. Fruktotenejo sera donc le fruitier, l’endroit où l’on tient, où l’on conserve les fruits, et fruktejo le verger. Comme le lieu affecté au café peut aussi bien désigner le lieu public où l’on va prendre le café que la plantation de caféiers, l'Esperanto affecte kafejo au premier et kafplantejo au second ; kafarbo est le caféier, kafujo c’est la boîte dans laquelle on met le café et kafkruĉo est la cafetière.

Ing.

Avec ce suffixe nous gommes en face d’un objet dans lequel s’ntroduit habituellement la chose dont parle la racine. Exemples. : plumingo, kandelingo, fingringo l’objet dans lequel s’introduit la plume, le porte-plume ; l’objet dans lequel s’introduit la chandelle, le chandelier ; l’objet dans lequel on introduit le doigt (pour coudre), le dé,

C’est donc une sorte d’étui dans lequel l’objet en question se loge en tout ou en partie. Aussi, employé seul, le mot ingo signifie-t-il étui.

Ce que nous appelons porte-cigares est cigarujo quand il est la boîte, quelle qu’en soit la matière et la forme, dans laquelle nous mettons une provision de cigares, mais il est cigaringo quand il s’agit du petit tube dans lequel nous introduisons le cigare pour le fumer.

Ceci explique que porte-monnaie, boîte à plumes, boîte à bonbons ou bonbonnière, porte-allumettes et autres mots semblables soient formés à l’aide du suffixe uj et que nous disions monujo, plumujo, bonbonujo, alumetujo ; ces objets n’étant pas des étuis pour ce qu’ils portent et renferment ne peuvent logiquement recevoir ingo. Remarquons d’ailleurs que jamais avec le suffixe ing la chose introduite ne dépasse l’unité ; dans plumingo il n’y a qu’une plume, dans kandelingo qu’une chandelle en cause.


  1. Il faudrait pouvoir traduire par « brillements » pour bien rendre l’idée. Mais le verbe briller existe en français et son substantif n’existe pas, comme bien d’autres d’ailleurs.